LE SANCTUAIRE DES SIKHS

Amritsar et les vicissitudes du Temple d’Or

L'exquise harmonie du Temple d'Or comme posé sur l'eau

Les pèlerins se purifient dans le bassin
cernant le temple

Avant d'entrer dans l'enceinte
sacrée on doit se laver les pieds


Cœur du Pendjab, grenier à grain de l’Inde situé au sud du Cachemire et en bordure du Pakistan, la ville d’Amritsar n’aurait pas grand intérêt malgré son million d’habitants, presque tous sikhs, si elle ne renfermait l’une des merveilles de l’Inde et le lieu le plus sacré de cette religion que l’on pourrait aussi qualifier de nation, le Temple d’Or.

Le sikhisme, vingt millions de personnes réclamant toujours leur indépendance

Il ne faut pas être né au Pendjab pour devenir un sikh, mais adopter les préceptes et règles de vie de Guru Nânak, inventeur d’une religion nouvelle au XV è siècle. Né non loin de Lahore, aujourd’hui au Pakistan, Nânak, un hindouiste appartenant à la caste des guerriers regrettait l’immobilisme de l’hindouisme, ses sacrifices d’animaux et son système de castes. Il eut une révélation divine à l’âge de 27 ans : «  Il n’y a pas d’hindous, il n’y a pas de musulmans, il n’y a qu’un Dieu, la Vérité suprême. » Et il partit sur les chemins prêcher cette nouvelle voie, empruntant leurs principales qualités aux religions existantes. Ses fidèles se dénommèrent « sikhs », disciples en sanscrit. Pour éviter les luttes de pouvoir, il désigna son successeur avant sa mort, guru Angad, qui créa un nouvel alphabet pour les sikhs et consigna par écrit les enseignements de son maître. Ce fut l’Adi Granth, le fameux livre sacré des sikhs que l’on peut voir encore aujourd’hui dans le saint des saints du Temple d’or d’Amritsar, fondé en 1574 par le dixième guru, guru Ram Das. Ce mouvement prit peu à peu de l’ampleur et s’organisa militairement. Les Khalsas, les Elus de Dieu, doivent défendre leur foi au prix de leur vie et respecter la loi des « 5 K » :  le kesh, laisser pousser leurs poils en ne coupant ni barbe ni cheveux ; le kangha, placer dans leur chignon un peigne d’ivoire ou de bois ; le kara, enfiler à leur poignet droit un bracelet de fer ou d’argent ; le kacca, porter toujours un caleçon court ; le kirpan, avoir un poignard ou une épée pour se défendre.
Cette formation militaire en fit bien sûr de redoutables combattants tour à tour ennemis ou alliés des Anglais. Chaque temple sikh possède sa copie du livre sacré, composé de préceptes, prières et poésies que des récitants, et même des femmes, psalmodient devant un orchestre lorsque tombe la nuit. Toute l’assistance reprend ensuite les paroles saintes avec une discipline et une dévotion peu courantes en Inde.

Gardien du temple en tenue traditionnelle

Sur le Mémorial érigé lors des premiers
massacres, on voit encore l'impact des balles

Maquette proposant une vue d'ensemble du complexe

Des massacres froidement organisés

Le succès de cette religion, le sentiment d’appartenir à un même peuple en dépit d’ethnies différentes et son organisation militaire favorisèrent l’expansion territoriale du sikhisme, se propageant au Cachemire et dans l’actuel Pakistan. Ce qui inquiéta les Anglais. Le 19 avril 1919, le général britannique  Dyer, pour mater une manifestation pacifique des sikhs ayant lieu non loin du Temple d’Or, les enferma dans le jardin de Jalianwala et commanda de tirer à volonté. Bilan : 379 morts et 1200 blessés en 5 mn. Condamné par une première commission à Londres, Dyer fut pourtant réhabilité et félicité par le Parlement.
En 1947, la sanglante partition du Pendjab aboutit au déplacement de dix millions de personnes. Si bien qu’en 1980, les sikhs demandent la création d’un Etat autonome et les principaux chefs s’enferment avec leurs fidèles dans le Temple d’Or. Après quatre ans d’interminables négociations non abouties, Indira Gandhi envoie elle aussi l’armée donner l’assaut au sanctuaire. Bilan : 500 morts, la destruction et la profanation du Temple d’Or. En octobre de la même année, la chef d’Etat est à son tour assassinée par ses gardes du corps sikhs. Ce fut le signal d’un massacre général de la communauté sikh dans toute l’Union indienne, qui fit des milliers de morts. Si aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre, le sentiment national n’est toujours pas mort et les sikhs souhaitent toujours leur indépendance.

