SEMAINE SAINTE


Ferveur au Guatemala

Toute une mise en scène grandiose en ce jeudi saint à Antigua


Une statue tragique du Christ portant sa croix

Sa châsse elle-même soutenue par une armée de pénitents en violet

La belle façade baroque de la iglesia de la Merced

 

Au  Guatemala, tout devient vite religieux et la ferveur des Mayas trouve à s’exercer à chacune des grandes fêtes catholiques, Pâques, 15 août, Toussaint et Noël surtout, donnant lieu à de belles processions hautes en couleurs. Si le pays était devenu catholique depuis l’invasion espagnole, au XVI è siècle, il accueille volontiers les sectes protestantes depuis la fin du XIX è siècle, si bien que les catholiques sont passés de 95% alors à 15% aujourd’hui. Les Evangélistes surtout se sont solidement implantés, construisant temples, écoles, dispensaires et hôpitaux, centres d’artisanat et multipliant partout les slogans religieux à but éducatif. Ils sont plus de quatre mille pasteurs au Guatemala et, même s’ils endoctrinent forcément la population, ils font aussi œuvre utile en faisant reculer l’analphabétisme.

 

La semaine sainte à Antigua


A l'église de la Merced, devant le Christ, un vrai
parterre de fleurs et de fruits
A moins de 50 km de la tentaculaire et surencombrée Ciudad Guatemala, perchée à 1500 mètres d’altitude, Antigua, l’ancienne capitale et l’une des plus belles agglomérations d’Amérique latine, d’ailleurs inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, a gardé tout le charme des villes coloniales, même si la plupart des monuments a été détruite par les fréquents tremblements de terre. Ainsi, l’harmonieuse et blanche cathédrale n’est plus qu’une façade creuse, avec des ruines derrière, l’ancien palais de la Capitainerie générale qui la côtoie, plaza Mayor, a été consolidé en parpaings et ne seront pas reconstruits de si tôt, faute de moyens, la façade de l’iglesia des Carmen comporte de nombreuses lézardes. La plus vieille et la mieux conservée des églises de la ville, la iglesia de la Merced datant du XVI è siècle a par bonheur été conservée intacte et elle exhibe toujours sa belle façade d’un jaune d’or exubérant, ornée de décors en stuc d’un blanc étincelant. Antigua se prête à la flânerie, avec ses nombreux attelages et les sabots des chevaux sonnant sur les pavés inégaux, ses maisons colorées, sa monumentale fontaine de la grand’ place où se rassemble, le soir venu, toute la population maya venue y vendre les produits de son artisanat, châles, huipiles, les corsages brodés, bijoux de perles et de jade. On y pique-nique en famille, ne manquant pas de s’agenouiller au passage des processions.

Pour la semaine sainte, tout commence le jeudi saint à l’église del Carmen. Les femmes se sont vêtues de noir, mantilles sombres sur la tête, les hommes sont enveloppés d’aubes violettes, déguisés en mercenaires romains ou en pénitents, énigmatiques derrière leurs hautes cagoules rouges coniques. Les enfants arborent les mêmes costumes en miniature. On attend dans un silence respectueux l’apparition du cortège surgi de l’intérieur de l’église. Les hommes en mauve s’avancent au pas cadencé, supportant une lourde châsse très ornementée exhibant un douloureux Christ vacillant sous le poids de sa croix.

 
Des statues toujours tragiques, ici du Christ tombé


Et là de sa face sanglante


Partout, de somptueux parterres de sciure, de fleurs et de fruits

Le lendemain matin, partout dans les rues de la ville, des bénévoles mettent en place d’immenses parterres colorés, faits de sciure de bois teinte, de savants assemblages de fleurs et de fruits formant comme de grands tapis aux délicats motifs. Même les petits s’y mettent, édifiant des compositions à leur taille. Et ces éphémères splendeurs, destinées à être foulées au pied par les différentes processions parties ce jour-là des quatre coins de la ville, ne seront plus ensuite qu’une informe bouillie de couleurs. Toutes les églises ont sorti leurs plus belles statues, parées de riches vêtements, exhibées sur de lourdes châsses portées par les hommes en mauve, par les femmes en noir lorsqu’il s’agit de la Vierge. Les visages des statues sont d’un réalisme poignant : on croirait voir les larmes couler des yeux éteints de la Vierge et le sang perler sous la couronne d’épines. Passent encore des anges, les effigies des saintes femmes, des apôtres…

Des musiciens font longuement vibrer leurs instruments. C’est une concurrence éperdue entre les différentes paroisses d’Antigua. Toute la population maya des environs, vêtue de ses plus beaux atours, en principe les couleurs différant selon les villages, les enfants surtout étant soigneusement parés, se rassemble ensuite sur la plaza Mayor pour festoyer de concert.
Ces éphémères oeuvres d'art de sciure colorée sont destinées à être piétinées
par  la procession
Les somptueux parterres colorés rivalisent
 de splendeur 

De vrais tapis chamarrés

Pour la Vierge, ce sont les femmes les porteuses

Belle et tragique madone toute de noir revêtue




Le dimanche de Pâques à Chichicastenango

Procession naïve et touchante à Chichi castenango
Même en dehors de ces festivités exceptionnelles, ce gros bourg sans grande beauté hormis son église Santo Tomas bâtie sur un ancien lieu de culte maya, vaut le déplacement les jeudis et dimanches matins pour son extraordinaire marché si coloré rassemblant tous les Indiens des villages voisins. Sur les marches mêmes de l’église et sous le regard bienveillant des prêtres catholiques qui ne s’émeuvent plus pour si peu, les chuchkajaus, les prêtres mayas que l’on pourrait aussi nommer chamans officient gravement dans la fumée de l’encens, psalmodiant formules incantatoires et prières pour guérir de tels ou tels maux, lever un mauvais sort, implorer la pluie ou une belle récolte.

Ce dimanche de Pâques, dès dix heures du matin, des châsses plus modestes que celles d’Antigua, portées à même les épaules des villageois, exhibent des statues plus naïves, parées de couronnes de fleurs et de plumes, sillonnent les étroites rues de Chichi bordées, dit-on, de plus de 2000 échoppes. Des femmes aux beaux huipiles brodés, la tête couverte d’une écharpe repliée, portent avec précaution des bougies allumées. A mesure que l’on se rapproche de la place centrale, le son des tambours et tambourins des musiciens est peu à peu supplanté par les percussions d’un sauvage orchestre de hard rock semblant méduser les villageois. On en oublie la sainteté du jour pour regarder se trémousser plus ou moins en mesure une pseudo-danseuse mini-jupée…

La dernière châsse est celle du célèbre Maximon, le père fondateur des Mayas, l’homme maïs grand amateur de tabac et d’alcool – il a une pipe à la bouche et une bouteille de rhum dépasse de sa poche. Les prêtres catholiques le supportent stoïquement, les Evangélistes s’y habituent plus difficilement… Ainsi va la religion, en terre maya…

Le bonhomme Maximon, avec sa pipe et sa bouteille,
fait bien sûr partie de la procession

Petite spectatrice portée dans le châle de sa mère

Mayas portant avec précaution leurs bougies

 

L'ensemble de ce reportage est disponible sur Amazone, voir En terre maya : Yucatan, Belize, Guatemala, par Isaure de Saint Pierre


 

 

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