PROPOS D'ECRIVAIN


 

 

Les infidélités successives de Nicolas d’Estienne d’Orves

 

Voici un livre rare que l’on voudrait avoir écrit, cruel et flamboyant, sachant aussi parfois se nimber de tendresse. Y foisonne l’étrange faune des bas-fonds de l’occupation nazie à Paris. Ceux dont on connaît le rôle, Céline et Drieux La Rochelle bien sûr. Ceux dont on le découvre, Jean Denoël et Picasso, Danielle Darrieux, Cocteau, Sacha Guitry, Arletty et tous les intellectuels de Je suis partout, le journal antisémite. On y rencontre aussi un Goering monstrueux et grotesque. Il y a encore le monstrueux M. R, le roi de la contrebande, l’empereur du marché noir. Mais qui est-il vraiment, lui aussi ? Plus généreux qu’il n’y paraît ou au contraire mille fois plus vénéneux, plus pervers ?

Des personnages fictifs côtoient étrangement les vrais, leur donnant même parfois la réplique : il y a la tenancière de bordel au cœur étrangement élastique, Dodo la Menteuse qui ne ment jamais, telle cette duchesse espagnole des « Diaboliques » de Barbey d’Aurevilly. Il y a les Berkeley surtout, les petits seigneurs de Maldernay, île anglo-normande restée aussi féodale que celle de Sercq, Victor et Guillaume, le héros anti-héros et en majeure partie le narrateur de cette très noire histoire. Deux frères qui s’aiment, se jalousent, se haïssent souvent. Deux frères que sépare et rassemble une même passion pour leur fausse « demi-sœur » Victoire, en réalité la fille du second mari de leur mère.

Chaque personnage est double ou triple ou même quadruple à l’occasion, jusque ce que l’on ne sache plus exactement où se trouvent le bien ou le mal, si la fin justifie tous les moyens et si vraiment l’argent n’a pas d’odeur. C’était du moins ce que prétendait à son fils l’empereur Vespasien, l’inventeur des fameuses vespasiennes sur lesquelles il touchait un droit de « passage » ! La mystification tient le lecteur en haleine jusqu’au bout mais, peut-être, l’ultime pirouette est-elle de trop ? Comme si l’auteur, de même que son héros anti-héros, voulait savoir jusqu’où il pouvait aller trop loin…

(Albin Michel).

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