Le Temple d’Or, un exquis complexe datant du XVIII è siècle

Comme bien des villes indiennes rattrapées par l’essor de la population, Amritsar a des problèmes d’embouteillages, pollution, égouts et ramassage des poubelles. Bref, on ne peut la qualifier de ville propre, sauf dans le périmètre du Temple d’Or et de Jalianwala Bagh. Là, les sikhs, beaux et hiératiques, la barbe fournie et la tête parée de turbans multicolores, parfois vêtus à l’occidentale, mais souvent en tenue blanche, pantalon et longue tunique de coton, ou de guerrier, grande robe bleue, épée impressionnante, vont et viennent dans une atmosphère recueillie, semblant glisser sur les dalles de marbre blanc où pas un papier ne traîne. Les femmes n’arborent pas de tenue particulière. Imaginez un vaste quadrilatère de marbre immaculé creusé d’un bassin à carpes sacré ou piscine de nectar (Amrit Sarovar), ceint de colonnades sous lesquelles peuvent dormir les pèlerins et de divers bâtiments religieux ou administratifs. Quatre portes percent cet ensemble.
Dans le bassin s’élève le Temple d’Or, maintes fois abîmé et rénové à l’identique, mais qui date tout de même de 1764. De proportions parfaites, carré plaqué d’or tout scintillant, coiffé d’un dôme achevé vers 1830, il mire dans les eaux bleues du bassin ses délicates ciselures. Un pont y mène et l’on doit patienter avant de pénétrer à l’intérieur du sanctuaire. Tout le monde y est admis, à condition d’avoir une tenue correcte, les pieds nus et la tête couverte d’un foulard en principe orange. La plupart des dalles de marbre sont en fait des stèles funéraires portant les noms des martyres massacrés sur les ordres d’Indira Gandhi, ce qui ajoute à l’émotion ambiante. Les plus pieux s’immergent complètement dans le bassin, tandis que les autres se contentent de marcher dans l’eau du pédiluve.

Une cantine pour 10 000 repas

A la cantine, plus de 10 000 repas gratuits sont servis chaque jour dans un ordre impressionnant. Les convives, bien alignés, sont assis sur des nattes et attendent le passage des bénévoles distribuant gamelles, couverts et gobelets en inox, puis dal, soupe aux lentilles épicée, riz blanc et thé (les sikhs ne consomment pas d’alcool). Le repas achevé, chacun dessert son couvert et le range dans d’immenses bacs servant à la vaisselle. Quand les convives sortent, la salle à manger est impeccable, toute prête à resservir.
Une foule très dense se presse autour de l’enceinte du Temple d’Or. Tous les sikhs sont armés, exhibant poignards et longues épées. Des lampions brillent au-dessus de la Sultan road, l’avenue principale. La nuit tombe, comme toujours brutalement en Inde. Le Temple d’Or, tout auréolé de lumière, scintille comme jamais, marbrant des dernières lueurs du couchant les eaux du bassin sacré. On peut enfin accéder au sanctuaire du Temple d’Or, d’où la vue est ravissante sur le lac. Un guru  que l’on n’a pas le droit de photographie, en prière, presque en extase, tourne lentement les pages de l’immense livre sacré protégé par son dais incrusté de diamants et de pierres précieuses, le trésor des sikhs. Les chants commencent.
Les récitants et un orchestre formés de différents joueurs de gongs, les tablas et le pakhawwaj aux sonorités en alternance fines et sourdes chantent et scandent les paroles du Livre. Une vieille femme, très applaudie, se lance dans une improvisation époustouflante.

La ferveur des pèlerins

Un chanteur récitant psalmodie les
chants sacrés

Sur la terrasse s'avançant vers l'eau du
Temple d'Or

Jalianwala Bagh, le jardin des supplices

A l'intérieur du sanctuaire

Comme partout en Inde, la ville s’éveille tôt, piaillements des singes, chants des oiseaux, cris nasillards des corbeaux. Les premières échoppes entrouvrent leurs yeux métalliques. Des marmites de masala tea, thé indien infusé avec lait, sucre, cardamome, poivre et autres épices, sont mises à bouillir en pleine rue. On les accompagne de chapatis, sortes de crêpes bien croustillantes ou de nans fourrées au fromage. Les pèlerins qui sont restés dormir au Temple d’Or s’éveillent aussi. Les sikhs entreprennent de dénouer leurs chignons pour peigner leurs longs cheveux. L’ambiance est recueillie au Jalianwala Bagh, qui ouvre ses portes à deux pas de là. On peut encore voir sur un mur les impacts des balles anglaises (on en trouva 1600). Des groupes d’étudiants viennent rendre hommage aux victimes des Anglais devant le mémorial portant le nom des morts, faisant cérémonieusement le tour de la mosquée qui leur est consacrée. Même les tout-petits comprennent que le rire n’est pas de mise, dans cette sainte enceinte. Un groupe d’hommes âgés,  venus en pèlerinage, commencent à psalmodier les paroles de guru Nânak : « Il n’y a qu’un Dieu, la Vérité suprême ». 


Pour honorer un hôte de marque, on lui offre
l'épée symbolique

Et on le pare d'un collier de fleurs 

Fiche pratique Amritsar :
. Comment y aller 
De Delhi en bus de luxe et de nuit (9 heures de route), choisir Sharma Travel ou Maharajah Travel, sûrs et confortables, arrivée à 7heures du matin.
. Où dormir
Au Grand Hôtel, près de la gare ferroviaire (Tél. : 256 24 24), confortable et calme, mais pas de déco, bon restaurant. A partir de 1500 Rps pour deux personnes.
. Où manger
Au Crystal Restaurant, au bout de Quenn’s Rd (Tél. : 222 55 55). Mieux vaut réserver car c’est le rendez-vous de la jeunesse dorée, bon marché pour le standing (à partir de 150 Rps le repas).



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