EN NORVEGE
La Norvège de fjord en fjord
Après l’arrivée à Gardemoen, le nouvel
aéroport international capable d’accueillir douze millions de passagers par an,
un bus permet de gagner la capitale, située à 47 km plus au sud. Le port
d’Oslo semble posé sur une eau bleue ponctuée des taches blanches des bateaux
de plaisance, les montagnes servent de toile de fond et la verdure des berges
et de la large presqu’île de Bygdoy offrent une impression d’éternité.
Au centre ville, au 53 de la rue Toyengata, a été
édifié un beau musée tout neuf consacré aux œuvres, plus de mille, de Munch, le
plus grand peintre norvégien. Ce prodigieux ensemble de toiles ou fusains
réalisé dans des teintes sombres, avec des contours puissants, révèle des
visages souvent déformés par la souffrance ou l’angoisse, exprimant les
tortueux méandres de l’esprit humain. On en émerge bouleversé, dérangé,
différent sûrement. Parmi les toiles exposées de façon permanente, Le Cri bien sûr, peut-être l’œuvre la plus
célèbre de Munch, mais aussi Jalousie,
L’Enfant malade, une représentation
de la souffrance de sa petite sœur Sophie, qui l’avait marqué à jamais, Le Baiser ou Mélancolie, et un portrait de Nietzsche annonçant déjà la folie du
grand philosophe qui avait été son ami.
Au milieu du port, l’Aker Brygge forme
un espace bien rénové où les vieux entrepôts ont été transformés en immeubles
design, avec bars flottants et ponts terrasses aménagés, un peu comme à
Brighton, en Angleterre. Une jeunesse saine, blonde et hâlée prend d’assaut les
sièges des terrasses en buvant force bières. Certains semblent déjà assez
ivres.
Le
phallus géant de Gustav Vigeland
Au Frognerparken d'Oslo, le peuple de pierre de Gustav Vigeland |
Son légendaire phallus |
Au nord-ouest de la ville s’étire la
grande artère de Kirkeveien. D’impressionnantes grilles Art Déco ouvrent sur le
Frognerparken, le parc aménagé pour recevoir les œuvres gigantesques de Gustav
Vigeland, le célèbre sculpteur. C’est une succession de nus puissants et
souvent chauves, mêlés les uns aux autres, exprimant aussi bien une joie de
vivre féroce qu’un épuisement charnel, la tendresse maternelle ou la passion.
Statuaires réalisées, pour la plupart, dans un fin granit de Norvège du plus
bel effet. Un énorme phallus se dresse vers le ciel d’Oslo, le fameux obélisque
de Vigeland. De jeunes mamans
promènent leurs enfants entre les statues, indifférentes à la forêt de sexes
érigée là. Parmi l’athlétique peuple de pierre de Vigiland, le Sinnataggen, l’enfant en colère
piétinant le sol, serrant ses deux petits poings rageurs, figure l’emblème de
la ville.
Au musée Kon-Tiki, on peut admirer le
radeau sur lequel Thor Heyerdahl et ses cinq compagnons étaient partis du
Pérou, en 1947, pour gagner la Polynésie française au gré des vents.
De
Kristiansand à Mandal, Flekkefjord et Stavanger
En quittant la capitale pour suivre la côte vers le
sud, on parvient à Kristiansand. Si le port industriel emprisonne la ville en
son étau de grues, buildings flambant neuf, entrepôts et fabriques, le vieux
centre évoque un village de poupées, avec ses anciennes maisons de bois peintes
en blanc, bien alignées le long de ruelles se croisant à angles droits, ses
jardinets pour rire, ses boutiques vieillottes. Le Fylkesmuseum est un insolite
musée en plein air donnant une bonne idée de l’habitat traditionnel en Norvège
avant l’ère industrielle, aux curieux toits couverts d’herbe. Il faut ensuite
prendre un verre au Kick Café, agréable et décontracté avec sa vaste cour
intérieure, bien situé au centre de la ville, avant de filer vers Mandal, 45 km plus à l’ouest, par une
route épousant bien la côte la plus méridionale du pays.
