Somptueux Ouzbekistan

 

Au royaume de Timür le Boiteux

 

Tachkent ancien marché des ivrognes

Gamin devant le musée

Musée des Arts Décoratifs

Si les conflits avec le Kirghizstan font éviter l’est du pays et la vallée de la Ferghana, l’Ouzbékistan reste un pays sûr et d’accès facile tant la population est accueillante, même si les routes sont dans l’ensemble en piètre état. Les hôtels toujours inspirés du goût soviétique sont confortables, mais pour la plupart d’un mauvais goût clinquant.

 

Une dictature peu éclairée

Madrasa Barak Khan

Madrasa Barak Khan à Tachkent

Dans la madrasa femme montrant un suzami

 

Les occupants russes, présents en Asie Centrale depuis le XIXè siècle, puis les Soviétiques qui l’ont englobée dans leur immense République Socialiste ont su préserver et même bien rénover les innombrables mosquées, madrasa (écoles coraniques), caravansérails hébergeant les caravanes de la Route de la Soie, les khanaka des derviches tourneurs pullulant alors dans le pays et quelques tchaïkhana ou maisons de thé. Si le nom du grand conquérant du XIVè siècle, Timür Lang surnommé Timür le Boiteux après une chute de cheval, Tamerlan pour les Occidentaux, ne fut plus guère prononcé jusqu’à l’Indépendance, ses somptueux édifices retrouvèrent peu à peu leur ancienne splendeur. Quand éclata l’empire soviétique, les différents pays d’Asie Centrale s’émancipèrent tout naturellement. En Ouzbékistan, le Premier Secrétaire du Parti, Islam Karinov, s’autoproclama Président le ler septembre 1991. Son pouvoir absolu s’appuyant sur l’armée dura jusqu'à sa mort. La presse était toute à ses ordres et les deux partis fantoches de l’opposition n’existaient que sur le papier. On raconte que, pour parcourir deux fois par jour les quinze kilomètres séparant sa résidence du palais présidentiel, il ne mobiliserait pas moins de dix mille policiers, plantés en haie compacte tous les mètres… Lui succéda l'ancien Premier ministre Shavkat Mirziyoyev, du parti libéral démocrate, qui tenta quelques timides réformes...

 

Bazar Chorsu

Bazar Chorsu

Enfants et cigognes

Du Bazar Chorsu à l’ensemble Hazrati Imam

Tout s’imprègne de démesure à Tachkent, capitale de la République Indépendante d’Ouzbékistan : immenses avenues boisées se coupant à angles droits, exubérance des jardins alimentés par les eaux de la Chirchik, profusion des tours de verre et de béton, arrogance stalinienne des bâtiments officiels et du Cirk en forme de yourte, des places et statues, splendeur des vestiges médiévaux.

Au cœur de la vieille ville dont il ne reste que de rares masures de pisé plutôt branlantes, les coupoles modernes du Bazar Chorsu abritent les paysans des environs venus vendre leurs fruits secs ou frais, légumes, fromages, viandes et poissons d’eau douce à la ville. Les femmes ont gardé leurs longues robes bariolées et portent un petit foulard noué sur la nuque. Heureux musulmans ouzbeks qui ne voilent plus leurs épouses, se rendent de façon fort épisodique à la mosquée, boivent allègrement et adorent les blagues salaces ! On peut goûter à tout, sur les étals du marché, même aux pyramides de carottes, choux et betteraves râpés, certain d’être accueilli par un éblouissant sourire… en or. Les fausses dents rutilantes sont en effet un signe de coquetterie qui ne coûte pas cher dans un pays produisant 80 tonnes du précieux métal par an. 

Monuments aux morts de la guerre de 40

Colonne en forme de balle de coton

Palais dugrand duc exilé Nicolas Romanov

 

Au nord de la ville, le grandiose ensemble Hazrati Imam, faisant face à la madrasa Barak Khan édifiée par l’émir du même nom au XVIè siècle, constitue un modèle d’architecture très pure aux vastes cours pavées surmontées de dômes couverts de briques vernissées d’un bleu tendre, qui se confond avec celui du ciel. A l’intérieur, ouvert à tous comme presque chaque bâtiment religieux, on peut admirer un grand coran censé être le plus vieux du monde. Il aurait été rapporté de ses campagnes par Tamerlan en personne.

