LA LEGENDE D'ALAMUT
Alamut, le nid d’aigle du Vieux de la Montagne
Un village vers Zanjan
Agneau nouveau né Berger vers Zanjan
Rendue surtout célèbre par les
récits de voyage de Marco Polo, la forteresse d’Alamut reste une terrifiante
légende. Elle est située dans une vallée du massif de l’Alborz, au sud de la
mer Caspienne, près de la ville de Qazvin, à cent kilomètres de Téhéran et son
accès reste difficile.
La vallée des assassins
Cette luxuriante vallée qui a
gardé son nom de Vallée des Assassins ne comprend pas moins de 23 autres ruines
de forteresses de pierre datant du IX è siècle, sous la dynastie arabe des
Abbassides. La forteresse d’Alamut puis celles de la vallée furent prises à
partir de 1090 par les fidèles d’un érudit originaire du Yémen, Hassan-i
Sabbâh, né vers 1036. Il cherchait un lieu sûr et retiré pour servir de base à
la nouvelle religion qu’il préconisait, celle des Nizârites, une secte chiite issue
du schisme ismaélien du VIII è siècle et prétendant préserver les fondements de
la vraie foi musulmane.
L’endroit est impressionnant. Au
loin se profilent les sommets enneigés du massif de l’Alborz et, dès que l’on
quitte le cours de la rivière, des roches rouges, escarpées et pelées se
substituent à la riche végétation d’arbres fruitiers.
Du modeste village de Gâzor Khân
blotti au pied d’Alamut, on ne devine rien de la légendaire forteresse. Il faut
gravir à pied pendant une quarantaine de minutes un sentier escarpé contournant
le piton rocheux pour en découvrir enfin la porte d’entrée, puis les débris du
premier château où vivaient les fidèles d’Hassan. Ensuite on accédait par un
pont-levis à la forteresse proprement dite, où tous se réfugiaient en cas de
guerre. Il en demeure un haut mur plongeant vers le vide, des restes de salles
souterraines servant de logements, bibliothèque, réserves à vivres, des
réservoirs d’eau et des pans de murs d’enceinte. Peu de choses en somme mais le
site est si majestueux que l’imagination n’a aucune peine à faire revivre la
légende.
Piton rocheux d'Alamut |
L'un des 23 forteresses autour d'Alamut |
Entrée de la forteresse d'Alamut
Les récits de Marco Polo
Dans son Livre des Merveilles
publié pour la première fois en 1298, le grand voyageur vénitien Marco Polo
raconte avoir visité la forteresse d’Alamut. Elle avait été prise sans combat
en 1256 par l’armée mongole d’Houlagou Khan qui déferlait sur l’Iran, qui la
rasa et l’incendia, détruisant les précieux instruments d’astrologie et les
volumes scientifiques de sa bibliothèque. Son récit concernant Alamut provient
donc de témoignages réunis sur place et non d’un constat direct.
Selon lui, la forteresse coiffant
ce piton rocheux difficilement accessible comportait un magnifique jardin secret
figurant ceux du paradis. Sur les ordres d’Hassan, surnommé le Vieux de la
Montagne, ses meilleurs guerriers, drogués par un somnifère, du haschich, y
étaient alors transportés et se réveillaient, émerveillés, dans ce jardin où
leur étaient proposés les meilleurs mets et les plus belles houris, ces belles vierges peuplant le
paradis d’Allah. Puis on les droguait à nouveau et ils se retrouvaient dans
leur austère dortoir. Leur chef, qui se disait le seul détenteur terrestre des
clefs du paradis, leur contait alors qu’ils avaient vu le véritable paradis où
il les renverrait immédiatement s’ils mouraient pour sa cause. Il en faisait
ainsi de crédules tueurs soumis à ses ordres, n’ayant peur de rien car assurés
de revenir dans ces lieux de délices. On raconte que furent de la sorte poignardés
en plein jour par ces fanatiques Nizam ol-Molk, grand vizir de Malek Shah, le
roi seldjoukide, Conrad de Montferrat, roi de Jérusalem et de nombreux califes
abbassides. Les hashishin du Vieux de la Montagne, les fumeurs de
haschich d’où provient le mot assassin, semèrent ainsi la terreur parmi tous
ceux qui s’opposaient à sa doctrine et à sa cruelle suprématie.
On dit aussi qu’un ambassadeur
occidental, reçu par Hassan, voulut comprendre la raison de la terreur propagée
par ses adeptes. Hassan fit alors venir deux initiés, commanda à l’un de se
jeter dans le vide du haut des remparts et à l’autre de se poignarder
mortellement. Tous deux accomplir les terribles ordres sans murmurer, un
sourire de joie sur le visage. Et l’ambassadeur de s’en retourner, plus que
convaincu…
La vérité derrière la légende
Le sommet du piton d'Alamut L'ancienne salle d'armes L'un des réservoirs d'eau
Marco Polo n’avait donc pu que
rapporter des propos de seconde main, propagés par la terreur qu’inspirait le
Vieux de la Montagne. Les historiens pensent aujourd’hui que l’adjectif assâssi servant à nommer les disciples
d’Hassan provient en réalité du terme persan signifiant
« fondamental ». Hassan et ses Ismaéliens étaient en effet des
adeptes de l’imam Nizâr qui prônait une connaissance ésotérique du Coran.
Réfugié à Alexandrie pour échapper à ses détracteurs, celui-ci fut finalement
emprisonné par le grand vizir du Caire et mourut en prison en 1097 après avoir
désigné son fils Al-Hâdi pour lui succéder. Ce dernier rejoignit Hassan à
Alamut. A sa mort en 1124, son fils lui succéda, prenant à son tour le nom de
Vieux de la Montagne.
Après la prise d’Alamut, ce qu’il
restait de la communauté tenta de survivre discrètement jusqu’au XV è siècle,
date à laquelle ses membres se regroupèrent dans la petite ville d’Anjudan, au
sud de Téhéran.
Les célèbres Aga Khan
Au XIX è siècle, l’imam héritier
des imams nizâriens reçut du Shah d’Iran le titre d’Aga Khan. Aujourd’hui
encore, c’est le prince Karîm Aga Khan IV qui dirige la communauté des quelques
dix millions d’Ismaéliens et réside à Genève.
Né le 13 décembre 1936, à Genève
également, immensément riche, il a fondé le prix Aga Khan d’architecture
remporté en 1987 par l’architecte Jean Nouvel pour la réalisation de l’Institut
du monde arabe à Paris et a créé en 2005 la Fondation pour la sauvegarde et le
développement du château de Chantilly. En 2007, les Ismaéliens du monde entier
ont fêté le Jubilé d’or de son imamat. Passionné de chevaux comme son père et
son grand-père, il possède une écurie de course qui a remporté quatre fois le Prix
de l’Arc de Triomphe à Paris. Sportif accompli, il participa aussi deux fois
aux jeux olympiques d’hiver, en 1960 et 1064. Il a maintenant 88 ans.
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