Cet ancien village de pêcheurs campé
autour de son petit port exhibe ses maisons aux teintes vives, toujours en
bois, laissant parfois place à des jardins exubérants, ses rues tortueuses où
il fait bon se perdre. Mandal Beymuseet est une riche demeure toute blanche
ayant appartenu à un marchand au XIX è siècle, encore meublée comme autrefois.
Y sont exposées les œuvres du peintre paysagiste Amaldus Nielsen, un enfant du
pays. Des fenêtres de la maison, on aperçoit le port et l’étalement majestueux
du fjord.
Au restaurant du Dr. Nielsen, situé
sur le port, on peut déjeuner d’un assortiment de poissons fumés et d’huîtres,
avant de gagner le phare de Lindesnes. Blanc et massif, coiffé de rouge, campé
près de la minuscule maison du gardien qu’il semble protéger, il domine de son
promontoire rocheux l’étendue du fjord et l'on y jouit d'une vue incomparable.
Les innombrables oiseaux marins nichant dans les falaises, occupés à nourrir
leurs petits, font un vacarme étourdissant. Plus loin, au minuscule port de
Flekkefjord coincé entre mer et montagnes, on visite l’ancien quartier
hollandais avant de se rendre à Stavanger, simple bourgade des années
soixante-dix métamorphosée en une ville bien moderne, coquette et pimpante, ayant
su rénover avec goût ses vieux quartiers. Dans la vieille ville, les antiques
maisons de bois sont redevenues toutes gaies grâce aux revenus du pétrole et
les entrepôts de la Standard Oil et de Mobil ont été habilement réhabilités.
Une imposante cathédrale gothique se dresse non loin du musée de la Marine
retraçant l’histoire de la navigation locale et la vie sur une plate-forme
pétrolière.
Une
chaire naturelle dominant la mer et le vieux port de Bergen
A bord de l'Express Côtier |
La spectaculaire chaire naturelle de Preikestolen dominant le fjord |
Le bus file vers Preikestolen, l’un des plus fiers
fjords de Norvège. Il faut bien quarante minutes de traversée de la vaste baie
de Stavanger pour parvenir au petit port de Tau, puis à Jossang et au point de
vue de Preikestolen, sorte de « Chaire » naturelle dominant de huit
cents mètres les eaux vertes du Lysefjord et semblant avoir été taillée dans la
falaise par la main de quelque géant fou. Si l’on n’est pas sportif,
s’abstenir, car il faut près de deux heures d’une marche difficile pour y
parvenir. Pour y monter, il faut enjamber une belle faille puis, pour avoir la
meilleure vue sur le fjord, on doit s’allonger sur la roche et ramper jusqu’au
bord dans une posture plutôt ridicule, mais la vue est impressionnante.
L'élégant port de Bergen et ses hautes maisons |
Bergen et ses quais promenades |
Au marché aux poissons, on vend aussi des trolls, ces légendaires lutins nordiques |
La prochaine étape est le port de
Bergen, l’un des plus beaux de Norvège, une ville chargée d'histoire. Créée au
XI è siècle, elle attira la puissante Ligue hanséatique de Lübeck et ses riches
marchands y demeurèrent quatre siècles. Une succession d’incendies la ravagea
au début du XVIII è. Pourtant, l’élégance du quai de Bryggen et de ses hautes
maisons de bois reconstituées, son marché aux poissons tout frais péchés et son
musée hanséatique en font un incomparable séjour... La pointe de Festningskaien
ferme la rade au nord, comme un élégant cadenas posé sur l'eau bleue. L’une des
quatre hautes maisons de bois rouges du quai de Bryggen a été aménagée en musée
évoquant l’existence des marchands de la Ligue, au cours du XVII è siècle. Ils
étaient alors deux mille à Bergen, soit le quart de la population, régnaient en
maîtres sur la ville, avaient leurs propres lois, parlaient ostensiblement
l'allemand et ne se mêlaient guère aux Norvégiens.
Le Tracteursted, le meilleur
restaurant de la ville, est situé au fond de l'élégant ensemble des maisons
hanséatiques reconstituées et offre les inévitables spécialités de poissons.
