Berlin, une ville en mouvement
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Le joli quartier Saint-Nicolas |
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L'île aux musées |
Il n’y a pas
une ville de Berlin, mais de multiples quartiers à peine juxtaposés, quoique
bien reliés par un métro efficace, jamais bondé, où les vélos qu’on peut louer
dans chaque hôtel sont les bienvenus. Pas d’embouteillages non plus, mais de
multiples terrains vagues promis aux promoteurs et les bras des grues tendus
au-dessus des vieilles maisons ou des gratte-ciel tout neufs. Les cicatrices de
la dernière guerre et celles, plus récentes, du Mur, sont refermées, mais le souvenir
ne disparaîtra pas, des musées y veillent !
Mitte, un centre qui n’en est plus un
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Sur les quais, un nostalgique d'Hitler |
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Puces sur les quais |
Mitte, le
centre, enjambe paisiblement la Spree, qui se dédouble pour former l’Île aux
musées. C’est le plus joli quartier de la ville, autrefois situé à Berlin Est,
le plus créatif aussi, où l’on trouve le long d’Oranienburgerstrasse quantité
de boutiques branchées et l’incroyable Tacheles, vrai centre de l’anti-culture
déjantée. Surtout, il a gardé le charme du vieux Berlin, avec ses immeubles à
taille humaine et même des petites maisons et des églises oubliées par le
temps, au hasard des ruelles tortueuses. Les arbres bordent chaque avenue de
quelque importance, prétexte pour les innombrables bistros du coin pour
déployer au-dessus des trottoirs des parasols multicolores sous lesquels les
Berlinois dégustent une bière à toute heure du jour et jusque tard dans la
nuit. Curieusement, Mitte regorge aussi de petits hôtels paisibles et bon
marché, où l’accueil est plus sympa que dans ceux des larges artères bien
modernes du Kufürstendamm par exemple, ancienne vitrine de Berlin Ouest.
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Une taverne ambulante |
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Ambiance à Tacheles |
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Sculpture à Tacheles |
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L'escalier aux graffitis de Tacheles |
En suivant le
nez au vent Oranienburgerstrass qui flâne jusqu’à la Spree, puis jusqu’au
délicieux quartier de Saint-Nicolas, on ne peut manquer de tomber sur les tags
bariolés de Tacheles, en yidish « parler sans détour ». Cet immeuble
plus que délabré, un ancien grand magasin promis aux démolisseurs, fut squatté
dans els années 90 par de jeunes artistes assez punks et très inventifs, qui
l’arrachèrent de justesse à l’appétit des pelleteuses. C’est désormais le
symbole de la culture alternative et diverses galeries s’y sont installées en
payant un loyer et en prenant bien garde de ne pas détruire les graffitis qui
le parent comme des dentelles infiniment ravaudées. De multiples échoppes se sont
greffées là-dessus comme autant de drôles de verrues proposant sculptures
insolites et T-shirts destroyed. Ambiance garantie, du moins tant que les 40
nouveaux immeubles prévus pour occuper les terrains vagues lui faisant une
parure de boutons d’or et d’orties n’en jailliront pas…
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Le Reichstag |
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La chancellerie bien moderne |
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Gamine et cheval près de la porte de Brandebourg |
Tout près, la
Nouvelle Synagogue exhibe ses beaux dômes aux dorures restaurées de frais, mais
il n’y a pas grand-chose à voir à l’intérieur, car elle fut dévastée par les
nazis durant la malheureuse Nuit de Cristal. Elle nous rappelle que le
pittoresque quartier juif, bien malmené lui aussi, s’étend jusqu’au nord-est de
là, jusqu’à Prenzluer Berg. Il essaime partout bistros et petits restaus où
l’on peut écouter de la musique, mais les rénovations commencent là aussi, pas
toujours réussies.
Au détour
d’une ruelle, la vieille église Sainte-Sophie, la seule à n’avoir pas été
touchée par les bombardements ayant endommagé 60% de Berlin, se fait discrète,
en retrait de la Grosse Hamburger Strasse. Il y a aussi dans ce coin de Berlin
épargné par la guerre quantité de petites maisons blotties dans leurs jardins,
qui se laissent oublier.
