LES ABEILLES ET LEURS SECRETS

 

Dans le secret des abeilles

Sylla observant les abeilles s'abreuver


 

Là, ma petite sœur Sylla m’a vraiment épatée. Quatre cents pages denses, colorées, bien construites, à la portée de tous, lyriques souvent pour évoquer, expliquer, comprendre ce prodigieux petite peuple des abeilles qui existait cinq cent millions d’années avant nous, il fallait oser s’y coller, puis venir à bout de ce travail de titan. Eh bien, c’est chose faite aujourd’hui. Elle vient de publier aux éditions Hozhoni ce travail remarquable qui va certainement devenir un ouvrage de référence pour tous les passionnés des « mouches à miel ». Elle avait déjà publié auparavant avec son mari Eric Tourneret, « le photographe des abeilles », trois beaux albums qui leur étaient consacrés et dont elle avait écrit le texte, dont le best seller « Les routes du miel ».

Cette fois, le pari est plus audacieux car seule son écriture saura nous transporter dans l’univers si attachant des abeilles, là où il n’y a ni chef, ni compétition, ni sanction, là où le bien-être de tous, c’est-à-dire de la ruche, est le seul but de cette prodigieuse organisation. Elle balaie aussi, à coups de références scientifiques bien sûr, quelques idées reçues : les abeilles occupent des fonctions bien définies dès leur naissance. Faux, elles seront tour à tour, au fur et à mesure de leur croissance, nettoyeuses, nourrices, servantes de la reine (qui ne règne d’ailleurs pas, même si son odeur reste le ciment de l’esprit de la ruche), gardiennes ou butineuses. Les abeilles ne se reposent jamais. Faux aussi : elles dorment bel et bien et s’offrent même de petites siestes en journée. Les abeilles sont des robots, toutes formatées sur le même modèle. Faux encore, la reine pouvant avoir une vingtaine d’amants durant son court vol nuptial, chaque abeille porte aussi les gènes du père qu’elle ne connaîtra jamais, puisque l’acte sexuel le tue. Il y aura des flemmardes, des besogneuses, des oisives, des futées, d’autres moins, des super actives, etc., etc.

Ecoutons plutôt la plume inspirée de Sylla :

« Ce livre est une moisson. Les récoltes des chercheurs, les fertiles sillons creusés par des observateurs inventifs, les bourgeons gonflés de sève des penseurs… J’ai pu cueillir et rassembler en bouquets de mots ce que d’autres ont fait germer ou glané dans des prairies plantées par d’autres avant moi. »

Des chapitres explicites permettent au lecteur à la recherche d’une information bien définie de sauter comme il le souhaite d’un sujet à un autre, sans nuire pour autant à l’harmonie du récit. Il peut ainsi choisir de se renseigner sur les « Vingt mille berceaux » que contient une ruche, s’intéresser surtout à « Sa Majesté des abeilles », s’apitoyer sur la « Splendeur et misère des faux bourdons » ou s’initier au mystère des « Danseuses et le professeur », la danse étant l’un des innombrables moyens des abeilles pour communiquer entre elles. La force de ce livre est donc de ne pas nous imposer une lecture en continu. On peut même le feuilleter comme un précieux dictionnaire. Ecoutons encore Sylla nous conter les merveilles de leur fabuleux palais de cire :

« Un alignement d’immenses murailles pâles, séparées par des gorges sombres, creusées de milliers d’alvéoles vertigineusement identiques. Le réseau des cellules hexagonales hypnotise l’œil comme les vagues immobiles d’un désert de sable – le spectacle des rayons de cire vierge est l’un des plus beaux et des plus surprenants que nous ait offert le génie animal. Un parfum de cire, de miel et de résine embaume la cité. Dans les logettes brasille l’or du miel et poudroie la gamme chaude des réserves de pollen, palpite le futur de la colonie, les larves blêmes qui se retournent dans leurs berceaux tandis qu’un air léger circule entre les parois d’albâtre. »

Je reprendrais en guise de conclusion cette phrase de Maeterlinck que cite Sylla dans son prologue :

« Elles sont l’âme de l’été, l’horloge des minutes d’abondance, l’aile diligente des parfums qui s’élancent, le murmure des clartés qui tressaillent, le chant de l’atmosphère qui s’étire et se repose. »

 

« Dans le secret des abeilles » par Sylla de Saint Pierre, 19 E aux Editions Hozhoni. Ces photos sont de Eric Tourneret.

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