La maison d'Edvard et Nina Grieg |
Un bus local permet ensuite de gagner
Troldhaugen, la colline des Trolls, la maison d'Edvard Grieg, le plus célèbre
des musiciens norvégiens, qui naquit dans cette cité en 1843. Après une vie
itinérante de villes en villes et de concerts en concerts, Edvard et sa femme
Nina s'installèrent définitivement à Bergen en 1855, jusqu'à la mort du
compositeur en 1907. Un auditorium moderne permet d’écouter la musique du
compositeur et l’on peut aussi visiter sa maison toujours meublée comme à
l'époque. Ce fut dans le chalet qu’il se fit construire tout près qu’il composa
sa célèbre Sonate pour violon en do
mineur. Sa tombe, creusée dans la falaise, figure un monument assez mégalo
pour cet immense musicien qui fut toujours complexé par sa très petite taille,
il ne mesurait qu'1,53 m ,
comme le montre sa statue à l'échelle réelle. Il faut ensuite se rendre à la
curieuse église en bois debout de Fantoft, édifiée au XII è siècle, les poutres
la constituant étant plantées à la verticale dans le sol, par souci de
solidité. Une navette permet de gagner l'île de Lysoen, où s'élève une curieuse
construction rococo, qui parvient à ressembler à la fois à une isba russe et à
un palais des Mille et Une Nuits.
A
bord de l’Express Côtier
A Bergen, on embarque à bord de l’Express Côtier qui
file vers le grand Nord. La compagnie, la Hurtigruten, existe depuis 1893 et a
été fondée pour explorer 2400
km de côte. Elle dispose à présent d’une flotte bien
modernisée et confortable. On peut dormir à bord et demeurer sur le même bateau
ou descendre de port en port, visiter et prendre le suivant. Certains bâtiments
accueillent plus de 800 passagers.
Le délicieux petit port de Floro |
La première escale est Floro, petit
port aux maisons gaîment bariolées, bâties sur pilotis au bord de falaises
abruptes. Le bateau y relâche une pleine journée, le temps d’une excursion vers
Balestrand, puis le village de Vik et ses deux églises, parmi les plus
anciennes de Norvège. Balestrand est par malheur affligée de quelques
constructions trop modernes, semblant presque agressives dans ce paysage
millénaire de fjords très découpés surplombés par de hautes montagnes. Son
église de Saint-Olaf est aussi rouge que son célèbre hôtel Kviknes, tout
festonné de blanc, évoquant la Belle Epoque, du temps ou l'empereur d'Allemagne
Guillaume II aimait y venir en villégiature. A Vik, l’Hopperstad Stavkyrkje,
encore une chapelle en bois debout, exhibe comme autant de figures de proue
jusqu'à cinq étages de toits superposés, dotés d'animaux fantastiques défiant
les visiteurs.
La célèbre Hopperstad Stavkyrkje de Vik, en bois debout |
Vers Vik |
Puis on regagne le bateau dont la
prochaine étape est Alesund, littéralement le Chenal de l'Anguille, active
ville portuaire bâtie sur trois îles, semée de pimpants entrepôts peints de
couleurs vives, pourvue de jolies terrasses de cafés et d'édifices Art nouveau. On peut y visiter le
musée de la Navigation et de l'Artisanat. Un chapelet d'îlots s'étire au large
d'Alesund, ourlé d'une fine bordure écumeuse, et des milliers d'oiseaux nichant
dans les creux des rochers s'ébattent en piaillant.
De
nombreux bassins aménagés en pleine mer servent de parc aquatique. Dans l’un
d’eux, trois naïades semblent jouer avec leurs montures, des dauphins, passant
de l'une à l'autre, multipliant voltes et pirouettes. Puis paraissent deux
orques tachetés de noir et de blanc. Majestueux, monumentaux. Redoutables
prédateurs aux crocs acérés sur les dos desquelles les soigneurs ont l'air de
surfer avec aisance.
Au Gullix Bistro, le meilleur
restaurant de la petite ville situé comme il se doit sur les quais, le décor
rustique figure la cave d'un brocanteur. Au bout de l'île de Godoy, on aperçoit
la massive silhouette du phare d'Alnes, d'une blancheur éblouissante rayée de
bandes rouges. Eva tient un café dans la pimpante maisonnette jouxtant le phare
dont son aïeul avait été le premier gardien, en 1876, proposant son Lighthouse
Cake, un gâteau crémeux et fondant à souhait. En contrebas s'étale une petite
plage doucement léchée par les vagues.