Donnant sur
divers points de la Rosenthalerstrasse, les Hakesche Höfen, ensemble
d’immeubles parfois couverts de céramiques, édifiés au début du XX è siècle,
forment huit cours-jardins abritant bistros, restaus et galeries d’art.
L’Île aux musées
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Les romantiques rives de la Spree |
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Le Pergamon |
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Une mise en scène subjuguant les enfants |
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Une reconstitution grandiose |
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Le hall du Bode |
C’est du pont
de Boderstrasse que l’on a sans doute la plus jolie vue de Berlin : à
droite en regardant vers Monbijoustrasse s’étend l’Île aux musées, vraie concentration
de l’histoire de l’art. A la pointe de l’île, le Bode Museum étale sous sa
coupole un hautain hall d’entrée d’où s’envole un escalier d’apparat. On y
trouve de tout, mais cela n’a rien d’un bric-à-brac, tant la muséologie est
soignée : collection de mosaïques byzantines, ivoires, art copte, icônes,
délicates sculptures Renaissance et baroques avec une profusion de madones au
doux sourire ou de piétas tragiques, médailles.
Tout contre,
el grandiose Pergamon Museum prouve l’énergie des archéologues allemands et
leur aptitude au vol de grande classe. Tout l’ancien autel de Pergame, qui
donne son nom au musée, y fut reconstitué, avec de vraies colonnes et une vraie
frise de 125 m
de long. La porte romaine du marché de Milet, dégagée en 1903, y fut de même
amenée pierre à pierre, sans compter les innombrables et authentiques statues
grecques. Quant aux célèbres lions des bas-reliefs en briques polychromes du
palais de Ninive, ils semblent bien loin de leurs déserts. On se demande
comment on a pu transporter jusque là les massifs blocs de l’ancien temple de
Marduk, à Babylone. C’est osé, mais impressionnant et fort beau. Pour le musée
islamique du ler étage, les chercheurs n’ont subtilisé que la salle du califat
de Damas, quelques niches de mimbars aux exquises dentelures, une coupole
mongole et tout de même la façade omeyyade du palais de Meschatta, près
d’Ammân, en Jordanie… Si l’on veut se gaver de musées, il y a encore dans la
fameuse île l’ancienne Galerie Nationale consacrée à l’art allemand, le Nouveau
Musée (Neus Museum) renfermant les collections égyptiennes de Charlottenburg
dont le célèbre buste de Néfertiti, la Grande Epouse Royale d’Akhenaton, et le
Vieux Musée (Altes Museum) dont l’architecture fut inspirée de celle du
Panthéon et qui renferme des collections grecques et romaines, dont une rare
argenterie découverte à Hildesheim.
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Einstein au musée juif |
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Vers Charlottenbourg |
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Charlottenbourg |
Saint-Nicolas, un petit air de Montmartre
Rasé lors de
la dernière guerre, reconstruit par la RDA pour le 750 è anniversaire de la
ville afin de devenir la vitrine de l’Allemagne communiste, ce quartier le fut
malheureusement à l’économie. Au lieu d’être reconstituées pierre à pierre
comme le prétend le Guide du Routard, les vieilles maisons à frontons festonnés
furent édifiées en blocs préfabriqués et l’on voit que les façades sont faites
d’un seul morceau pré-usiné, à l’exception d’une jolie maison verte à
guirlandes fleuries près de l’église Saint-Nicolas, du palais Ephraïm à la
façade rococo et de la patricienne Knoblauchhaus datant de 1759 et propriété
jusqu’en 1928 de la famille du même nom. En revanche, l’ambiance évoque
Montmartre en plus petit, avec ses restaus, cabarets et boutiques où l’on vend
des montagnes de charmants nounours, l’animal emblématique de Berlin, ses rues
piétonnières et ses jardins. L’église elle-même, dont les fondations datent du
XIII è siècle, se reconnaît de loin grâce à son clocher en forme de bonnet
d’âne. A l’intérieur, l’élégante voûte blanche de la nef est nervurée de bleu,
rouge et vert.
