Oman, dans le sillage de Sinbad le marin

 

 

Fort de Sohar

Bourgade de Sohar

Bain du taureau à Sohar

Petite mosquée à Musendam


La légende voudrait que Sinbad le marin, héros des Contes des Mille et Une Nuits, fût originaire d’Oman et natif de la petite ville côtière de Sohar, sur la côte nord de Muscat.

 

Sinbad serait un Omanais

Avec ses 1700 km de côtes s’étirant au nord, du détroit d’Hormuz, jusqu’au-delà de Daikut, à l’extrême sud, à la frontière du Yémen, le sultanat d’Oman ne pouvait qu’être un grand pays maritime. Bien sûr, l’auteur anonyme de ces Mille et Une Nuits intitulées à l’origine Mille contes, fut un persan du VIII è ou IXè  siècle qui compila divers contes existants. Le personnage de Sinbad, « fameux voyageur qui a parcouru toutes les mers que le soleil éclaire », gagné la Chine et qui est revenu fabuleusement riche de ses sept voyages, put fort bien être un Omanais, à l’époque parmi les plus habiles navigateurs du monde. La légende est belle et pourquoi ne pas croire, comme l’affirment les Omanais, que Sinbad est en effet né à Sohar, fils d’un pauvre pêcheur ? Dans le modeste dhow familial, longue barque plate servant encore à la pêche, il commença par sillonner dès son plus jeune âge le Golfe d’Oman. Gonflée par la brise, sa voile le mena maintes fois vers les côtes escarpées du Musandam où abondent dauphins et baleines. Son relief fait songer aux fjords de Norvège, avec ses eaux très claires, sa myriade d’îlots, côtes escarpées, hautes montagnes arides plongeant vers le bleu de la mer.

 

Le Musendam et Sohar, patrie de Sinbad

Blotti dans la roche, Mustaq

Fort d'Albustan

La grande mosquée de Muscat

L'intérieur de la mosquée

Une capitale toute de blancheur


Au port de Khasab, des pêcheurs remontent leur filet, plein de sardines et les mettent aussitôt à sécher sur le sable. Elles y resteront trois jours, cuites par le soleil – il fait tout de même 40 ° – et ainsi se conserveront bien. Bon nombre de pêcheurs sont en réalité des saisonniers, descendus du djebel Harim ou du plateau de Say pour les trois mois de pêche. Ils iront ensuite vendre leurs poissons dans les Emirats, à Bukha ou Ras al Khaimah, ce qui leur fait moins de route que s’il fallait franchir le djebel Hatta pour se diriger vers Shinas.

C’est cette route que l’on doit emprunter pour regagner Oman à travers monts et déserts. La montagne est magnifique, haute et escarpée – certains pics du plateau de Sayq, au sud de Muscat, dépassent  les trois mille mètres.

Dès que l’on rejoint la côte, on abandonne les pistes à peine tracées pour une route parfaite. Le paysage est plat et monotone jusqu’à Sohar. Cette bourgade de 400 000 habitants où serait donc né Sinbad s’est endormie au cours des siècles, détrônée par Muscat, la capitale. Bien sûr, le fort éclatant de blancheur où vivait le wali, le gouverneur, protégé par ses quatre rangées de murailles et ses six tours de gardes, vieux sans doute de plus de sept siècles, n’existait pas du temps de Sinbad. Le port était alors plus actif, commerçant avec Chine, Irak, Yémen et Indes. Si bien que le géographe arabe Istakhri, auteur du premier texte arabe illustré de cartes, disait de ce  port au X è siècle : « C’est la ville la plus habitée et riche d’Oman et il serait impossible d’en trouver une plus prospère par ses belles maisons ou la quantité de biens importés, sur les côtes de la mer Persique et même sur toutes les terres de l’Islam. »

Le palais du sultan à Muscat

Musiciens à Muscat

Le grand souk de Muscat

Vendeurs de poissons sur le port

La pêche fut fructueuse


A six heures du matin, à l’ouverture du marché aux poissons, Sohar s’éveille et s’anime. Tous guettent le lointain bourdonnement de moteur des dhosw rentrant au port. Les barques accostent une à une. Les gamins sautent à l’eau pour aider les pêcheurs à sortir leurs prises. Il y a là des requins de bonne taille, d’immenses raies aux ailes flottantes, des myriades de sardines et même un petit espadon. On découpe les requins dans l’eau, ce qui n’empêche pas les gamins de barboter dans une mer de sang, on vide les poissons sur le sable, attirant ainsi une nuée de goélands et corbeaux criards. Puis les poissons sont portés à l’intérieur du marché où attendent patiemment des femmes aux voiles noirs, certaines portant un masque de cuir. Elles se mettent aussitôt à marchander âprement : 5 rials l’espadon, 3 les raies, 20 le cageot de sardines, un rial valant deux euros.