A Alesund toujours, une belle bâtisse
de pierre grise, l'Alesund Vandrerhjem, permet une halte confortable en
attendant l'arrivée du prochain ferry. Ou du suivant. Au Café Brosundel, tout
proche, la salle à manger est chaleureuse, avec son ambiance rustique et
l’aimable hôtesse proposant bien sûr les
éternels poissons tout frais pêchés.
Poursuivant sa course vers le grand
nord, le bateau s'engouffre dans l'étonnant fjord de Gerranger. Le village,
tapi au fond des roches, paraît bien insignifiant, presque fragile parmi ces
bouleversements chaotiques portant encore l'empreinte de la colère des dieux.
Même le majestueux navire semble incongru parmi ces splendeurs minérales, ces
éboulis multiples, ces hautaines falaises.
Après avoir regagné la haute mer, le
bâtiment double sans s'y arrêter le petit port de Molde veillé par ses
quatre-vingt-deux glaciers, Bud et sa frange d'îlots, paradis des oiseaux de
toutes plumes, pour se diriger vers Trondheim, où il fait escale pour la nuit
et y reste à l’ancre la matinée. A la différence du précédent fjord, celui de
Trondheim abrite une ville véritable, la troisième de Norvège, fondée dès le X
è siècle par le roi Olaf, qui s'était converti à la foi chrétienne et fit de sa
cité un centre de pèlerinage dont l'importance ne cessa de croître au fil des
ans. Le célèbre musée de la Musique s’abrite dans une maison particulière
datant du XIX è siècle, bien conservée et pleine de charme. L'impressionnante
cathédrale gothique, romane dans ses parties les plus anciennes, est pourvue
d'un rare choeur octogonal datant du Moyen Age. Au Café Dali se rassemble la
jeunesse estudiantine de la ville.
Lorsqu'on franchit le cercle polaire, un orchestre
joue l'hymne norvégien sur le pont supérieur, puis des airs plus entraînants
incitent les passagers à danser. Des membres de l'équipage, grimés qui en
sirènes qui en tritons, vendent à prix d'or des certificats attestant que l'on
a bien franchi ce fameux cercle, ligne de démarcation imaginaire. Le paysage
pourtant a changé. Les sombres forêts ont fait place à des collines pelées,
battues par les vents. On annonce le passage de deux baleines et de leur
baleineau. On aperçoit d'abord un geyser d'eau, puis une masse grise et une
seconde bondissant hors de l'onde pour plonger soudain, toutes deux déployant
le double panache de leurs queues. Le petit, déjà de bonne taille, folâtre aux
côtés de ses parents. Ils paradent devant ces spectateurs improvisés, follement
libres et fiers et déjà si menacés.
On arrive à Bodo, port d'embarcation
pour les îles Lofoten ou les îles Vesteralen. Quelques immeubles trop hauts et
trop modernes dépareillent quelque peu le site, sans parvenir à le gâcher tout
à fait. Au large, les silhouettes tourmentées des îles, ourlées de blanc, le
port bordé des habituelles maisons de bois bariolées, l'agitation incessante
des bateaux de tout tonnage offrent l'habituel spectacle, toujours savoureux.
Un puissant maelstrom
Après quarante minutes de trajet dans un paysage
devenu plus austère avec la proximité du Grand Nord, le minibus réservé au
ferry franchit le pont bien moderne enjambant un cours d'eau et s'arrête dans
le parking prévu pour les visiteurs. Des canots à moteur permettent aux
audacieux de voir le maelstrom de plus près en se donnant quelques frissons à
la perspective d'être emporté par le tourbillon. En effet, quatre fois par
jour, au gré des marées, la mer produit de forts flux et reflux quand elle
s'engage dans un passage plus étroit. Alors, quatre cents millions de mètres
cube d'eau s'engouffrent à une vitesse pouvant atteindre 40 km heure dans un boyau de
cent cinquante mètres de large sur trois kilomètres de long, causant de
puissants tourbillons atteignant jusqu'à dix mètres de diamètre. Un premier
remous avant-coureur, puis un autre, en sens contraire, annoncent le phénomène.
En se rapprochant, les deux courants prennent de l'ampleur, l'affrontement
devient inévitable. Les canots pneumatiques dansent sur les vagues.
