L'OMBRIE ET LES MARCHES

 



Même si elle a subi durant des siècles l’influence de ses puissantes voisines, Rome et Florence, l’Ombrie mérite bien son surnom de « cœur vert de l’Italie ». Cette région fertile hérissée de rondes collines coiffées de forêts de chênes et creusée de vallées où poussent maïs, blé et vigne a su garder son caractère authentique. Rares sont les constructions d’un modernisme insultant qui polluent trop souvent nos campagnes françaises. Dès le VIII è siècle av.J-C., les Ombriens, de paisibles agriculteurs, s’y établirent et firent valoir leurs terres sous le contrôle étrusque puis romain. Durant le Haut Moyen-Âge, les Lombards y fondèrent un duché prospère dont la capitale était Spolète. Puis les papes morcelèrent l’Ombrie en absorbant peu à peu villes et villages pour les inclure progressivement dans leurs Etats Pontificaux. Enfin, en 1860, la région rejoignit le nouveau royaume d’Italie.

Nombreux vestiges romains, forteresses édifiées comme des nids d’aigles, villages perchés rassemblés autour de leurs églises romanes ou gothiques, ruelles médiévales pentues et tortueuses,  larges places où veillent les altiers palais des notables… On se croirait immergé dans un passé féérique. La rareté des touristes ajoute à la magie de l’Ombrie.

 

Todi, perchée au-dessus du Tibre

Todi la grand place

Todi, façade finement sculptée de l'église

Todi, fresques du Plais des Evêques

Le Plais des Evêques à Todi


De sa place Garibaldi, on a une vue étendue sur le fleuve et la campagne voisine. Colonie étrusque puis romaine, Todi a conservé tout son charme médiéval. Proche de la place Garibaldi, la place du Peuple accueille le Dôme à la façade de marbre clair, bâti au XII è siècle sur un ancien temple d’Apollon. Les stalles marquetées du chœur sont célèbres. De beaux palais cernent la place, celui des Prieurs, du Capitaine ou du Peuple. Le portail gothique de l’église Saint Fortuné est d’une grande finesse. Ne pas manquer dans l’église la Vierge à l’enfant de Masolino de Panicale et dans la crypte le tombeau du moine poète Jacopone da Todi. 

 

Assise la ville sainte

Soeurs devant la chapelle saint François à Assise

Fontaine à Assise

L'hôtel Cenacolo à Assise


Assise, la ville sainte dédiée à Saint François, est encore habitée par cette vision nouvelle de l’Eglise qu’il sut faire reconnaître et propager. Né à Assise en 1182 de parents de petite noblesse, Pierre de Bernardone et dame Pica, il songea d’abord à se faire chevalier, mais ce fut la vision de pauvres lépreux qu’il voulut servir qui entraîna sa vocation. Celle-ci déplut fort à son père qui le déshérita, mais l’évêque Guido le protégea. Retiré dans une pauvre cabane de Rivotorto, il y vit en ascète, bientôt rejoint par des compagnons. Ensemble, ils élaborent la première règle franciscaine d’absolu pauvreté, approuvée par le pape Innocent III. La pauvre cabane devenant trop exiguë pour tout ce monde, François se transporte à la Portioncule, y priant en pleine Nature, y recueillant des animaux qu’il nomme ses frères. Il a même un loup apprivoisé qui ne le quitte guère. Ce fut sur le mont Alverne qu’il reçut les stigmates. Il mourut deux ans plus tard, le soir du 3 octobre 1226, à 44 ans. Deux ans encore se passèrent et il fut proclamé saint par le pape Grégoire IX. Ses restes furent transférés dans la basilique papale d’Assise.

Assise la vieille ville

Assise la basilique Saint François

Assise, fresques de Giotto

Assise, cloître de la basilique Saint François


Cette basilique est double. La basilique supérieure est pourvue de hautes voûtes lumineuses couvertes de fresques des plus grands maîtres. Dans la nef centrale, 28 panneaux peints par Giotto à la fin du XIII è siècle figurent la vie de saint François. Dans la délicieuse chapelle de saint Martin, fresques et vitraux retraçant la vie du saint sont de la main du peintre Siennois Simone Martini.