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Affiche dans la rue |
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Chekpoint Charlie |
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L'ours fétiche de Berlin |
Kreuzberg, Checkpoint Charlie et le
vertigineux Musée juif
Au sud de
l’Île aux musées, le quartier de Krezberg, un ancien quartier ouvrier situé à
Berlin Ouest du temps du Mur est aujourd’hui bien plus chic, même si l’est,
avec ses immigrants turcs, évoque un peu l’atmosphère de Belleville. Tout au
nord, Checkpoint Charlie, l’ex poste allié, attire de nombreux touristes,
fascinés par l’aberration de ce Mur composé d’abord de barbelés mis en place en
grand secret durant la nuit du 1é au 13 août 1961 pour empêcher l’hémorragie
des Berlinois de l’Est fuyant l’austérité communiste. En dépit de ses 302 tours
d’observation et de la surveillance des Vopos, 5075 évasions furent réussies,
mais il y eut 178 morts.
Seul lieu de
passage entre Berlin-Ouest et Berlin-Est, Checkpoint Charlie fut démoli à la
chute du Mur, le 22 juin 1990, puis réaménagé en pleine rue, au lieu de passage
exact. Des faux soldats des deux camps paradent devant de vrais sacs de sable
pour la grande joie des touristes et des photographes. Là, le Musée du Mur
garde un émouvant petit air improvisé car il fut installé dans deux chambres
puis agrandi au fur et à mesure des besoins et des moyens financiers. Au
rez-de-chaussée, photos et document évoquent la guerre froide. Au premier étage
s’étend toute la sinistre histoire du Mur. Photos, témoignages et objets les
plus divers tels que ULM, montgolfières, faux passeports, voitures blindées,
kayak, valises truquées témoignent de l’ingéniosité et du courage des Allemands
de l’Est pour fuir l’oppression de la RDA.
Plus au sud,
le splendide Musée juif conçu par l’Améicain Daniel Libeskind prolonge
audacieusement de ses labyrinthes de béton le très classique et ancien Berlin
Museum. Trois routes, celle de l’Exclusion menant à la tour vide et menaçante
de l’Holocaust, celle de l’exil conduisant au jardin du même nom orné de 49
colonnes étrangement inclinées et l’axe directif du musée ne cessent de se
croiser et s’éloigner. Elles symbolisent les relations germano-juives en
égarant volontairement le visiteur, tout en proposant des souvenirs de la
culture juive. 280 fenêtres-meurtrières dispensent à la fois lumière et
terreur. Un grand escalier débouchant sur l’arbre de vie de l’artiste Menashe
Kadishman sert de fil conducteur à la visite retraçant l’histoire du peuple
juif et particulièrement celle de la guerre et de l’après-guerre.
Tiergarten, les berges de la Spree, la
Chancellerie et la Pinacothèque
Il y a
toujours foule aux environs de cette Porte de Brandebourg construite à al fin
du XVIII è siècle sur le modèle des propylées d’Athènes. Là passait aussi le Mur.
Aujourd’hui, sur la place prolongeant à l’est cette porte, la Pariser Platz, il
règne une ambiance bon enfant, avec de petits vendeurs de souvenirs et de beaux
attelages proposés aux touristes. Il s’y dresse à nouveau l’ambassade de
France, reconstruite par Christian de Portzamparc et inaugurée en grande pompe
par Jacques Chirac. C’est un curieux mélange de bunker pour le rez-de-chaussée
et de luxe au premier étage, largement ouvert. Non loin, on peut voir le
Reichstag, construit à la fin du XIX è et ce curieux « Œuf » abritant
les nouveaux bureaux de la présidence fédérale, puis le délicat petit château
de Bellevue édifié en 1785, résidence officielle du président de la République.
Charlottenburg, la campagne dans la ville
Au nord-ouest
de Tiergarten, le château de Charlottenburg fut la résidence d’été de
Sophie-Charlotte, épouse du roi de Prusse Frédéric Ier. Elle voulut en faire un
palais des muses consacré à la beauté, mais aussi à la science, car cette reine
éclairée y faisait venir des savants aussi bien que des artistes. Quand elle
mourut en 1705 à l’âge de 37 ans, son époux donna son nom à son château. Ce qui
n’était encore qu’un palais et son parc aménagés dans le petit village de
Lützow, à la campagne, fut agrandi au XVIII è siècle quand Frédéric II, dit
aussi le Grand, fit aménager ses appartements dans la nouvelle aile droite,
plus tard imité par son successeur Frédéric-Guillaume II. L’aile gauche abrite
toujours la Grande Orangerie. Des faubourgs résidentiels s’établirent bien sûr
autour de la demeure royale qui conserva son immense parc, jusqu’à rejoindre
peu à peu Berlin. Très endommagé par les bombardements de 1945, le château fut
reconstruit à l’identique et aligne toujours sa façade baroque de plus de 500 m de long. Parmi ses
principales curiosités, le Cabinet des Porcelaines, l’exotique Galerie
Chinoise, la lumineuse Godene Galerie de Frédéric II et ses collections de
tableaux de l’école française, tel le célèbre Embarquement pour Cythère de
Watteau.
