FESTIVAL INDIEN
Fête des chars à Puri et
apprentissage amoureux à Konârak
Les chars somptueusement décorés |
Entrée du Jagannat interdit aux non-hindouistes |
Maison décorée à Puri |
A Puri, pendant le festival de Ratha Yatra ou Fête des
Chars, le très ancien dieu local Jagannat, accompagné de sa sœur et de son
frère, sont sortis en grande cérémonie de leur temple, le Sri-Jagannat interdit
aux non hindouistes. On les porte sur trois gigantesques chariots jusqu’à leur
résidence d’été.
Sur les côtes de l’Orissa, des villages de pêcheurs dénués de tout
confort
Une foule en liesse entoure les chars |
Détail d'un char |
Les pèlerins de Puri |
Puri est une
agréable bourgade presque propre de l’Orissa, sur la côte du nord-est de
l’Inde, une région encore méconnue. Pourtant, les kilomètres de plages blondes
devraient attirer les touristes, à condition bien sûr que les plages soient
assainies. Pour l’instant, les pauvres pêcheurs qui s’y sont établis en petits
villages dans des huttes peu salubres, faites de palmes entrecroisées, n’ont
qu’une seule pompe à eau par village. Ni électricité ni égout. Et, forcément,
les quelques trois cents pêcheurs de chaque village n’ont que la plage pour y
déverser des ordures jamais ramassées ou s’y soulager. C’est dire qu’on ne peut
absolument pas se baigner dans ces abords. Pourtant, les gamins surfent avec
les moyens du bord, planches ou bouts de polystyrène, sur des rouleaux géants
et des petites filles parées comme des princesses jaillissent de leurs pauvres
masures. En outre, le poisson n’y est jamais consommé frais, par manque
d’installations frigorifiques, mais mis à sécher sur le sable, ce qui ajoute à
la pestilence ambiante.
Si l’on fait
abstraction de ces inconvénients olfactifs, la vision est paradisiaque :
mer bleue déroulant ses vagues, barques de même teinte, huttes pouvant, de
loin, paraître issues d’un village du Club Med. Ce qui fait tout oublier est
l’accueil charmant des habitants, qui invitent à entrer chez eux boire un chai, thé indien sucré et aromatisé,
déguster un chapati, crêpe de
froment, ou un samosa, petit beignet
fourré de viandes ou légumes. Tous revêtent leurs plus beaux vêtements pour se
rendre au centre ville de Puri, où a lieu ce soir le dernier jour du festival
de Ratha Yatra, le plus important.
Les trois
dieux, trônant dans leurs chars parés d’or et de fleurs, tractés par des
centaines de pèlerins, sont revenus de leur résidence de Gundicha Mandir, à
trois kilomètres de là, pour retrouver leur temple de Sri-Jagannath. Il suffit d’entendre
les chars rouler sur les cailloux ou mieux, de les toucher, pour être assuré de
stopper la Roue de la Vie et le cycle des réincarnations. On accède ainsi
directement au nirvâna, la paix
céleste. C’est dire que l’enjeu est primordial pour tout hindou !
Puri, une bourgade aux délicieuses maisons peintes
Un sadhu à Puri Le poisson mis à sécher devant les cases Les élégantes barques de pêche
Puri, petite ville
assoupie au bord de la mer, ne revit que le temps des festivals. Il y en a deux
par an : le Chandan Yatra en avril-mai, une fête vishnouïste durant
laquelle l’effigie de Vishnou est transportée en barque sur le lac sacré de
Narendra, pour se rafraîchir dans ses eaux parfumées de santal, et celle des
Chars, qui connaîtra son point culminant cette nuit, quand les dieux
retrouveront leurs temples. En attendant, la foule se presse devant le
Sri-Jagannath, qui m’est malheureusement interdit, ainsi ce jour-là que les
terrasses qui le bordent. Impossible donc de jeter un coup d’œil à ses
innombrables sanctuaires et à ses 752 fours jamais éteints depuis son
inauguration au XII è siècle et capables de faire cuire 200 000 repas par
jour. La plus grande cuisine du monde, dit-on.