 

Muscat, la capitale jaillie du désert

Un petit détour mène à Rustaq, ville la plus importante avec Sohar de cette région de la Batinah, ancienne capitale du royaume jusqu’à l’élection par les sheiks des principales tribus, en 1868, du sultan Azzan bis Qais, fondateur de l’actuelle dynastie. Il y a dans cette région plus d’une centaine de bastions et citadelles, édifiés dès le XI è siècle et maintes fois détruits et reconstruits. Celui de Rustaq, reconstruit en 1650, est impressionnant, avec ses six tours de défense, ses murailles crénelées crépies de rose. L’intérieur donne une juste idée de la vie des walis et imams qui l’habitèrent et du dernier d’entre eux, Talib bin Ali, tué durant la Guerre des Djebels en 1950 : immenses entrepôts pour fourrage et nourriture, puits creusés dans le roc, vastes salons de réception servant aussi de bureaux au gouvernement local et meublés de coffres cloutés de cuivre et de coussins, chambres spartiates avec leur pièce pour les ablutions ou ho.

Piscine naturelle à Dabad

Vue de Tiwi

Porteuse d'eau au Wadi Al Shab

Cueilleur de palmes au Wadi Al Shab


A 135 kms à l’est de Sohar, toujours sur la côte, Muscat, autrefois simple port de pêche, est aujourd’hui une vraie capitale surgie du désert par la volonté de l’actuel sultan. Il interdit buildings et gratte-ciel et favorise la construction de jolies villas blanches, de style arabe. Ce fut lui qui fit construire la Grande Mosquée, achevée en 1995, une merveille d’harmonie et d’équilibre campée dans un jardin de roses et de zinnias où glougloutent les jets d’eau des bassins. Il voulut pour elle les marbres les plus purs – les montagnes d’Oman n’en manquent pas – , de chatoyants tapis tissés sur mesure par des artisans iraniens qu’il fit venir là, les plus habiles sculptures dans du bois d’acacia pour les portes et fenêtres. Un lustre pesant huit tonnes et portant 1129 lampes pend du plafond. Là, on se sent vraiment au pays des Mille et Une nuits.

Bien sûr, un marché aux poissons fut aménagé face à la seule mosquée sunnite de la ville. Dès six heures du matin, c’est une bousculade insensée. On y trouve de tout : sardines servant d’engrais ou de nourriture pour le bétail, hamour tout rond, sorte de mérou, kingfish ou sériole à la chair si prisée des Omanais, mais aussi langoustines, crevettes, crabes et homards. Pourtant, depuis 1988, à cause de l’excès de pêche et de la pollution, le nombre de prises a baissé de façon alarmante, si bien que le sultan a chargé le Centre des Sciences marines et des Pêcheries de Sidab de proposer un programme pour remédier à cet état de faits.

L'oasis du Wadi Bani Khalib

L'exubérant Wadi Bani Khalib

Au pas du petit âne dans le même whadi

L'étonnant port de Sur

Et sa tour de guet


Coincée entre mer et montagne, Muscat étire sa mince bande de blancheur dans un paysage désertique de toute beauté. Grâce aux usines de déstalinisation, l’eau n’est plus une denrée rare. Palmiers, flamboyants, ibiscus, bougainvillées, roses et zinnias jaillissent de chaque coin de jardin, faisant oublier le désert.

Un superbe complexe hôtelier, véritable vitrine de Muscat, a été conçu à l’est de la ville, sur la pointe plongeant vers le large de Barr Al Jissah. Trois hôtels de grand luxe, l’Al Husn, l’Al Bandar et l’Al Waha s’élèvent au bord d’une plage de sable blanc, parmi fleurs et palmiers. Des marinas vont se construire un peu à l’écart. Comme on doit bâtir dans le style du pays, les hôtels évoquent plus des fortins que des buildings citadins. Créneaux, moucharabiehs derrière lesquels les belles pouvaient tout observer sans être vues, voûtes cintrées dans le style arabe, profusion de bassins, jets d’eau et piscines, sans oublier des palmiers dorés font de ces lieux préservés un décor féerique.