Sur l’immense place Mustakillik ou de l’Indépendance, aménagée en agréable promenade arborisée et fleurie, ponctuée de nombreuses fontaines et jeux d’eau, a été édifié le monument aux morts de la Seconde Guerre mondiale. Encadrent la flamme traditionnelle veillée par une vieille femme douloureuse deux pavillons abritant des livres de bronze dont les pages portent les noms des disparus. C’est émouvant et plus poétique que nos désespérants monuments aux morts.

Une Maison de Thé en plein air où glougloute une fontaine permet de s’initier à la cuisine ouzbek : savoureux chi-tochi, mélange de spaghettis, viandes, pommes de terre, oignons et yaourt, ou plov, riz agrémenté de viande, raisins secs et carottes, soupe shourba aux légumes, puis shap-shap, si l’on a encore faim, gâteau au miel fariné, arrosé si l’on veut de vins capiteux, le Bagizagan étant l’un des meilleurs.

Deux heures de vol nous mènent à Ourgentch, à l’ouest de la capitale et au sud de la mer d’Aral, presque à la frontière du Turkménistan, porte d’entrée de la région du Khorezm. On sait maintenant que la mer d’Aral n’a pas été polluée par les seuls déchets des usines soviétiques, mais aussi par leurs essais sauvages d’armes bactériologiques, tant et si bien qu’on prévoit son complet assèchement. Les populations ont dû fuir ses rives malsaines, certains endroits trop contaminés sont purement et simplement interdits au public sans que l’on sache comment les désinfecter. Autre problème, pour irriguer steppes et déserts, les Soviétiques ont détourné les eaux de l’Amou Daria en créant cinq canaux et le fleuve lui-même est à présent menacé d’assèchement… On n’arrête pas le progrès !

 

Khiva, la belle endormie

Khiva : Ora Darvoza palais de l'ouest

Palais de la reine

Femmes à Khiva

Essayage du bonnet des nomades

 

Trente kilomètres de mauvaise route comprenant plus de trous que de goudron nous mènent en cahotant jusqu’à Khiva, ville musée ayant fêté ses 2500 ans d’existence en 1997. En réalité, ce qu’on peut voir aujourd’hui des édifices relevés date plutôt des XVIè et XVIIè siècles. Bien située sur le passage de la Route de la Soie, Khiva se composait de deux villes, toutes deux ceintes de remparts de pisé : la citadelle et la ville fortifiée ou Ichan Kala, puis la ville basse elle-même protégée de murailles ou Dichan Kala. Il reste quatre impressionnants kilomètres de remparts autour de la ville fortifiée et seulement quelques pans pour la ville basse. 

Petit sculpteur

Photo de famille !

Gamine dans la mosquée du vendredi

Vendeuse de peluches

Minaret Islam Khodja

 

Habilement restaurée par les Soviétiques avec l’aide de l’Unesco, Khiva, vrai musée à ciel ouvert par bonheur de nouveau habité, promet un émerveillement de chaque instant. Portes de la ville, place centrale, vieille forteresse, madrasa aux imposantes ouvertures carrées alternant briques crues et vernissées en délicates mosaïques, minarets parfois inachevé ou haut de plus de 40m comme celui d’Islam Khodja, mosquées aux dômes turquoises ou forêt de piliers de bois de celle du Vendredi, « palais de pierre », harem et mausolées éblouissent dès que l’on émerge du lacis de ruelles sombres et fraîches. C’est un vrai tourbillon de splendeurs si étroitement enlacées qu’il faut monter en haut de la forteresse pour s’y repérer. On en oublie les 49° pesant sur la ville bleue, belle endormie d’une province moins active, maintenant que ne passent plus les riches caravanes.

 

Prière au mausolée Pakhlazar Makhmoud

Tricoteuse à Khiva

Porte de la madrasa Abdullah Khan

Le minaret Kalta Minor

La madrasa Abdullah Khan

Au cœur du désert rouge, Boukhara, couleur de lapis

Boukhara se mérite. Avec notre mini bus rapiécé, il faut compter huit épuisantes heures de route dans un paysage monotone alternant désert rouge du Kyzil Kum et steppes chétives où paissent les grands troupeaux de moutons astrakans, rares cultures maraîchères dans les vallées pour atteindre ce qui fut « la perle de l’Islam ». 

