Tintine à Reims

Tintine fête les huit cents ans de la cathédrale de Reims

Malgré guerre et incendie, rénovée avec une
invisible voûte de plomb, la cathédrale
est toujours aussi impossante


Reims… Tintine croit déjà entendre sauter les bouchons du champagne et pétiller les bulles, mais elle y découvre aussi bien des traces de fastes défunts…






Et l'autre sourire



Le fameux sourire de Reims




















Le cérémonial du sacre, inchangé du XIII è siècle à la Révolution
Exerçant comme au temps féodal son « droit de gîte » auprès de son vassal, l’archevêque de Reims, le roi est arrivé avec sa Maison, la veille du jour prévu pour la cérémonie du sacre, un dimanche ou un jour de fête tel que Ascension, Assomption ou Toussaint, dans le Palais du Tau. Cette demeure archiépiscopale jouxtant la cathédrale doit son nom à sa forme en « T » ou Tau, celle du bâton de l’archevêque. Au petit matin, deux pairs ecclésiastiques, accompagnés des chanoines de Reims, frappent à la porte de la chambre où repose le roi. Le grand chambellan les interroge : « Que demandez-vous ? – Nous demandons le roi », répondent-ils. « Le roi dort », affirme le grand chambellan. Le cérémonial se répète trois fois de suite, jusqu’à ce que les pairs nomment le souverain en ajoutant : « Que Dieu nous a donné pour roi ». Alors le grand chambellan ouvre la chambre royale où a lieu, en présence des courtisans, le « lever du roi ». Les deux pairs lui font revêtir les vêtements du sacre : chemise ouverte aux endroits où seront pratiquées les onctions, tunique bleue fleurdelisée, manteau bleu rappelant une chape, toque de velours noire ornée d’une aigrette blanche, bottines de soie bleue semées de fleur de lis d’or. Le roi est conduit en procession à la cathédrale, où le reçoit l’archevêque, puis mené à son trône, abrité sous un dais et placé au milieu du choeur : c’est l’intronisation, remplaçant l’ancienne élévation sur un bouclier.

Le calice du sacre
Des tribunes ont été élevées partout, l’église est pavoisée de splendides tapisseries sorties à chaque nouveau sacre. Tout la Cour est là. Il prête serment de conserver au royaume paix et justice. L’archevêque lui remet la couronne, l’épée Joyeuse autrefois offerte à Charlemagne par le pape Léon III, le sceptre, la main ou verge de justice, les éperons d’or ornés de pierres précieuses de la chevalerie, l’agrafe du manteau royal et le livre d’heures à la reliure d’argent. Le roi reçoit l’hommage des pairs, assiste à la grand-messe, tandis que la cathédrale, ouverte en grand au public, exhibe ses magnifiques tapisseries et parfois même un vrai décor de théâtre.

L'une des tapisseries du sacre conservée au Palais
du Tau, Clovis combattant

Un festin digne de Gargantua
Ensuite le roi regagne vers midi, à la tête d’une cavalcade, le palais où est servi un grand festin. Le roi, assis dos à la cheminée monumentale de la grande salle du Tau, est entouré des douze pairs de France, ducs et comtes ecclésiastiques et laïcs, l’archevêque et les évêques dînant en mitre et chape, les femmes étant exclues du banquet, bien sûr fastueux.
On sait par exemple qu’au sacre de Philippe VI, en 1328, furent accommodés pour la suite du roi, soit 2000 personnes : « 300 pinçons de vin, tant de Beaune et Saint-Pourçain que de pays, 243 saumons, 6 barils et 11 pièces d’esturgeon, 383 tanches, 500 brochets careaux, 201 brochets communs, 2279 carpes, 3551 anguilles, 4000 écrevisses, 2000 fromages, 40 350 œufs, 492 pâtés d’anguilles, 82 bœufs, 13 chevreaux, 345 butors et héronneaux, 1823 oisons, 884 connins ou lapins, 10 700 poulets et poussins, 801 chapons, 1600 pâtés de porc et 3142 d’autres viandes, 15 000 oublies ou gaufres, 50 livres de poivre. Et l’on servit à la population plus de 60 000 litres de vin… »
C’est ce palais du Tau qui conserve encore aujourd’hui le Trésor du sacre, dont le calice du XII è siècle, le pendentif de Charlemagne contenant un cheveu de la Vierge, la Sainte-Ampoule détruite en 1793 par un certain Rude, mais reconstituée et contenant encore un peu du précieux baume, les objets liturgiques du sacre de Charles X.

La fin d’une légende et le début d’une autre
Signature de Victor Hugo sur l'un des piliers
 du Palais du Tau
Le trente-cinquième et dernier roi à être ainsi sacré à Reims fut Charles X, le 29 mai 1825, par l’archevêque Jean-Baptiste de Latil. Nombre de célébrités tels que Lamartine, Chateaubriand, Charles Nodier ou Victor Hugo assistèrent au sacre. On retrouve d’ailleurs la signature de ce dernier sur l’un des piliers du cloître de Saint-Remi. Et ce fut au marché de Reims qu’il rencontra une belle gitane du nom d’Esmeralda, puis à Saint-Remi un sacristain contrefait du nom d’Albert Nicard, surnommé Quasimodo… De ce contraste entre beauté et laideur naquit ce chef d’œuvre dont l’auteur transposa l’action dans la capitale : Notre-Dame de Paris.

