LE CARAVAGE

 

                               La splendeur insolente du Caravage

 

L'amour vainqueur Le Caravage


Enfin un film qui parle un peu d’art et de culture ! D’abord encensé par la critique, puis décrié par le Masque et Jérôme Garcin, Caravage de Michelle Placido a du moins le mérite d’aborder le difficile sujet de la création artistique et du génie malmené par le pouvoir, ici l’Eglise en l’occurence. Saluons aussi l’extraordinaire ressemblance entre le peintre et celui qui l’incarne, Ricardo Scarmacio. Certes, le film est outrancier. Si Le Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi, avait passé sa vie à s’enivrer dans les bouges avec des putains de bas étage ou à se bagarrer à tout propos, il n’aurait jamais pu venir à bout d’une œuvre immense, célébrée alors dans l’Italie entière. N’oublions pas qu’à partir des années 1585, il était célèbre, le peintre le mieux payé et le plus couru d’Italie, habitué des cours princières et côtoyant tout autant les princes de l’Eglise. Ce n’était donc pas cet ivrogne rustre et grossier que le réalisateur se plaît à montrer. Les trop nombreuses scènes d’orgie sont aussi complaisantes qu’inutiles et vulgaires et Isabelle Huppert, toute fripée parmi ses dentelles, figure une marquise Colonna peu convaincante, même si cette dernière fut dans la réalité la protectrice du peintre, mais sans doute pas son amante – elle avait l’âge d’être sa mère ! S’il est vrai que Le Caravage, hanté par la Bible et les Evangiles, rechercha ses modèles à des scènes religieuses parmi les pauvres des hospices et des bordels – mais tous les peintres le faisaient car cela coûtait bien moins cher que de vrais modèles –, toutes les putains n’étaient pas sales, ivres et vulgaires pour autant. N’oublions pas les grandes courtisanes lettrées et raffinées que fréquentaient alors princes, peintres et poètes.

Les musiciens

La conversion de Saint Paul

 

Enfin, l’idée était bonne de trouver un fil conducteur dans l’enquête menée sur Le Caravage à la demande du pape par un inquisiteur qui se présente comme L’ombre – intéressante et sobre interprétation de Louis Garrel. Ce dernier est déchiré entre l’admiration qu’il voue à l’œuvre picturale et le danger qu’elle représente pour l’Eglise en montrant trop précisément l’extrême pauvreté. Pourtant, la scène finale gâche tout. Le Caravage n’est pas mort assassiné sur ordre de l’Inquisition, mais de maladie dans un hospice de Porto Ercole – on a retrouvé récemment son nom mentionné dans les registres de l’hospice. De même, sa rencontre en prison avec le grand théologien Giancarlo Bruno en 1609 est impossible, ce dernier ayant été brûlé vif sur ordre du pape neuf ans plus tôt. Il est malheureusement vrai que la compassion papale et surtout la crainte d’un discours avant sa mort lui valut d’avoir la langue clouée sur un mors de cheval… De même, je doute que le grand public ait bien compris l’intermède au cours duquel L’ombre interroge Artemisia Gentileschi, coupable de peindre avec son père, la peinture étant alors interdite aux femmes, ce qui lui valut d’ailleurs d’être torturée (voir à ce sujet le beau livre que lui consacra Alexandra Lapierre).

Il est certain que Le Caravage aurait eu moins d’ennuis s’il s’était contenté de peindre des sujets profanes tels que ses Tricheurs ou ses Musiciens. En dépit de ses déboires avec la papauté et de sa fuite de Rome après un duel, Le Caravage fit école. Longtemps, les peintres se sont inspirés de ses fameux clairs obscurs et l’on sent encore son influence chez un Georges de La Tour, mort plus de quarante ans après lui.

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