Il
fait près de 40° dans la bourgade, une chaleur si humide que tous les fronts
ruissellent. Pas un occidental pour admirer ces trois lourds chars si décorés
de guirlandes dorées ou fleuries qu’on n’en voit pas l’intérieur. Chacun
transporte pourtant son dieu. Quantité de brahmanes en pagnes oranges, plutôt
abrutis par la chaleur, y somnolent avec une décontraction toute indienne. Cela
n’entame pas l’enthousiasme de la foule. Chacun s’efforce de toucher au moins
l’un des trois chars dans une cohue bon enfant. Le salut dans l’autre monde reste
à ce prix.
Certains
pèlerins, plus sages ou déjà comblés par les trois dieux, papotent à l’écart de
la foule, s’arrachent des boissons fraîches, mais pas d’alcool ni de viande
durant une fête religieuse, cherchent un coin d’ombre sur le seuil de
ravissantes maisons peintes pour y dormir avant les festivités du soir.
Puis
la foule s’écoule lentement vers la rive, devant l’hôtel Mayfair où la plage
est propre et bien entretenue. Des familles entières jouent parmi les vagues,
riant de se faire renverser par les rouleaux. Les femmes entrent dans la mer
toutes habillées, sans se soucier de leurs rutilants saris brodés d’or. Dans
l’ensemble, les Indiens nagent fort mal et les secouristes de l’hôtel, armés de
grandes bouées, restent vigilants.
La baignade des pélerins à Puri |
Puri by night |
Les trois dieux de Puri |
Des chars plus modestes à Konarak |
Quand
la nuit tombe sur Puri, une forêt de lumières et de guirlandes rivalisent avec
les étoiles. La foule est devenue très dense, plus d’un million de pèlerins,
dit-on. La police a été mobilisée, les rues barrées. La seule approche du
temple se fait au pas par l’avenue principale, après une marche éreintante, au
coude à coude, de deux bons kilomètres. Les brahmanes hurlent des prières
incompréhensibles que les pèlerins reprennent en cœur, bras droit levé. Je
m’applique à les imiter, en m’empêtrant
un peu dans les paroles, mais ma bonne volonté me vaut bien des copains et
copines. Des fenêtres des balcons jaillissent des jets d’eau rafraîchissants.
Ces milliers de pèlerins doivent tous faire le tour des trois chars en touchant
si possible chacun des trois. Autant dire que cela prendra des heures avant que
Jagannath et sa famille retrouvent leurs pénates…
Tout
le monde achète leurs effigies, assez moches à vrai dire…
A Konàrak, un chariot de pierre pour enseigner l’amour
le temple du Soleil de Kon arak date du XIII è Gestes de dévotions de deux jeunes fidèles L'une des célèbres roues du char de pierre
«Ici, le langage
des pierres est plus puissant que celui des hommes », disait l’écrivain
indien Rabindranath Tagore en évoquant ce char de pierre édifié au XIII è
siècle par le roi Narasimhadeva pour honorer Surya, le dieu du Soleil. Le
temple reproduit très exactement la forme des chars de Puri – il y en a aussi
dans les villages des environs, mais les plus prisés des pèlerins restent ceux
de Puri. La base du temple forme un vrai char équipé de 24 roues de pierre de
trois mètres de diamètre chacune. Tout le temple est délicatement sculpté,
surtout sa base, que l’on peut donc admirer de près.
C’est
un étonnant spectacle que de contempler ces femmes et ces jeunes filles
indiennes, venues ici en pèlerinage, prudes par tradition familiale, regarder
avec ahurissement une fellation, un cunnilingus, une partie à trois, quatre,
cinq ou plus, les animaux copulant aussi allègrement que les hommes. Le moindre
guide, gamin ou sage vénérable, s’échauffe d’ailleurs bien vite en commentant
les sculptures ciselées avec une telle beauté que le temple est aujourd’hui
Patrimoine mondial de l’Unesco.
