PRECIEUSE CURIOSITE
A Téhéran, une collection de joyaux unique au monde
Aigrette de Nadir, seconde moitié du XIX è siècle |
L’un des plus célèbre diamant de la planète
On chemine dans une semi pénombre
sur laquelle tranche la vive lumière des vitrines éclairées, toutes
scintillantes de milliers de gemmes rivalisant d’éclat, diamants, rubis,
émeraudes et perles laiteuses surtout. Il y a par exemple tant d’émeraudes que
certaines, même pas montées, reposent dans une immense coupe, un peu comme de
la salade de cresson pas encore assaisonnée… Il s’agit là de butin de guerre,
de présents échangés au fil des siècles, chaque roi, chaque shah ayant tenu à
enrichir la collection en commandant de nouvelles couronnes, sceptres, diadèmes
pour orner le front de ses belles, pendant d’oreilles ruisselant jusqu’aux
épaules, aigrettes, broches, bagues, ceintures, poteries incrustées de pierres
précieuses, vases d’encens, bougeoirs ruisselant de perles, narguilés, simple
tasse à café toute en rubis ou boîte en émeraudes.
Cette collection contient aussi
le plus gros diamant rose du monde, le Darya-ye Nur ou Mer de Lumière. On
raconte qu’il décorait la couronne du roi Cyrus au VI è siècle avant JC et appartint
ensuite au grand Moghol. Son poids est de 182 carats et il est d’une
merveilleuse couleur rose pâle. On pense que la pierre originaire était si
importante qu’elle fut coupée en deux. La seconde pierre, plus petite, de 60
carats seulement, mais de la même eau, fut retaillée pour être montée en 1958
dans la tiare que portait à l’occasion de son mariage la première épouse du
dernier shah, une princesse égyptienne. Cette deuxième pierre, comme tous les
diamants célèbres, porte aussi un nom, le Nur-ol-Ein ou Grande Table.
De taille plate et non à facettes
comme on le fait actuellement, le Darya-ye Nur est présenté dans un cadre fait
de 457 diamants et quatre rubis, surmonté d’une couronne soutenue par deux
lions, l’ancien emblème de la Perse.
Les plus curieux objets, le Trône du Soleil et un globe terrestre
Trône de Fath Ali Shah, XIX è siècle, utilisé lors du couronnement du dernier shah |
Globe commandé en 1869 par Nasser-od Din Shah |
Boîte en or, émeraudes et diamants exécutée au XIX è siècle |
Le Trône du Soleil, dit aussi
Trône des Paons, fut commandé au tout début du XIX è siècle par un roi qajar,
Fath Ali Shah, en employant les pierres et l’or du Trésor. Son petit-fils,
Nasser od-Din Shah le fit ensuite réparer en ajoutant de l’émail bleu et
d’autres versets du Coran. Ce trône demeura au palais Golestan et servit au
couronnement de tous les shahs jusqu’au 6 septembre 1981, au moment de la
terrible répression que connut l’Iran après les attentats de Modjahédines. Il
fut alors enfermé ainsi que les autres joyaux du Trésor dans la Banque centrale
de la République Islamique d’Iran.
Son petit-fils, Nasser od-Din
Shah, commanda en 1869 ce globe à un groupe d’orfèvres iraniens, leur offrant
de puiser largement parmi les pierres non utilisées du Trésor. Ils
représentèrent les mers et océans par des émeraudes, l’Afrique par des saphirs,
le sud-est asiatique, l’Iran, l’Angleterre et la France en diamants, l’Inde en
rubis roses, le reste des terres en rubis plus foncés et l’équateur par une
ligne de diamants et rubis. Le globe est bien sûr posé sur un trépied et peut
tourner sur son axe. L’ensemble du travail, plus étrange que vraiment beau,
pèse 34 kilos et 51 366 pierres précieuses ont été utilisées pour sa
réalisation. Le diamètre du globe mesure 66 centimètres , ce
n’est donc pas un globe de poche !
Le fastueux sacre du dernier shah le 26 octobre 1967
Couronne porté par le shah lors de son couronnement le 26 octobre 1967 |
Le shah couronne lui-même son épouse |
Couronne portée par la shahbanou et montée par Van Cleef et Arpels |
Même s’il régnait déjà depuis le
16 septembre 1941, Mohamed Reza Pahlavi a attendu vingt-six ans avant de se
faire solennellement couronner, ne voulant pas régner sur un pays « pauvre
et illettré ». Sa « Révolution blanche » était en marche depuis
1963, visant à faire de l’Iran un pays occidentalisé grâce à des réformes
économiques et sociales. Ses deux premiers mariages, avec la princesse Fawzia
d’Egypte dont il eut une fille, Shahnaz, et avec Soraya Bakhtiari ne lui ayant
pas donné de fils et s’étant tous deux conclus par un divorce, il a épousé le
21 décembre 1959 Farah Diba, alors étudiante à Paris, faisant d’elle une reine
mais non une impératrice.
Le couple avait déjà trois
enfants, Reza, Farahnaz et Ali-Reza lors du couronnement du shah le 26 octobre
1967, au délicieux palais Golestan de Téhéran. Le shah avait alors 48 ans et
son épouse tout juste 29 ans. Revêtu de son uniforme militaire, le shah portait
la couronne de son père, réalisée en 1925. Imaginée par le fameux bijoutier Haj
seraj-ed-din, elle est faite de velours rouge et surmontée d’une aigrette
blanche sur laquelle scintille une grosse émeraude. De nombreux motifs dont le
principal est un soleil brillant de tous ses rayons sont brodés sur l’étoffe,
soit un total de 3380 diamants, 5 émeraudes, 2 saphirs et 368 perles.
Quant à la nouvelle shahbanou,
parée d’une longue robe blanche sur laquelle elle portait un somptueux manteau
sans manche brodé de perles et diamants, elle fut couronnée par son époux,
devenant ainsi impératrice et devant assurer la régence en cas de vacances du
trône. Une grande première pour l’Iran. Sa ravissante couronne de velours vert,
réalisée par Van Cleef et Arpels à Paris à partir de joyaux du Trésor, est à la
fois imposante et aérienne, mêlant en précieux décors perles, petits diamants
servant à rehausser les autres pierres précieuses, rubis, émeraudes et
laiteuses perles en poires. Pour ceux que les nombres fascinent, elle se
compose de 1469 diamants, 36 émeraudes de belles tailles, 105 perles et 34
rubis.
Au palais du Golestan, à Téhéran, la Salle du Trône de marbre où eut lieu le couronnement du dernier shah |
Un destin tragique
On dit que certaines pierres ont
toujours porté malheur. En tout cas, le couple impérial ne put jouir de ce
fabuleux Trésor que jusqu’à son départ d’Iran, le 16 janvier 1979, chassé par
la révolution iranienne menée par l’ayatollah Khomeyni. Le shah détrôné, déjà
gravement malade, mourut d’un cancer moins d’un an plus tard, au Caire. Quant à
la shahbanou, s’occupant désormais seule de ses quatre enfants – la princesse
Leila était née en 1970 –, elle partage sa vie entre Etats-Unis, France et
Egypte. Elle assura une régence toute théorique jusqu’à la majorité du prince
impérial. Puis elle eut la douleur de perdre son second fils et sa dernière
fille, tous deux suicidés…
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