Dès que la nuit tombe, les habitants de Muscat se précipitent au souk, ouvert jusqu’à neuf heures du soir. On y trouve de tout, mais hélas pas beaucoup de production typiquement omanaise, à part des nattes tressées par les Bédouins du désert et quelques poteries. Châles et soies du Cachemire, saris d’Inde, du Pakistan ou du Bengladesh, objets en papier mâchés sont proposés dans un concert de cris et d’interpellations. Dans les échoppes de parfumerie, on a pourtant affaire à des marchands omanais offrant les cristaux d’encens récoltés au sud du pays, sur les plateaux du Dhofar, ou les ravissants flacons d’or de l’Amouage, le parfum le plus cher du monde, obtenu à partir de la résine dhawfari. Les Omanais sont en effet fous de senteurs. Quand passent les femmes, dans un envol de voiles noirs, elles dégagent de capiteux parfums obtenus en exposant longtemps chez elles leurs jupes aux vapeurs de l’encens.

 

A Sur, le dernier chantier de gineja, le bateau de Sinbad

Ali Juma inspecte sa future gineja

Tandis que Todosidas en sculpte la frise

L'adorable petit port d'Al Ruways

Le port plus commercial d'Al Ashkara


De Muscat à Sur, presque à la pointe orientale d’Oman, la côte est splendide : longue étendue de sable blanc de Tiwi, délicieux petit port de pêche du Wadi Al Shab, prolongé par une vallée encaissée et verdoyante, formidable explosion de verdure comme sont tous les wadis omanais. Sur le littoral de Ral Jinz, réserve nationale instituée par le sultan pour protéger les tortues marines qui viennent pondre la nuit tout au long de la côte, on voit nager dans des eaux transparentes des bébés requins et ces énormes tortues qui peuvent peser 300 kg et vivre 300 ans. Il faut attendre la nuit pour observer ces bêtes pesantes émergeant péniblement de l’eau et se dirigeant vers le sable sec, où elles creusent un premier trou, simple leurre destiné à égarer les renards et autres prédateurs tels que goélands et aigles marins, puis un second à trois mètres du premier. Commence la ponte, exténuante. La tortue a vraiment l’air de souffrir en pondant peu à peu une centaine d’œufs très blancs et ronds, semblables à des balles de ping-pong. Ensuite elle recouvre son trou et s’en retourne vers l’océan pour faire en quatre ans le tour du monde avant de revenir pondre à l’endroit où elle est née, vingt-cinq ans plus tôt s’il s’agit de sa première ponte. Quand les œufs seront éclos après 55 jours d’incubation, les bébés tortues, de la taille d’un doigt, se hâteront vers la mer en tentant d’échapper aux prédateurs qui les guettent, mais seule une sur mille survivra.

Le désert de Washib

halte des chameaux au désert de Washib

Petite Bédouine près d'Alwasil

Trop jeune mariée à Burkat Almawz

Ses mains peintes au henné


Des rochers noirs plongent vers la mer, deviennent des falaises d’où la vue est spectaculaire vers Sur, ses maisons blanches serrées les unes contre les autres sur un sable presque de la même couleur, l’agitation régnant à quai. Il y a là quantité de dhows et boutres plus trapus.

C’est l’effervescence sur le chantier de Juma Bar Hason Bin Juma, 63 ans, qui dirige encore l’unique chantier naval de Sur où il surveille la construction d’un gineja. Cette élégante embarcation construite en teck malais, longue de trente mètres et qui comprendra quatre cabines doubles, est identique à celles qui menèrent Sinbad jusqu’en Chine. A présent, dhows, boutres et ginejas sont le plus souvent faites en fibres de verre à Dubaï et le métier se perd. Ce chantier qui va durer un an emploie quinze personnes à temps plein, des Indiens du Kérala. Un gineja de cette qualité, tout en bois, entièrement « cousu main » et même décoré d’une frise sculptée, œuvre de Tolosidas, un autre Indien, vaut dans les 15 000 rials, ce qui explique sa rareté. Comme son père ne peut plus grimper aux échelles, c’est son fils aîné, Ali Juma, qui vient inspecter l’intérieur de la coque et s’assurer que le travail a été parfaitement fait. Quand le gineja sera achevé, il y aura-t-il une autre commande ? Nul ne le sait. Inch Allah.