Dans la basilique inférieur, romane, Giotto toujours a exprimé sur les voûtes des fresques illustrant une vision parallèle de la vie du Christ et de celle de saint François. Tout aussi magnifiques sont celles de Lorenzetti et particulièrement sa Déposition de la Croix. D’autres artistes du XIV è au XVII è ont voulu illustrer le chemin vers la sainteté suivi par saint François, ainsi Cimabue, Martini, Capanna, Martelli, etc.

Mais c’est dans la crypte, émouvante dans son extrême dépouillement, que l’on peut voir l’urne de pierre contenant ses restes, placé sur un autel nu. Ce ne fut qu’en 1932 que les fidèles compagnons du saint, les frères Léon, Massé, Rufin et Ange furent enterrés autour de son tombeau. Dans une niche à part, fut également ensevelie dame Jacqueline de Settesoli, si proche du saint qu’il l’appelait familièrement frère Jacques !

 

Un temple grec

Place de la Commune se dresse la façade parfaitement conservée d’un temple grec, celui de Minerve, qui abrite curieusement une église. En face, la pinacothèque et ses collections d’œuvres ombriennes. Dominant la ville, la basilique gothique de sainte Claire, fondatrice de l’ordre des Clarisses, les Pauvres Dames vivant aussi d’après les règles de pauvreté si chères à saint François. Sainte Claire était d’ailleurs venu le visiter à la Portioncule. Un dîner buffet musical nous attend au Castello di Solfagnano.

 

Pérouse patrie du Pérugin

Vers Pérouse

Pérouse la vieille ville

Détail de l'église de Pérouse

La basilique de Pérouse


C’est à Pietro Vanucci, dit le Pérugin, que la rue principale de la vieille ville doit son nom : le corso Vanucci. Là aussi, bien des richesses attendent le visiteur : la fontaine Majeure sculptée par les frères Nicola et Giovanni Pisano, le Dôme gothique avec la statue de Jules III et une précieuse relique dans la chapelle du saint Anneau, une bague en agate qui aurait été l’anneau nuptial de la Vierge. Le lieu le plus vénéré du sanctuaire est sans doute une représentation de Notre Dame des Grâces devant laquelle viennent s’agenouiller les jeunes mamans. Le monument le plus impressionnant de Pérouse est à mon sens le Palais des Prieurs qui évoque plutôt une forteresse avec ses murs d’une hauteur impressionnante et ses créneaux. Un lion guelfe et un griffon fantastique en défendent l’entrée. Il contient une succession de salles majestueuses aux plafonds peints ou sculptés, les plus belles fresques étant bien sûr celles du Pérugin, probablement assisté par son élève préféré, Raphaël, pour le mur de droite du Collegio del Cambio, qui fait partie de l’édifice.

 

Les Marches entre Apennins et Adriatique         

Quittant l’Ombrie, ses collines boisées, ses vignobles réputés, ses puissantes forteresses, ses palais et ses villages médiévaux à peine effleurés par le temps, on franchit les Apennins, qui culminent tout de même à 2476 m dans le parc national des Monti Sibillini, tout au sud de la province, pour aborder Les Marches, au relief plus mouvementé que l’Ombrie. La région est habituée aux tremblements de terre. Celui de la veille, pas trop grave, a pourtant endommagé bien des routes, qui se trouvent donc fermées, nous obligeant à nombre de détours. D’impressionnants châteaux forts se juchent sur les hauteurs. Ici, ce n’étaient pas les ambitions de conquête des différents papes que l’on redoutait, mais les invasions maritimes.

Pèsaro la Villa Imperiale

Salle à manger de la Villa Imperiale

Trompe l'oeil dans la Villa Imperiale


Cap au nord, vers la station balnéaire réputée de Pèsaro qui s’élève sur un promontoire et plonge jusqu’à la mer. Le tourisme n’a pas gâché la vieille ville, même si les boutiques de souvenirs sont un peu trop nombreuses à mon goût, proposant toujours les éternels articles made in China. Lové à l’embouchure de la rivière Foglia, cet ancien fief de la puissante famille des Sforza a gardé forteresse et palais des XV è et XVII è siècles. A partir du milieu du XVI è siècle, de grands maîtres en céramiques tels que Casali ou Callegari imitèrent les porcelaines chinoises de la Compagnie des Indes, mais au siècle dernier, la mode fut de copier les majoliques de la Renaissance.