 

Sourire en or

Mausolée de Ismaïl Samani

Mosquée Mazar Chuchma Ayoub

Mosquée Mazar

Détruite par les hordes de Gengis Khan, puis de Tamerlan, rendue insalubre par ses eaux polluées donnant le fameux « ver de Boukhara » qui se logeait dans les jambes, devenue à présent une oasis où se cultive intensivement le coton grâce au détournement des eaux de l’Amou Daria – mais pour combien de temps ? –, Boukhara renaît. Elle alterne modernes constructions soviétiques pas trop heureuses et quartiers anciens. 

 

Son cœur bat autour du bassin du Liab-i-Khaouz dominé par la madrasa Nadir Divanbeg, aux carreaux de faïence lapis représentant d’étranges oiseaux fabuleux, alors que c’est en principe interdit par le coran. Là, on se retrouve le soir pour écouter de la musique, boire un verre ou dîner en admirant danses et défilés de mode. Les femmes ont revêtu leur kaftans de fête tout chamarrés d’or ou d’argent, les petites filles sont habillées comme des princesses et les gamins gardent leurs casquettes vissées sur le crâne. On boit allègrement, on trinque ensemble, on s’invite d’une table à l’autre avec cette extraordinaire convivialité ouzbek par encore gâchée par le tourisme.

Devant la madrasa Nadir Divanbeg

Porte de la madrasa Oulougbeg datant de 1417

Madrasa Oulough Begh

Joueur de cithare

Nains de jardin ouzbeks !

 

Les bâtiments anciens se concentrent au nord et à l’ouest de ce bassin et peuvent facilement se visiter à pied, dans un climat plus frais qu’à Khiva : marchés couverts toujours bruyants et animés, échoppes où l’on vend tapis et suzani ou tentures brodées, petit mausolée Samani à la grâce parfaite, qui s’élève dans un jardin,  gigantesque ensemble Poy Kalon, littéralement « le Pied du Grand ». C’est la plus belle place de la ville, fermée par deux portes monumentales se faisant face, celle de la mosquée et celle de la madrasa.

 

Convives à Nadir Divanbeg

Danses traditionnelles à Nadir

Défilé de mode à Nadir Divanbeg

Le délicieux vin de Bagizagan

Madrasa de Nadir Divanbeg

Le minaret Kalon érigé au XII è siècle avait de multiples fonctions : appel à la prière des quatre muezzin préposés à sa garde, phare pour guider les caravanes la nuit, lieu d’exécution des condamnés que l’on précipitait de son sommet. Et encore des murailles, des portes, des nécropoles, des madrasa et des mosquées dont la plus curieuse est peut-être la minuscule Tchor Minor. Elle fut édifiée au XIX è siècle, à l’écart de la ville, et flanquée de quatre minarets aux coupoles turquoise. Un coup d’œil aux très sinistres prisons Zindan assure que tout n’était pas rose ou bleu pour tout le monde autrefois. Nasrullah, le dernier émir, faisait, dit-on, élever spécialement des punaises habituées à dévorer la viande crue pour mieux torturer ses prisonniers…

 

Au pas de l'âne vers Samarkand

Minaret du XIIIè à Vokent

La délicieuse mosquée de Chor Minor

Pavillon des femmes à Musaphar

Palais de Musaphar

Vieil homme devant Musaphar

Samarkand, légendaire capitale de Tamerlan, « l’émir de fer »

Nous mettons cinq bonnes heures pour couvrir les 260 km nous séparant de Samarkand, la mythique cité de Tamerlan, fondée probablement par les Perses au VII è siècle av. J.-C. De retour à Samarkand après ses sanglantes campagnes, Tamerlan le destructeur se faisait alors bâtisseur. Pour toujours enrichir et embellir « sa » ville, il y fit venir les meilleurs artisans du monde musulman, y faisant jaillir les plus majestueuses constructions d’Asie Centrale avec l’aide éclairée de son épouse, Bibi Khanum, la propre fille de l’empereur de Chine et la descendante du grand Gengis Khan.

Ensemble de Shaki Zinda

Jeune fille devant Shaki Zinda

Mosquée de Shaki Zinda

Ménage à Shaki Zinda

Mosaïques de la mosquée Kusam-Ibn

 

Oubliant les affreux blocs soviétiques qui se sont substitués aux vieilles maisons traditionnelles, on plonge, à partir du Gour Emir et jusqu’au mausolée de Bibi Khanum, au nord-est de la ville, dans l’univers enchanté de « l’émir de fer ». Impossible, bien sûr, d’énumérer tous les ravissants édifices émaillant Samarkand, on ne peut citer que les principaux. Le Gour Emir, commencé de construire en 1401 par Muhamad Sultan, petit-fils préféré de Tamerlan en qui il voyait son successeur, fut interrompu par sa mort en campagne, deux ans plus tard. Tamerlan acheva alors la construction en l’honneur du jeune mort. Il y fut enterré à sa mort, en février 1405, près de Muhamad et de son maître spirituel, le cheik Mir-Said-Berek. On peut encore voir six sépultures royales, au pied de celle du maître, mais les corps reposent dans une crypte interdite aux touristes. C’est un émouvant et prodigieux ensemble comprenant gigantesques portes, minarets, coupole glacée de bleu et nervurée.

