SAINT-PETERSBOURG
Saint-Pétersbourg sur les traces de Raspoutine
Impopulaire pour avoir joui de la confiance des
tsars, Raspoutine fut longtemps considéré comme leur mauvais ange. Des
documents issus de la police de Saint-Pétersbourg éclairent enfin sa vraie
personnalité, sa vie comme sa mort…
L’âme de la vieille Russie
Saint -Pétersbourg, les fastes de l'Ermitage |
Le grand escalier de l'Ermitage |
Les coupoles de l'église du Sang Versé |
L'opulence orientale de l'église du Sang Versé |
Après dix ans d’une vie d’ermite errant et un pèlerinage à Jérusalem, le père Grigori Raspoutine s’en vint à Saint-Pétersbourg, en 1904, désireux de rencontrer le tsar et la tsarine pour leur faire enfin comprendre l’âme russe. Ce pauvre moujik de Pokrovskoïé, en Sibérie, la connaissait tandis qu’eux n’en savaient rien. Il avait trente-trois ans et pas assez de ses yeux pour contempler ces splendeurs, le palais de l’Ermitage contenant tant d’œuvres d’art, mais que la famille impériale habitait peu, la majesté de la Neva, la forteresse Pierre et Paul et son sanctuaire, l’émouvante cathédrale de Saint-Sauveur « sur le sang versé », souvenir de l’assassinat du tsar Alexandre II par des terroristes révolutionnaires en 1881, les jardins et quantité de palais princiers, dont celui du prince Youssoupov.
Muni d’une lettre de recommandation pour
l’évêque Sergui, Raspoutine le conquit par son charisme. Sergui le logea chez lui et
le présenta à l’évêque Théophane, confesseur de la tsarine, et à Militsa, son
intime.
Il
se passa une bonne année avant que Militsa ne se décide à le faire connaître
aux tsars. Enfin,
elle lui offrit d’inviter le couple impérial chez elle.
Le nouveau guérisseur de la
famille impériale
La chapelle de l'Université Youssoupov |
Les chemins d'eau du palais Peterhof, au bord de la Baltique |
Lors
de cette première entrevue, Nicolas II, préoccupé par les défaites russes, ne
prêta guère attention à Raspoutine. La tsarine au contraire, qui avait tant
entendu parler de lui par son confesseur et son amie, fut séduite par sa
simplicité. Alice, pieuse à l’excès, avait toujours recherché les saints
hommes.
Le second entretien de
Raspoutine avec les tsars eut lieu à Tsarskoïe Selo, leur principale résidence
avec celle de Peterhof, une réplique de Versailles connue pour la salubrité de son
air marin. Soudain, il les pria de le conduire au chevet du tsarévitch, dont il
ressentait la douleur. En lui imposant les mains, il calma sa crise
d’hémophilie. Il n’y avait désormais plus de doute : cet humble moujik avait
le don de guérison.
Alix, d’une timidité
maladive, détestait la vie de Cour et le clan Romanov qui ne l’avait jamais
acceptée, à cause de ses origines allemandes. Elle s’était donc réfugiée avec
sa famille dans cette bourgade des environs de Saint-Pétersbourg. Evitant d’habiter
la trop somptueuse demeure baroque édifiée jadis par la tsarine Catherine, elle
lui préférait le confortable palais Alexandre, plus propice à la vie familiale.
Bientôt chargé de veiller
sur la santé des grandes-duchesses, de leur mère et bien sûr du tsarévitch,
Raspoutine devint un familier de la famille impériale. Il avait ses entrées au
palais Alexandre et tous connaissaient sa haute et maigre silhouette.
Quand éclata l’affaire des
Balkans en 1909, qui menaçait de dégénérer en guerre mondiale, Raspoutine prôna
la paix. Avec son bon sens de paysan, il devinait que l’armée russe, malmenée
par les Japonais, n’était pas prête à se lancer dans un nouveau conflit. S’il
ne put l’arrêter, il réussit du moins à en empêcher la mondialisation.
L'exubérance italienne du palais de Tsarkeio Selo |
Le palais et la chapelle de Tsarkeio Selo |
Détail d'une sculpture de Tsarkeio Selo |
En 1911, à nouveau la guerre
menaçait la Russie. Il s’agissait cette fois de la Turquie. Raspoutine et la
tsarine, farouches défenseurs de la paix, gagnaient du temps et empêchaient la
Russie d’entrer dans le conflit. Lorsque l’archiduc héritier du trône
d’Autriche-Hongrie fut assassiné à Sarajevo, la guerre sembla inévitable.
Infatigable, Raspoutine usait pourtant ses forces pour la paix, la paix à tout
prix. Peut-être y aurait-il réussi s’il n’avait été poignardé le 29 juin de la
même année par une mendiante à qui il faisait l’aumône, au sortir de l’église
de son village sibérien ? Celui qui avait armé la main de la vieille femme
était un moine jaloux de ses succès.
Raspoutine après l’attentat
S’il se rétablit et revint à
Saint-Pétersbourg, le père Grigori n’était plus le même. La peur ne le quittait
plus. Pour ne pas abandonner la tsarine dans la peine alors que la Russie était
en guerre, il se mit à boire. La
tsarine pourtant le consultait sur chaque nouvelle nomination ministérielle. Avec
l’alcool et les orgies, les soirées de débauche dans les cabarets tsiganes,
Raspoutine oubliait son impopularité grandissante, lui qui avait tant besoin
d’être aimé.
Ce fut alors que le prince
Félix Youssoupov, amant débauché du grand-duc Dimitri, neveu du tsar, fit sa
connaissance en prétendant souffrir de la poitrine… Youssoupov, proche du clan Romanov, avait décidé de débarrasser la Russie
de ce gêneur faisant valser les ministres. Une relation trouble
s’établit entre Raspoutine, sous le charme, et ce prince richissime. Raspoutine
avait une telle confiance en lui qu’il ne se méfia pas lorsqu’il fut convié en
son palais, la nuit du 16 au 17 décembre 1916, sous le prétexte d’être présenté
à sa jeune femme, qui se trouvait en Crimée.
Les circonstances du complot
Dans une cave du luxueux
palais que l’on peut encore visiter, le prince introduisit son invité, tandis
que les conjurés attendaient au premier étage que les gâteaux empoisonnés
fissent leur effet. Or Youssoupov ignorait que Raspoutine ne mangeait jamais de
sucreries, par ascèse. D’un coup de pistolet, le prince crut l’abattre, mais le
coup ne fut pas mortel et Raspoutine parvint à s’enfuir dans la cour du palais.
Là, le prince Dimitri, tireur d’élite, l’atteignit de deux coups dans le dos.
Le corps ensanglanté fut ligoté dans un sac et jeté dans un trou de glace.
Détail horrible, dans l’eau de la Neva, Raspoutine parvint à libérer ses bras,
mais il coula pourtant…
Comme il l’avait prédit, le
tsarisme ne survécut pas à son assassinat. Ce furent la révolution de février
1917, l’abdication de Nicolas II puis le massacre de la famille impériale dans
les caves de la maison Ipatiev, la montée du bolchevisme...
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