Fontaine à Pèsaro

Vue de Pèsaro

Les toits de Pèsaro


Tout le charme de la Villa Impériale est qu’elle semble encore habitée. L’enfilade des salons peu solennels mais chaleureux, ornés de meubles délicats, de jolis tableaux de famille n’impressionne pas mais charme, donnant envie de s’y asseoir pour s’y reposer ou boire un verre. Des objets familiers, éventail, lunettes, livres traînent sur les tables et guéridons, comme s’ils attendaient que le fantôme de l’ancienne propriétaire dont on voit la chambre, la somptueuse alcôve abritant le lit, le mignon berceau du bébé vienne les chercher.

Quant au Musei Civici, il offre aux visiteurs une prodigieuse collection de peintures bibliques, de croix en relief et madones aux doux sourires du Haut Moyen-Age et surtout du quattrocento. Teintes délicates, paysages paradisiaques, ors brillant avec mesure, anges s’ébrouant dans les cieux, perspectives hardies… On en sort ébloui, mais regrettant que la librairie n’offre pas de guide français de toutes ces splendeurs. Le clou de cette extraordinaire collection, surtout rassemblée par les Sforza, est sans doute Le couronnement de la Vierge, peint vers 1470 par Bellini.

Christ du musée Civici à Pèsaro

Vierge du Quattrocento à Pèsaro

Vierge du Sassoferrato à Pèsaro

Saint Sébastien d'Ambito di Timoteo Viti


 

Le Castelbarco et ses jardins en terrasse

Cap en direction d’Urbino, le fief des Montefeltro. En chemin, un détour s’impose pour visiter le féérique Castelbarco et ses jardins. Niché dans les pins, il se tourne vers ses vignobles, plantés en contrebas. Il se compose en fait de deux châteaux différents, la bâtisse supérieure et sa succession de terrasses décorées de buis et de bégonias blancs, puis la partie plus ancienne, encore habitée, avec son campanile et sa cour intérieure ornée d’un puits. L’enfilade de vastes salles de réception ornées de fresques monumentales célèbre les vertus ou les exploits des comtes de Castelbarco.

 

Faïences au musée de Pèsaro

Le Castel Barco

Les jardins en terrasses du Castel Barco

Vue de l'Adriatique près d'Ancône


Urbino et son monumental palais ducal

Vue d'Urbino

Cour intérieure du Palais Ducal

Le monumental Palais Ducal d'Urbino

Fête à Urbino


Ce palais, on ne voit que lui lorsqu’on arrive à Urbino, avec ses appartements somptueux aménagés sur sept étages. Malheureusement, d’affreux échafaudages abîment un peu la vue d’ensemble que l’on pourrait avoir de sa majestueuse façade. Ce nom d’Urbino vient du pape Urbain VIII qui, au XVII è siècle, décida de faire du modeste village de Castel Durante une vraie ville conforme à l’idéal de beauté et d’harmonie de la Renaissance.

Les fondations du palais ducal sont pourtant antérieures, car elles remontent au XIII è siècle, mais l’édifice actuel date des XV è et XVI è siècles. Outre un petit musée, le palais comprend l’ancienne bibliothèque du duc Federico, condottiere au service du pape et célèbre mécène, et sa collection de quelques deux mille gravures. Une cour intérieure, la Cortile d’Onore, date de la première Renaissance et atténue l’austérité du palais. Dans le Studiolo, cabinet de travail du duc Federico, Botticelli dessina la majeure partie du décor marqueté de la pièce. On peut voir le portrait du duc avec son fils appuyé à son genou peint par Pedro Berruguete. L’artiste s’est appliqué à ne montrer que le profil gauche de son modèle, le droit étant abîmé par une cicatrice.

