Safari au Kenya
Issu du swahili, le mot safari
signifie voyage. Quand on arrive à quatre heures du matin à Nairobi, on ne
profite guère de la traversée de la ville aux 5 millions d’habitants, mais il
n’y a rien à voir dans la capitale du Kenya qu’un défilé de bidonvilles planté
ça et là de buildings aussi hauts qu’incongrus. Notre chauffeur, Charles, est
un jovial Kukuyu cinquantenaire.
La vallée du Rift berceau de l’humanité
Lion et sa lionne au Masai Mara |
Bain de boue des éléphants au Masai Mara |
Vendeurs Masai au Masai Mara |
Notre safari se limitera à la
fertile région du sud, célèbre pour ses parcs nationaux, ses lacs et sa vue sur
le Kilimandjaro, jadis offert à la Tanzanie par la reine Victoria. Bordé au
nord par le Soudan du Sud et l’Ethiopie, à l’ouest par l’Ouganda et la Tanzanie
et à l’est par la Tanzanie et l’océan indien, le Kenya est traversé par la
vallée du Grand Rift, considérée comme le berceau de l’humanité, il y a 2,5
millions d’années.
Un empire colonial anglais
D’abord sous administration
coloniale anglaise sur, le Kenya devient un protectorat en 1921 sous le nom
d’Afrique orientale britannique, les Africains étant exclus de toute
participation politique. La rébellion Mau Mau combat la politique britannique
et les premières élections directes ont lieu en 1957. Pas simple bien sûr de
gouverner un pays comptant 70 groupes tribaux souvent en rivalité. Parler de
corruption africaine est évidemment un euphémisme, mais force nous est de
constater que le président Kenyatta vend par petits bouts son pays au plus
offrant : aux Chinois les routes et le nouveau chemin de fer, aux
Hollandais et aux Anglais les magnifiques serres de roses qui inondent l’Europe
mais sont traitées à coups de pesticides fatales à la population, aux Indiens
les groupes hôteliers, aux Italiens la culture du sisal. Il ne reste aux
Kenyans que des postes subalternes, le smic étant de 110E par mois,
pas de chômage, pas d’assurance maladie ni de retraite…
Toujours au Masaï Mara dans le village Les curieuses danses masaïs Un musicien et sa corne Le chaleureux accueil masaï
Une école gratuite et obligatoire pour tous
Depuis janvier 1985, l’école est
gratuite et obligatoire pour tous jusqu’à l’âge de quatorze ans, même si les
enfants de zones enclavées n’ont pas encore accès à l’éducation. Même chose
pour la santé. Après avoir été durant trente ans un pays monopartiste, le Kenya
est devenu pluripartiste, ce qui ne change pas grand-chose au système de
fraudes électorales, un sport national.
Dans les environs de Nirobi, la
belle route rectiligne tracée par les Chinois et encombrée de camions cède
brusquement la place à de la piste poussiéreuse. Plongeant des hauts plateaux
culminant à quelques
L’incomparable Masaï Mara
Il nous faudra près de six heures
pour couvrir les
La beauté hiératique de ce peuple de pasteurs |
La danse des femmes |
La minutieuse préparation du feu |
L'extrême simplicité d'une case masaï |
La meilleure heure
pour rencontrer des animaux se situe à l’aube et au coucher du soleil, quand
ils se rendent aux divers points d’eau. De molles collines enserrent une savane
très verte, même si la saison des pluies ne débutera que dans deux semaines. Pourvu
d’innombrables pistes, ce parc permet de s’approcher à les toucher des animaux.
Première rencontre avec de gros éléphants traversant paisiblement la piste à
quelques mètres de la voiture. Suivent des troupeaux de zèbres, gnous,
antilopes et gazelles, girafes balançant leurs longs cous au-dessus de nous et
nous fixant de leurs grands yeux veloutés. Un bébé girafeau semblant mal en
point clopine péniblement derrière sa mère qui n’en a cure, en dépit de nos
encouragements. Sans doute sait-elle qu’il va bientôt mourir et ne veut-elle
pas trop s’y attacher.
Charles énumère
gazelles de Grant, de Thompson, Springbok, impala, gazelle de Waller, gazelle
girafe au long cou, et antilopes de toutes sortes, gemsboks aux cornes bien
droites, waterbucks aux cornes en forme de vasque, bushbuck dont les bois
forment des torsades ou springbok au tendre ventre blanc.