La route s’arrête 80 kms plus au sud, dans le gros bourg d’Al Ashkara. Après, c’est le désert de Ramlat Al Wahaysah, ses dunes blondes, ses chameaux et ses Bédouins semi sédentarisés, vivant dans des huttes sommaires faites de palmes entrelacées. D’ailleurs, les habitants d’Al Ashkara pratiquent aussi un nomadisme saisonnier, s’installant pour l’été dans la palmeraie de Bilad Bani Bu Ali, à l’intérieur des terres, pour y trouver quelque fraîcheur et récolter les dattes. Pour l’heure, ils n’ont pas encore quitté leur port. Les premiers boutres chargés de filets multicolores s’élancent vers le large, bientôt rejoints par toute une flottille, tandis que les vieux s’adonnent à leur occupation favorite : palabrer interminablement, assis sur la plage. Peut-être se content-ils les exploits de Sinbad, revendiqué comme un des leurs par tous les marins omanais ?

 

Oman 2020, un pays tourné vers la mer

Forteresse de Nizwa

Marché au bétail de Nizwa

Le marché

Femme au masque de cuir à Nizwa

Petit berger et sa brebis à Nizwa

L'imposante forteresse de Nizwa


Le pétrole, jailli dans le désert omanais pour la première fois en 1962 et exporté à partir de 1967, permit au sultan, à partir de sa prise de pouvoir en 1970, de moderniser son pays, mais il a encore de grands projets pour Oman : diversifier les sources de richesses pour que le pétrole ne constitue plus que 9% du produit National Brut, développer la liquéfaction du gaz dans l’usine de Qalhat, près de Sur, « omaniser » le pays, c’est-à-dire remplacer progressivement la main d’œuvre étrangère par des travailleurs locaux qualifiés, développer agriculture, industrie des parfums et tourisme. Mais les projets tenant le plus à cœur au sultan, qui n’oublie pas l’éternelle vocation maritime d’Oman, concernent ports et pêche.

Il continue à moderniser le nouveau port de conteneurs de Salalah, dans le Dhofar, opérationnel depuis 1998. Il veut enfin redonner à Sohar, patrie supposée de Sinbad, son faste perdu, en faire un port de conteneurs capable de rivaliser avec Salalah et y installer une raffinerie, puis une usine d’aluminium,  une aciérie et une usine pétrochimique produisant notamment des fertilisants. Enfin, la pêche n’est pas oubliée, richesse indéniable, puisqu’il existe plus de cent cinquante espèces de poissons et crustacées dans les eaux omanaises. La Oman Fisheries Company ne cesse d’accroître sa flotte de chalutiers pour pêcher en eau profonde, tandis qu’une usine de traitement du poisson et de l’huile de poisson est en cours de construction au Dhofar.

Cour intérieure du fort Jibreen

Vue d'Al Abreen

Piscine à Al Abreen

Cyclistes dans une ruelle d'Al Hamra


Quant au tourisme, il va bien sûr s’axer aussi sur la mer, pour profiter des plages exceptionnelles, mais la volonté du sultan est de préserver le littoral en interdisant toujours tours et gratte-ciel et d’éviter le tourisme de masse, qui change si vite un pays et sa mentalité. Il ne faut en effet pas gâcher cette terre d’immensité, où les déserts sont si vastes, les montagnes si hautes, les wadis luxuriants et la mer omniprésente.

 

Pointe Diana

Préparation du thé au Wadi Banni

Fabrique d'eau de rose à Siq

Oasis d'Al Mast

Village de Balad Saitas dans le djebel Shans

Carnet pratique :

. Comment y aller :

Emirates Air Lines, 69, Bd Haussmann, 75008 Paris, Tél. 01 53 05 35 35 propose un vol Paris-Dubaï-Muscat.

. Comment préparer son voyage :

- Avec l’Office du Tourisme d’Oman et Indigo, 10, rue Pergolèse, 75116 Paris, Tél. : 01 40 28 10 00.

- Avec Déserts, 75, rue de Richelieu, 75002 Paris, Tél. 01 55 42 78 42, un excellent spécialiste de ces contrées.

- A Dubaï, vous pouvez vous adresser à Arabia Felix, Historic Bastakiya, Building 59, Tél. : 971 4 3539744.

 

 

 

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