Retour au ferry. Même si la profusion
d'immeubles modernes et agressifs dépare quelque peu la beauté de l'île
d'Austvagoy, les roches reflétées dans une mer au bleu immuable font pourtant
de Svolvaer un port plein de charme. Il reste par chance quelques maisons de
bois peints se mirant dans l'eau avec des grâces d'autrefois. Il n'y a pas
grand-chose à admirer à Svolvaer, quelques magasins d'alimentation affichant
des prix prohibitifs, quelques boutiques de souvenirs fréquentées par les
touristes, l'habituelle beauté d'un port hanté par bien des embarcations et,
surtout, ces pitons rocheux d'un autre âge, plongeant droit vers les flots, où
nichent des colonies d'oiseaux tourbillonnants.
On prend un nouveau minibus pour se
rendre au petit village de Kabervag, situé à cinq kilomètres plus au sud.
Toutes les maisons sont en bois, basses, comme alanguies au bord de l'eau pour
y refléter leurs couleurs vives. Des voiliers ou des barques de pêche ont
remplacé ferries ou Express Côtiers. Une seule place carrée abrite quelques
boutiques et le joli bar-restaurant du Praestenbrygga, sur le port, où on
déguste les fameuses pommes de terre en robe des champs arrosées d'un beurre
aux aromates et de bière. On y visite une élégante église en bois, la Vagan
Kirke, avant de se diriger vers l’aquarium.
De retour à bord, on entend le commandant annoncer,
comme souvent à l'intérieur du Cercle Polaire, une prochaine aurore boréale. Il
n'y a aucun nuage à l'horizon et le froid sec est favorable au phénomène. Des
hôtesses passent entre les spectateurs, distribuant petits sandwiches aux œufs
de saumon et verres d'aquavit. On dirait qu'une onde verte court à l'horizon
telle une mince ligne frisant la mer. Puis elle paraît acquérir vigueur et
ampleur, rassemblant ses forces pour s'élever hors de l'onde en conquérant les
airs. Elle tournoie à présent, nuée d'un splendide vert d'émeraude. Elle prend
des poses, adoptant une forme puis une autre, figurant tour à tour des figures
géométriques ou les animaux fantastiques de quelque Eden oublié. Elle devient
sans cesse plus ample et plus majestueuse, plus vigoureuse aussi. On croirait
que toute la mer se teinte de ce vert intense et lumineux.
Puis le bateau poursuit sa route vers
le Grand Nord et Tromso, l’ancien port de pêche à la baleine. Il fait nuit
lorsque le ferry y parvient. Toutes ces petites lumières semblant posées sur
l'eau, reflétées par les eaux du port et rendues plus lumineuses par la neige
des glaciers enserrant la ville gardent un aspect irréel. Comme dans un conte
de Noël, avant la venue du méchant ogre. Celle du phare s'élève plus haut que
les autres et semble protéger la petite cité engourdie par l'obscurité. Un
grand pont, lui aussi hérissé de lumières, barre la rade, reliant l'île de
Tromso et le centre de la ville à la terre ferme.
Alesund le Chenal de l'aAnguille |
L'aérien pont de Tromsô |
La ville des trolls |
Autre troll |
Le lendemain, visite de la ville, où le Markens Grade
est à juste titre réputé pour ses plats de pâtes et ses bières à la pression.
L'ambiance vieillotte, le décor tout en bois, les innombrables instruments de
cuisine pendant du plafond, la collection de bières, les tonneaux en guise de
tables forment une ambiance chaleureuse. La Storgata, la rue principale, est
bordée de jolies maisons peintes et de boutiques attrayantes. A 4 km de là, le Tromso Museum
renferme la salle des Vikings et de l'art religieux, puis un premier étage
consacré aux Samés, que l'on appelle plus couramment les Lapons.