Les chauffeurs
communiquent entre eux par radio et nous voici fonçant vers une famille de
lions prenant paresseusement le frais près d’une mare. Après avoir promis à
Charles de payer pour lui l’amende que peuvent nous infliger les rangers
surveillant le parc s’ils voient que nous faisons à présent du hors piste, nous
nous approchons le plus silencieusement possible du point d’eau. Ils sont là,
un gros mâle couché sur le flanc, entouré de ses trois femelles et d’un
lionceau presque adulte. Les félins nous accordent un bref coup d’œil avant de
s’adonner à leur importante occupation : une bonne sieste avant la chasse
nocturne.
Rendu trop
confiant par le succès de cette première soirée, Charles se retrouve devant un
énorme éléphant solitaire semblant très contrarié par cet insolite animal osant
lui barrer la route : notre pauvre Nissan. Pour nous prouver sa force,
s’il est besoin, il se frotte contre un gros acacia qui vacille sous le choc
avant de s’écrouler, puis il agite frénétiquement ses oreilles et barrit.
Marche arrière précipitée. Et le majestueux pachyderme traverse la route à
quelques pas de nous avec un certain dédain…
La splendeur des Masaïs
Dans le village masaï Famille d'hippopotames au lac Naivasha Un héron dominateur Antilope au lac Naivasha
Ce peuple de pasteurs
et de guerriers venus du Nil à la suite de leurs immenses troupeaux de vaches,
chèvres et moutons se sont établis sur les hauts plateaux du Kenya, de
l’Ouganda et de Tanzanie. Devenus semi-nomades, ils ne changent d’habitat que
tous les cinq ans, lorsque leurs cases de pisée sont bien attaquées par les
termites et qu’il est temps de chercher de nouveaux pâturages. Peuple élégant
et fier, grands et minces, les Masaï sont maintenant catholiques, mais n’ont
pas renoncé pour autant à la polygamie. Ils de drapent dans leurs belles
couvertures à carreaux aux dominantes rouges, car les nuits sont fraîches sur
ces hauts plateaux. Ils ne mangent jamais de gibier et se nourrissent surtout
de laitages, buvant aussi le sang de leurs vaches en incisant leurs veines
jugulaires, mais sans les tuer.
Un village masaï que
l’on peut visiter est situé près du lodge. L’entrée coûte vingt euros. Nous y
sommes accueillis par le chef et ses guerriers. Chants et danses consistant à
sauter le plus haut possible, les bras bien serrés le long du corps, ponctués
par le rythme des tam-tams et le son guttural des longues cornes de gnous
utilisées comme trompes. Impossible bien sûr de ne pas entrer aussi dans la
danse, comme une vraie famille de Bidochons en goguette…
L’intérieur des cases
est plus que sommaire. Guère plus d’une dizaine de mètres carrés avec une
unique ouverture, la porte d’entrée. Une minuscule pièce centrale faisant
office de cuisine comprend quelques escabeaux en bois et des ustensiles
rudimentaires, hélas en plastique, un réduit pourvu d’une couchette pour le
père et ses fils, un autre pour la mère et ses filles. On parvient pourtant à
se rencontrer pour faire des petits, encore et encore…
Les lacs Elementaita et Naivasha dans le Longonot
National Park
Réveil à l’aube du quatrième jour
pour atteindre deux lacs lovés dans le Longonot National Park, le lac
Elementaita près duquel nous dormirons et le lac Naivasha.
Gamine masaï vers les Gorges de l'Enfer |
Eléphant dans le parc Ambosoli |
Le Kilimandjaro qui a perdu ses neiges d'antan |
Départ de bonne heure le
lendemain matin pour les Portes de l’Enfer, de profondes gorges creusées dans
des rochers rouges où jaillissent des geysers témoignant de l’activité volcanique
de l’endroit. Dans un minuscule marché masai installé à l’entrée des gorges,
les femmes tissent leurs belles parures de perles, colliers, bracelets ou
boucles d’oreilles. Ce Longonot Park n’étant peuplé que d’animaux inoffensifs,
on peut s’y aventurer à pied ou à vélo, une exception au Kenya.
