EN INDE : eros et thanatos
En Inde, Khajuraho et Bénarès,
eros et thanatos
L’amour
et la mort, deux mots étroitement mêlés en Inde, Khajuraho et Bénarès, deux
lieux hors du commun chargés de
spiritualité.
Khajurato, le Kama Sutra en pierre
Détail des sculptures de Kandariya |
Les parois finement travaillées de Devi Jagdamba |
En quittant Agra et cet émouvant poème de marbre que l’empereur Shah Jahan édifia au XVII è siècle
pour la femme aimée, Mumtaz Mahal, Kajuraho figure un autre hymne à l’amour,
plus érotique celui-ci. Cette ancienne capitale de la dynastie Chandella
comporte une vingtaine de temples érigés sur une vaste plate-forme de la vallée
du Gange. Elle fut longtemps ignorée du public à cause de la pudibonderie
anglaise victorienne, qui avait préféré clore le site et l’interdire. Ce rare
ensemble édifié dans le style Nagara aux X è et XI è siècles suscite
aujourd’hui l’admiration générale. Ces temples de petites dimensions, aux tours
curvilignes, ne comportent en général qu’un Mandapa
ou salle hypostyle, un hall, un vestibule et un sanctuaire entouré d’un
corridor.
Détail des sculptures du Kandariya |
A Adinat, un brahmane en adoration devant un lingam géant ou phallus des dieux |
Répartis en trois groupes, ceux de
l’ouest, de l’est et du sud, ces temples sont délicieusement sculptés
d’animaux, d’êtres fantastiques ou Makaras,
de divinités hindouistes, de danseuses ou Apsaras,
de couples enlacés dans des postures aussi compliquées qu’érotiques. Ces
accouplements, union mâle et femelle, permettent la fusion de l’Atman, l’âme
individuelle, avec le Brahman ou âme universelle, et font partie des rites ésotériques.
Certaines sont aussi de simples illustrations du Kama Sutra, célèbre manuel
érotique très en vogue parmi une aristocratie recherchant le plaisir des sens. Toujours
belles et gracieuses, elles exaltent les corps et l’amour. Les plus émouvantes
sont celles du Kandariya, le plus parfait des temples de ce site, et du
Vishwanath, délicieusement scupté. Les Apsaras
aux corps souples et gracieux, aux seins très ronds et aux hanches généreuses,
au sourire mystérieux, de séduction ou d’extase, on ne sait, s’offrent à leurs
amants avec une savante provocation. A Khajuraho, l’étreinte n’est jamais laide
ou bestiale, mais toujours mystique et superbe, une offrande au ciel…
Les ghats ou gradins de Bénarès permettent aux pélerins de faire leurs ablutions dans le Gange sacré |
Temples et palais se reflètent dans les eaux jaunes du Gange |
Chaque maharajah avait jadis son palais à Bénarès |
Varanasi, la ville où l’on va pour
mourir
Bénarès est aussi appelée Varanasi, la ville où l’on
va pour mourir. Dédiée à Shiva et située sur le Gange, là où se joignent deux
rivières qui lui ont donné son nom, la Varuna et l’Asi, quand on a la chance
d’y mourir, on peut plus sûrement briser le cycle des réincarnations et trouver
l’illumination, croyance hindouiste comme bouddhiste.
Les singes se réfugient derrière les moulins à prières ou mani korlo |
La vie de Bénarès se concentre sur les
Ghats, innombrables gradins
descendant des temples et des palais déchus vers le Gange, le fleuve sacré. Dès
l’aube, tandis que les dauphins d’eau douce s’ébattent dans l’immense rivière
que le soleil dore doucement, les pèlerins font leurs ablutions dans l’eau, des
gamins s’y ébattent en riant, des femmes y font leur lessive ou leur toilette,
des sadhus, des sages presque nus,
les reins ceints d’un pagne orange, les cheveux longs et en broussaille maculés
de cendres, prient sous des parasols de
même teinte et font dûment payer leurs prières.
Un bon pèlerin doit effectuer en six
jours pleins un tour complet de la ville sainte, le Panch Kosi, parcours de soixante bons kilomètres, mais beaucoup se
contentent aujourd’hui de visiter les cinq ghats
les plus sacrés et les principaux sanctuaires de la ville.
Deux écolières faisant un câlin à une vache sacrée |
Après la vieille ville aux rues
étroites et souvent fort sales, Golden Temple, sur la Kachouri Galli , est
l’un des coins les plus animés du vieux Bénarès. Dans le sanctuaire interdit
aux non hindouistes, les pèlerins affluent dans une atmosphère recueillie après
avoir acheté des offrandes de fleurs qui combattent les autres effluves moins
agréables. Partout, des lingams de
Shiva, représentation du phallus sacré, sont enduits de ghee ou beurre et abondamment fleuris. De la grande mosquée
d’Aurangzeb, car la religion musulmane est aussi présente à Bénarès, la vue sur
le Gange est ravissante.
A la tombée de la nuit, tandis que les
fidèles posent sur les eaux du Gange quantité de feuilles de bananiers où sont
fichées des bougies allumées semblant voguer sur le fleuve, un bateau vogue au
soleil couchant de ghats en ghats et de palais en palais. Certains,
à demi ruinés, sont parfois devenus des squats. Celui d’Hanuman Ghat est dédié au singe allié de Krishna. Un
bâtiment insolite et criard s’avance sur pilotis devant les vieux palais, gardé
par deux tigres bariolés. C’est la demeure de l’Intouchable le plus riche de la
ville, car les castes perdurent en Inde même si elles n’ont plus d’existence
légale, le propriétaire des crématoires électriques…
L'incinération dans la ville sainte permet de briser le cycle des réincarnations |
A Jalsain Ghat, le ghat
des crémations, on dit que « la pente est si raide que les morts semblent
tenir debout ». Le bateau s’immobilise devant le vaste bûcher dressé pour
brûler le mort, tant la mort est aussi un spectacle à Varanasi. La famille du
défunt, toute vêtue de blanc, la couleur du deuil en Inde, se tient debout sur
un balcon surplombant le bûcher. Un corps revêtu de somptueux brocarts et de
monceaux de fleurs se trouve allongé sur un brancard, près du bûcher. Quatre
porteurs le soulèvent et l’immergent trois fois dans le Gange pour le purifier,
puis le hisse au sommet du bûcher que l’on arrose d’essence. Un jeune homme au
crâne rasé, nus pieds, prend des mains du brahmane une torche allumée. Trois
fois, il fait en courant le tour du tas de bois, s’arrêtant à chaque fois pour
toucher le crâne et les pieds de son père. Sur un signe de l’officiant, il
jette sa torche sur le bûcher et tout s’embrasse d’un seul coup. Les vêtements
du mort se consument et le vent porte une désagréable odeur de chair brûlée.
Puis les aides du brahmane recueillent les cendres, les remettent au jeune
homme et le cortège se disperse. Alors les aides frappent avec des gourdins sur
les cendres pour réduire les os en poudre. Ce qu’il reste du bûcher est alors
recueilli dans des paniers et jeté dans le fleuve.
Ainsi vont les choses au pays des
sages nus…
Voyage organisé par Atalante, 5, rue de
Sommerard, 75005 Paris, Tél. : 01 55 42 81 00.
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