En cheminant dans le fouillis de ruelles partant derrière le mausolée, on parvient à la large esplanade du Registan, jadis place du marché et des exécutions. 

Fabrique de papier de soie

Masques en papier de soie

Ensemble du Registan

La charmante mosquée des Voyageurs

L'église Saint-Alexis

 

La nuit venue, c’est assez étonnant d’y assister à un son et lumière plutôt emphatique, mais donné pour un seul groupe de… six personnes ! Trois superbes madrasa émaillées de bleu forment un décor si beau qu’on le croirait presque factice, Oulough Begh, Chi Dor au dôme émaillé d’arabesques multicolores et Tilla Kari. Tamerlan, puis une autre de ses femmes, Tuman Aka, en firent un lieu de commerce et d’échanges. Aujourd’hui encore, des échoppes occupent les anciennes chambres des madrasa. En suivant les rues dans la même direction et en traversant les places ombragées où les aksakal, les anciens, discutent ou sommeillent, on parvient à la mosquée Bibi Khanum, l’une des plus vaste d’Asie Centrale. Sa large coupole bleue émaillée de motifs jaunes et blancs scintille gaîment au soleil. Sa construction valut bien des désagréments à l’épouse préférée de Tamerlan. 

L'ensemble Bibi Khanum

La madrasa Bibi Khanum

Devant la mosquée Bibi Khanum

Dans la mosquée

Les ors de la mosquée

Mini bus à  Samarkand

 

Pour stimuler l’architecte en l’absence de son époux, parti comme d’habitude guerroyer au loin, elle lui accorda un baiser. Un baiser si torride et brûlant que la marque et resta sur sa joue. Fou de jalousie à son retour, « l’émir de fer » ordonna que sa belle fût précipitée du haut de son minaret, mais la rusée revêtit tant de jupons sous sa robe qu’ils se déployèrent en parachute et la firent atterrir en douceur. Ravi de pouvoir alors lui pardonner, Tamerlan prétendit y voir un signe du ciel, mais ordonna qu’à l’avenir, toutes les femmes de son empire fussent voilées…

 

Dnns le trai n pour Tachkent

Devant la moquée Bibi Khanum

Au marché

La nécropole du « roi vivant »

On accède au Shah-i-Zinda ou nécropole du « roi vivant » par une volée d’escaliers escaladant la colline d’Afrosyab, premier site historique de la ville. Là fut jadis décapité le saint cousin de Mahomet, le prédicateur Qassim-Ibn Abbas. Prenant sa tête entre ses mains, il descendit dans un puits menant au paradis, où il présiderait une « cour des âmes ». Ce vieux mythe est emprunté aux croyances zoroastriennes, encore vivaces chez les Ouzbeks. De nombreux parents de Tamerlan s’y firent enterrer à leur tour et les bulbes bleus de leurs mausolées évoquent d’étranges champignons hallucinogènes jaillis de la colline.

Près de quatre heures de train permettent de remonter jusqu’à Tachkent, une expérience à ne pas manquer… En dépit de l’aspect futuriste de l’élégante gare de Samarkand, le train, aux compartiments étouffants lambrissés de bois et aux banquettes couvertes de faux damas, se traîne à travers une campagne tour à tour verdoyante ou désertique. L’ambiance est garantie. On trinque ensemble au bar, on est invité d’un compartiment l’autre dans une délicieuse atmosphère de kermesse. Les « sourires en or » sont là encore au rendez-vous !

 

Fiche pratique :  

Ce « Circuit des Princes » de dix jours est organisé par Asia, 1, rue Dante, Tél. : 01 44 41 50 10 et coûte environ 2000 euros, tout compris, repas, , déplacements, entrées des sites et spectacles.

 

Gamins devant la mosquée Bibi Khanum

Le marché

Gamin endormi au marché

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