La promenade en barque sur le lac
Naivasha est ravissante. On jouxte une île habitée d’une multitude de gazelles,
antilopes, buffles et zèbres venant boire paisiblement à quelques mètres de
nous, tandis que s’envolent dans un concert de piaillements une foule d’aigles,
hérons, martins pêcheurs au plumage bleu électrique, pélicans, cormorans et
albatros. Plus loin, une famille d’hippopotames semble sommeiller au fil de
l’eau, veillée pourtant par un guetteur qui ne perd rien des évolutions de
notre embarcation.
Les
parcs d’Ambroseli et Tsavo Est
Et nous voici repartis à l’aube,
cette fois pour un lodge situé au pied du célèbre Kilimandjaro, volcan mythique
immortalisé par la nouvelle d’Ernest Hemingway puis par la chanson de Pascal
Danel. Nous montons jusqu’à 2800 m , dans un paysage
devenu alpin, quittant le territoire masai pour aborder celui des Kikiyus,
avant de redescendre dans la plaine. Noyé dans la brume, nous ne pouvons
apercevoir le volcan le premier soir, mais il se montre à l’aube du lendemain,
toujours coiffé de ses neiges éternelles, même si son manteau blanc diminue
hélas chaque année. Ce parc qui n’a que 392 km carrés est l’un des plus anciens du
Kenya. Le paysage a encore changé, ce sont à l’infini des étendues sableuses
plantées d’acacias et de cactus, trouées de marais où pullulent jacanas,
spatules, flamants roses, cigognes, pélicans, hérons Goliath, gerenuks ou gazelles
girafes aux longs cous qui viennent y boire lorsque les félins sommeillent.
Le dernier parc, Tsavo Est, est
l’un des plus vastes du pays avec ses 13 747 km 2 de superficie. Le lodge où
nous passons la nuit a la particularité d’avoir son restaurant situé à quelques
mètres d’un point d’eau important et c’est impressionnant de prendre son
petit-déjeuner à trois pas d’une famille d’éléphants surgissant majestueusement
de fourrés pour aller boire. Les baobabs font leur apparition, moins hauts que
ceux du Mali mais plus touffus. Les Masai ont fait place aux nomades Watas,
également des pasteurs. En repartant à l’aube du lendemain en direction du
grand port de Monbasa pour gagner les rives de l’océan indien, nous avons la
chance de tomber sur un groupe de huit lionnes en train de chasser, à l’affût
dans les hautes herbes…
Le
Baobab à Diani
Bonne nouvelle en arrivant à
Diani, le haut lieu du tourisme balnéaire du Kenya où les hôtels du luxe ont
annexé de vastes portions de côte, notre hôtel ayant été inondé, nous serons
surclassés en pension complète, avec boissons illimitées, au très luxueux
Baobab. Mêlant petits immeubles et bungalows nichés dans un vaste jardin, ce
complexe pouvant accueillir près de 700 personnes ne donne jamais l’impression
de surpopulation. On se croirait au nirvana…
Nous nous rendons le lendemain à
Wasini Island, toujours habitée par les Numbas arrivés au siècle dernier. Avant
Wasini, nous gagnons une barrière de corail réputée pour la beauté de ses
poissons et sommes escortés par une colonie de dauphins venus nous contempler
en jaillissant de l’eau. Bien joli spectacle. Même si les bancs de coraux sont
morts hélas, le snorkeling parmi des colonies de poissons multicolores est
aussi amusant que les effrois de la plupart des Kenyans qui ne savent pas
nager. Puis nous gagnons Wasini où les pauvres cases d’un village dépourvu
d’eau potable et ravitaillé par bateaux côtoient les trop luxueuses villas d’hommes
d’affaires. De retour sur le boutre, on entonne joyeusement le chant de
bienvenu kenyan, « Djumbo buana », une énumération de tous les
malheurs pouvant survenir mais se concluant toujours par l’optimiste
« akuna matata », tout va bien. Des barils se muent en tam-tams, des
femmes entrent dans la danse. Et tout le monde de hurler en chœur « akuna
matata », car tout s’arrange toujours au Kenya !
Le marché d’Ukunda, situé à
quinze minutes de Diani en tuk-tuk, n’a rien de touristique, mais reste haut en
couleurs. On y vend toutes sortes de fruits et légumes, pas de viande, juste des
poissons séchés suffisant à tout imprégner d’une riche odeur locale… L’ambiance
est amicale et bon enfant, la plupart des marchands se prêtant volontiers aux
photos. Akuna matata !
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