POUR CELLE QUI VIENDRA

Sa vie durant, mon père n’a cessé d’adresser des poèmes d’amour à ma mère. Voici quelques lignes retrouvées…

Pour celle qui viendra
 
Mariage de mes aprents en décembre 1943
en l'église de La Madeleine, à Paris

            Tu es l’amour. Tu es la musique, et le rêve de mes rêves. Tu es le cri que je lance pour défier les matins et pour supplier les soirs. Tout cela, toi à qui je dédie les mots d’or et de damas, de neige, de soleil dont je compose, pour Toi, de petites chambres précieuses et de grands horizons. Et je t’ai dit à quelle tension était venue l’âme de ton ami, de ton amant – une âme qui s’est faite ascétique et mendiante – une âme de bure.
            Mais je ne puis tout te dire. Et je te parle comme malgré moi. Car entre nous se dresse la pudeur de l’homme. Je te parle, et me voilà presque timide. Je connais cependant les nuits sans joie, les matins vides où je sens le douloureux désir, cette prière du corps.
            C’est vers toi telle que je t’avais dans mes bras que vont ma rage et ma douceur. Je n’oserais jamais dire à quels baisers je songe, de quels noms je t’appelle dans ma colère d’amour ! Il m’arrive d’embrasser l’une après l’autre toutes les fleurs de ton corps. Et quelles caresses ne t’ai-je pas données dans le lent voyage de mes mains ?
            Ne me laisse pas seul.

            

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