On s’est
longtemps demandé pourquoi le roi avait commandé aux sculpteurs un tel délire
érotique. Puis on a pensé, bien sûr, à une nouvelle illustration du Kama-Sutra.
Le Kama-Sutra, science de l’amour et science de la vie
Détail d'une sculpture Pratique d'une fellation Jeu amoureux à tois
Vers le IV è
siècle, sur les ghâts ou marches du
Gange, à Vârânâsi, la ville ou l’on va pour mourir (Bénarès), le sage
Vatsayayana a écrit ce Kama-Sutra ou science de l’amour. Le texte, rédigé en
sanscrit, la langue sacrée de l’Inde, comporte quelques deux mille deux cent
cinquante slokas ou versets. Comme le
dit l’auteur, il ne s’agissait pas seulement d’énumérer et expliquer les 64
fameuses positions amoureuses :
Jeu érotique à trois |
Eveil de la kundelini par le Kama Sutra |
Eveil de la Kundalini ou extase amoureuse |
« Quelqu’un
qui connaît les vrais fondements de cette science, préserver sa vertu (dharma),
sa richesse (artha) et ses jouissances sensuelles (kama), et respecte les
coutumes de son peuple, est assuré de parvenir à la maîtrise de ses sens. En
bref, une personne intelligente et avisée, se préoccupant correctement du
dharma, de l’artha et du kama, sans devenir l’esclave de ses passions,
obtiendra le succès dans tout ce qu’elle pourra entreprendre. »
Connaissance
approfondie de la science amoureuse, certes, et la visite du Temple du Soleil y
contribue largement, mais pour éviter de se trouver assujetti à ses sens.
Partout sur le Temple du Soleil, l’éveil de la kundalini
On peut aussi
penser que le roi bâtisseur, tout en connaissant fort bien l’œuvre de
Vatsayayana, avait aussi d’autres savoirs. Parmi le foisonnement des sculptures
de son sanctuaire, chaque étreinte, chaque posture sexuelle, chaque jeu
amoureux est suivi d’une représentation d’un serpent. Enlacé au couple ou au
dieu présidant à l’acte, il se déploie vers la tête des partenaires pour former
parfois une vraie coupole de serpents. Bien des dieux du panthéon indien et
même le Bouddha sont souvent ainsi représentés. Ce serpent n’est autre que la kundalini, une représentation tantrique
de l’éveil du désir atteignant une dimension cosmique. Le Temple du Soleil célèbrerait
donc surtout le Tantrisme.
Le
Tantrisme est la science des tantras,
mot sanscrit signifiant trame, filet et par extension tout ce qui développe la
compréhension, en particulier d’une sexualité cosmique. En effet, pour les
hindous, l’univers entier est engendré par le jeu sexuel de la déesse Shakti,
pénétrée par l’invisible Shiva. Le monde étant né du désir, il ne convient pas
pour les tantrikas hindous, les
adeptes du Tantrisme, de réfréner les leurs, mais de réorienter leur énergie. Ainsi,
dans les pratiques tantriques, le novice doit être « chargé » des
pouvoirs de la divinité qu’il invoque par l’union sexuelle avec un partenaire
déjà initié du sexe opposé. Ensuite, bien sûr, l’enseignement se complique… On
prétend qu’un tantrika
particulièrement doué devrait pouvoir, en une nuit, s’unir à 108 femmes…
En
éveillant par la pratique sexuelle bien dirigée le serpent, la kundalini lovée à la base de la colonne
vertébrale, on la fait remonter jusqu’au sommet de la tête, puis au-delà, de chakra en chakra (roues toujours, points du corps concentrant les énergies).
Le tantrika recrée ainsi en lui
l’union de Shakti et de Shiva, tout en retenant sa semence pour produire le bindu ou semence d’énergie. Plaisir
ineffable…
Le problème
est que cette science tantrique du plaisir ne peut être apprise qu’avec un
maître lui-même déjà initié. Ne reste qu’à le trouver…
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