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Joueur de flûte au Sans-Souci |
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L'élégante façade baroque du Sans-Souci |
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Ors et cristaux pour la Salle de Bal |
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Portrait de Frédéric II par Andy Wharol |
Dès que l’on
quitte château et parc pour descendre la Kufürstendamm et la suivre presque
jusqu’au jardin zoologique, on plonge aussitôt dans le modernisme d’immeubles
audacieux de verre et de métal voisinant avec quelques vestiges oubliés du
vieux Berlin. Le Musée Erotique s’annonce dès la rue par ses vitrines de
lingerie sexy et l’on ne peut s’y engager qu’en empruntant l’escalier roulant
partant d’une boutique de sextoys. On peut faire sur trois étages un coquin
tour d’horizon des pratiques érotiques du monde ou de remonter dans le temps avec
une collection de délicieuses guêpières, godemichés finement sculptés, estampes
japonaises, boîtes à secrets 1830, tableaux et gravures licencieuses.
Dans un tout
autre ordre d’idées, le musée consacré au grand peintre et sculpteur Käthe
Kollwitz évoque une période sombre de l’histoire allemande, l’entre deux
guerres, témoin des souffrances de la classe ouvrière. Son son eouvre est noire
et même dramatique, elle s’éclaire pourtant lorsque que Käthe évoque la
maternité, pour devenir tendre et douce.
Le Sans-Souci, joyau du rococo allemand
A l’abri de
son parc de près de trois cents hectares recelant bien des merveilles, théâtre,
obélisque, moulin, cours d’eau et jardins botaniques, essences venues du bout
du monde et quantité de statues, le Sans-Souci édifié par Frédéric II au milieu
du XVIII è siècle selon ses propres plans est inscrit au patrimoine mondial de
l’Unesco. Le grand roi venait s’y réfugier parmi tableaux et livres rares, y
recevait ses amis, dont Voltaire qui y vécut trois ans, même s’il ne dormit
jamais dans la fameuse chambre portant son nom, qui ne fut achevée qu’après son
départ. On y erre délicieusement parmi lambris dorés, mobilier précieux,
grandioses salle des Audiences ou salle de Marbre où avaient lieu les fameux
soupers philosophiques du roi. Il faut aussi découvrir cette agréable ville de
Potsdam où se cache le Sans-Souci, à bicyclette ou en circuit organisé, les
distances étant importantes. Si le centre ville fut détruit par un bombardement
anglais, il fut bien restauré mais la plupart des palais a aujourd’hui disparu.
On peut encore voir l’ancien hôtel de ville néoclassique et les écuries
devenues musée du Cinéma.
Comme il
fallait assécher les dangereux marécages de Potsdam, le roi fit appeler les
meilleurs experts en la matière : les Hollandais. Pour qu’ils ne soient
pas trop dépaysés, il y avait fait construire une centaine de coquettes maisons
flamandes et ce paisible quartier regorge aujourd’hui de boutiques et bistros.
Quant à
Frédéric-Guillaume III, il aimait tant son armée qu’il voulut la doter d’un
chœur russe. Il recruta 26 chanteurs parmi ses prisonniers de guerre et fit
bâtir pour eux de jolies datchas aux airs de chalets suisses. Il n’en reste que
deux aujourd’hui, ainsi que la chapelle orthodoxe Alexandre Nevski.
Le pont de
Glienicker, grosse structure de métal sans grâce, n’aurait pas grand intérêt,
même si l’endroit est agréable avec ses villas patriciennes, s’il n’était
historique. Il fut en effet le principal lieu d’échange des prisonniers.
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Contraste urbain |
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Fragment du Mur |
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Les Hakesche Hofen, enfilade de cours et immeubles |
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Les deux tours, celle de la télévision et la Marienkirche
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Détente sur les quais |
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Musée de l'érotisme |
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Ambiance de rue |
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