Urbino, c’est encore le Duomo bien sûr, avec une Cène de Federico Barocci, le musée Diocèsien de la verrerie et des céramiques, la maison natale du grand Raphaël, plusieurs oratorios de saints et la forteresse dell Albornoz datant du XI è siècle et permettant d’admirer un panorama exceptionnel.

On dépasse ensuite le port d’Ancône, très industrialisé, pour déjeuner en plein air, tout en haut d’une falaise encore sauvage, plongeant vers une mer d’un bleu irréel. Dommage que notre guide énergique, Armand de Foucaud, ne nous accorde pas le loisir de nous y plonger. Go, go, go semble son mot d’ordre préféré…

 

Spolète et le souvenir de martyres chrétiens

Spolète château de Montoro

Spolète le Duomo

Spolète la grand place

Fontaine à Spolète


Importante colonie romaine du centre de l’Italie, puis commune libre jusqu’en 1354, lorsqu’elle intégra les Etats pontificaux, Spolète charme par son dédalle de rues médiévales, son arc de triomphe du Ier siècle, l’Arco di Druso, l’élégance de sa cathédrale avec ses fresques de la Vie de la Vierge peintes par Fra Lippo Lippi, une Vierge à l’enfant du Pinturricchio et la multitude de ses églises, San Salvadore, San Ponziano et San Gregorio. A proximité de cette dernière furent enterrés, dit-on, quelques dix mille martyres chrétiens exécutés dans l’amphithéâtre romain proche de la via de l’Anfiteatro.

Sophie de Mérode, mariée à un diplomate italien et toute nouvelle grand-mère, nous accueille au Castello Patrizi Montoro, domaine viticole de ses cousins, où nous déjeunons.

Dîner dans le cloître de l’hôtel.

 

Armand de Foucauld et Sophie de Mérode

Le castello Patrizi Montoro et son campanile

Céramiques et palais Chesi dédié à la science

Céramiques de Deruta

Fabrique de Sberna

Exemple de céramiques modernes


Tout au long du voyage, cette région, outre un patrimoine architectural et pictural exceptionnel, sans oublier les collections de tapisseries et de mobilier de toute beauté, est aussi célèbre pour l’excellence de ses faïences. Dans la petite ville de Sberna, on peut se faire expliquer le difficile processus de fabrication, admirer les collections d’un petit musée et acheter des créations d’inspiration ancienne ou moderne. On peut même apporter ses dessins et commander une assiette ou un plat personnalisé. (Ceramiche  Sberna, Via Tiberina 146, 06053 Deruta, Perugia. Tel +39 075 97 102 06.)

A Acquasparta, la façade un peu austère du palais Cesi datant du XVI è siècle, égayé par des jardins à l’italienne, raconte de singulières histoires. Outre les fresques des plafonds empruntées à la mythologie et narrant en particulier les travaux d’Hercule, le propriétaire du palais, Frédéric III Cesi, fonda le 17 août 1603 l’Académie des Lynx, une réunion de scientifiques soutenant alors Galilée, mais avec prudence, pour ne pas s’attirer les foudres de l’Eglise. Frédéric inventa d’ailleurs le premier microscope et se passionna pour l’étude des plantes. Un ingénieux système d’exposition permet de les observer comme si elles étaient bien réelles. On peut aussi regarder un petit documentaire sur les abeilles. (Palais Cesi, Plazza Fedeerico Cesi 3, 05021 Acquasparta TR.

Palais Cesi à Acquasparta

Fête médiévale à Assise


Retour à Assise pour une dernière promenade par ses ruelles pentues, bruissant ce soir-là d’une singulière agitation : la plupart des habitants, certains arborant de somptueux vêtements de soie ou de velours, se pressent sur la place principale pour assister à une fête médiévale. Les porte-drapeaux s’exercent à lancer leurs fanions, des braseros s’allument, les gamins, costumés et grimés, ne tiennent plus en place. C’est la fête…

 

Ce voyage des VMF de l’Eure a été réalisé par Armand de Foucauld et l’agence Hortibus, Info@hortibus.com, ainsi qu’avec l’agence MGV, 103 av Achille Peretti, 92200-Neuilly/Seine, Tél. : 0146373551 et adresse mail :                                                                                      agence@mgvoyages.com.

 

 

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