Le rennes, le meilleur compagnon du Same |
Le rude
peuple des Samés
Femme Same dans sa boutique de souvenirs |
Femme Same |
Une jolie coiffe rouge et un bon sourire |
Même s'ils ne sont plus que trente
mille en Norvège, ce peuple courageux, habitué aux plus grands froids et à la
vie rude des chasseurs et éleveurs de rennes, perpétue une tradition
millénaire, pourtant en train de disparaître. Ses jeunes, comme partout,
délaissent les traditions ancestrales et une existence austère pour se tourner
vers le confort occidental. Ce peuple de chasseurs venu de l'Oural puis remonté
vers le Nord sur les traces du gibier, concentré en Norvège dans les huit
provinces du Finnmark où l'on parle leur langue, le sâme, est depuis 1989 doté
d'un Parlement. Sa vie traditionnelle, organisée autour de la grande
transhumance des rennes en avril, quand les femelles, sur le point de mettre
bas, se rapprochent des pâturages des bords de mer, s'est également modifiée.
Un quota a été établi pour éviter l'agrandissement exagéré de ses troupeaux,
détruisant les cultures. Aussi les Samés doivent-ils abattre chaque année un
nombre considérable de bêtes, sacrifiant de préférence les mâles aux femelles.
Certains ont alors trouvé plus rentable de s'établir dans les villes du Grand
Nord pour y attendre les touristes, friands de leurs jolis costumes rouges et
bleus, richement brodés, de leurs amusantes coiffes rouges, de leurs attelages
de rennes. A Pâques, leur festival a lieu à Kautokeino, dans le Grand Nord
arctique, pour y fêter la transhumance.
La
cathédrale arctique de Hovig
Le port de Tromsö, déjà le grand Nord |
Tromsö, un port toujours très actif |
La Cathédrale Arctique, vaste ensemble de béton
immaculé, triangulaire, barré d'une immense croix centrale, semble surgie du
glacier qui la surplombe. Face à l'oeuvre de Jan Inge Hovig, on ne voit d'abord
qu'un seul triangle, mais si l'on se déplace sur le côté, on constate qu'elle
est en réalité formée de divers triangle semblant s'emboîter les uns dans les
autres. Multiples triangles aussi pour remplacer les habituelles voûtes
intérieures jusqu'à l'autel, surmonté par l'éblouissant vitrail de 23 mètres de haut, une
création de Victor Sparr renvoyant avec prodigalité ses parcelles de couleurs sur
la blancheur des murs.
La Tromso Domkirke, en fait la vraie
cathédrale, la plus belle église en bois de Norvège, dit-on, est une
construction néogothique pourvue de riches vitraux. De l'autre côté du pont, au
départ du Fjelheisen, un funiculaire monte à l'assaut de la colline Floya. De
la cabine, on aperçoit d'un côté la neige et les montagnes, et de l'autre le
fjord, le port, l'immense pont et toute la ville de Tromso.
Le ferry reprend sa course vers
l'extrême Nord. Il ne s'arrête pas à Alta comme autrefois, plus à l'intérieur
des terres, mais continue vers Hammerfest, où il passe quelques heures. C’est
un charmant petit port aux entrepôts et maisons de bois bariolés, léché par
l'océan glacial arctique. Les moustiques sont légions et il faut prévoir une
bonne provision de sprays. Les Samés sont bien au rendez-vous, vendant leurs
peaux de rennes et leurs broderies dans leurs jolis vêtements colorés de bleu
et de rouge. Leurs larges pommettes et leurs yeux bridés, leurs peaux cuivrées
et leurs cheveux très noirs forment un bizarre contraste avec le reste de la
population norvégienne. Quelques rennes mélancoliques, un peu pelés, broutent
ce qu'ils peuvent dans les rachitiques jardins des habitants.
Puis le ferry gagne Honningsvag, où il
jette l'ancre deux heures plus tard. Le dernier bus, celui de 23 heures, peut
effectuer de nuit les trente kilomètres de route sinueuse menant, par le fameux
tunnel creusé en 1999, à l'île du Cap Nord et à sa falaise. A la lumière des phares,
ces paysages du bout du monde semblent irréels. Blocs de rocs erratiques,
molles collines pelées et balayées par les vents, noirceur insondable des
abîmes marins.
Une morne étendue de béton cerne par malheur la
falaise, mais on peut s'arrêter juste avant l'entrée payante du parking, pour
s'aventurer sur l'autre falaise, celle jouxtant le Cap Nord proprement dit. De
là, on jouit d'une vue époustouflante, mais l’endroit n’est pas surveillé et
dépourvu de barrière de protection. Une glissade et l'on se retrouve en
miettes, trois cents mètres plus bas…
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