Les gargouilles crachaient du plomb lors
de l'incendie de la cathédrale

La naissance d’un mythe
Dans la cathédrale, minutieusement restaurée pour l’occasion et dotée des éclatants vitraux d’Imi Knoebel illustrant avec brio ses recherches sur les trois couleurs primaires des maîtres verriers du Moyen-Age, le jaune, le rouge et le bleu, une plaque dans la nef assure que là Clovis, roi des Francs, fut baptisé par Saint-Remi vers la Noël 496 ou 498. Ce baptême fut suivi de la conversion de tous les Francs au christianisme. Ce fut Hincmar, archevêque de Reims au IX è siècle, qui conta dans sa Vie de saint Remi ce fameux baptême et en fit une légitimation sacrée de la monarchie. Il inventa la jolie légende de la colombe symbolisant le Saint-Esprit apportant du ciel l’Ampoule renfermant le saint chrême qui servit à l’onction du baptême de Clovis, puis au sacre des autres rois. Le principe de la monarchie de droit divin était né.
Mais cette « cathédrale des anges » ayant vu le sacre de 35 rois et dont on célèbre cette année les 800 ans a bien failli disparaître durant la Première guerre mondiale, la ville ayant été pilonnée par les batteries allemandes de septembre 1914 à octobre 1918 et détruite à 80%. L’incendie du 19 septembre 1914 paracheva l’œuvre des obus allemands. Suivront vingt ans d’une audacieuse restauration menée par l’architecte Henri Deneux. Sa hantise du feu lui fit préférer le béton au bois. Pour pouvoir préfabriquer les éléments en béton remplaçant l’ancienne charpente et les monter facilement tout en maintenant l’architecture gothique, il inventa un ungénieux système d’assemblage. Dix huit mille pièce constituent ainsi la nouvelle charpente de la nef. Et la cathédrale si habilement rénovée put rouvrir ses portes en 1933…

Saint-Rémi

Les trois baptêmes emblématiques,
celui du Christ, de Constantin et de Clovis

L'éclosiond’une ville nouvelle
Reims presque entièrement détruite, il fallut reloger ses habitants de toute urgence. Sur la seule année 1920, quelques quatre cents architectes, aidés d’innombrables artistes et artisans vont reconstruire la vieille cité des rois et en faire l’un des plus beaux exemples français de l’Art Déco. Mosaïques, ferronneries, bas reliefs, portes ou vitraux viennent animer les façades des maisons, hôtels, restaurants, magasins ou édifices publiques tels que la Poste, la bibliothèque Carnegie, la Caisse d’Epargne,  les Halles du Boulingrin construites entre 1926 et 1929 par Emile Maigrot et Eugène Freyssinet, en cours de restauration, la piscine Talleyrand, le cinéma-opéra, bien des maisons de champagne telles que la Villa Demoiselle ou encore la couronne des harmonieuses cités-jardins conçues par l’architecte américain Géo Ford et permettant de reloger 300 000 personnes. L’un des joyaux de ces cités, la chapelle Saint-Nicaise, dégage un charme naïf avec ses pilastres dorés, ses verres moulés et pressés de René Lalique, son Chemin de Croix de Jean Berque, les peintures de Gustave Jaulmes, le baptistère de Maurice Denis sculpté d’angelots ayant en alternance les clos ou ouverts et la crèche très pure de Roger de Villiers avec un enfant Jésus étirant ses bras derrière sa tête.
Dans l'une des cités-jardins,
l'adorable chapelle Saint-Nicaise
Et la crèche sculptée par Roger de Villiers

Six mois de festivité
La construction d’un nouveau tramway aux lignes épurées inauguré le 16 avril dernier, le « Rêve de couleurs »  par Skertzo animant la façade de la cathédrale, commencé le 6 mai et continuant jusqu’au 23 octobre prochain, les nouveaux vitraux d’Imi Knoebel encadrant ceux de Marc Chagall,  l’exposition sur le vitrail du Musée des Beaux-Arts  et le bestiaire photographique du Palais du Tau, concerts et conférences assurent du dynamisme de la ville des sacres, des anges et du champagne. Voir le programme complet de ces réjouissances sur www.cathedraledereims.fr.

Le Café du Palais, délicieuse cuisine du terroir
et somptueux bric-à-brac

Les bonnes adresses de Tintine
Où dormir
A l’Hôtel de la Paix, 9, rue Buirette, Tél. : 03 26 40 04 08 pour achever de mêler les styles entre vieilles pierres et design, jouir d’une piscine avec jacuzzi et hammam, d’un bar où l’on sert les meilleurs champagnes, de multiples salles de séminaire et d’un patio rafraîchissant. Voir www.bestwestern-lapaix-reims.com
Où savourer les spécialités rémoises
Au Café du Palais, fondé dans les années 1920, aménagé en savoureux bric-à-brac par Jean-Louis Vogt, au 14, place Myron Herrick, Tél. : 03 26 47 52 54, pour y déguster ses tête de veau, foie gras ou assortiment de fromages. Voir aussi www.cafédupalais.fr


Waïda, succulente pâtisserie Art Déco
Où déguster les meilleurs macarons de Reims
Dans la charmante boulangerie-pâtisserie Waïda à mosaïques et vitrine Art Déco du 3, place d’Erlon, au cœur de la ville, Tél. : 03 26 47 44 49.
Où visiter un vrai intérieur Art Nouveau
Datant de 1908, donc un peu antérieure à l’Art Déco, la Villa Demoiselle, 56, Bd Henry Vasnier, Tél. 03 26 61 62 71, appartenant aux champagnes Vranken, fut l’œuvre de l’architecte Louis Sorel, qui conçut l’habitation, le mobilier, jusqu’aux tissus et papiers peints. Longtemps délaissée, la villa portant le nom que l’on donne couramment aux libellules, rouvrit en 2008 et se visite tout en dégustant cette cuvée de « la Demoiselle de Champagne ».
La salle de dégustation de la Villa Demoiselle


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