VILLA KERYLOS
Les meubles grecs de la villa Kérylos
Une grande villa blanche à piliers et poutres rouges
s’élève sur un promontoire, au-dessus de la baie des Fourmis, non loin de
Saint-Jean-Cap-Ferrat. C’est la villa Kérylos (hirondelle de mer en grec), le
rêve fou de l’helléniste Théodore Reinach.
L’œuvre d’un amoureux de
Curieux personnage que ce docteur en droit et
docteur ès lettres réputé pour ses traductions d’Aristote et amoureux de
Une élégante villa évoquant l'Antiquité |
Un faune sans un jardin |
Une collection de statuaires |
terrain surplombant la mer l’avoir planté d’essences méditerranéennes, Théodore était fin prêt pour « l’aventure Kérylos ». Il savait fort bien ce qu’il voulait : inventer une villa grecque dans le genre de celles de l’île de Delos. Il ne voulait pas copier telle ou telle villa mais s’inspirer du style qu’il aimait pour vivre là à la grecque avec son épouse, née Fanny Kann. Ce fut d’ailleurs grâce à la fortune de Fanny que le rêve put se réaliser. Le couple n’entendait pas pour autant se priver de tout le confort moderne, pourvu qu’il fût invisible. Restait à trouver l’architecte. Le choix des Reinach se porta sur un Grand Prix de Rome 1890, un certain Emmanuel Pontremoli, lui-même expert dans
Le Thyrôreion, le Proauleion et le péristyle
Le péristyle orné de douze colonnes de marbre |
La salle d'attente des hôtes de marque |
La bibliothèque et ses colonnes rouges |
De belles fresques murales et une limi-re douce |
Aussitôt franchie la porte de la villa Kérylos, on se trouve transporté plusieurs siècles en arrière, dans un autre monde et une autre civilisation. Dans le Thyrôreion ou entrée, le visiteur foule une mosaïque alexandrine du IIè siècle avant J.-C. représentant un coq, une poule et ses poussins. La vue porte jusqu’au Proauleion ou avant-cour ou un moulage représente Sophocle méditant. Des torchères de bronze à godets d’opaline et coupes d’albâtre électrifiées par la maison Yung reproduisent le chaud éclairage des lampes à huile de jadis. Il y en a dans toute la maison et c’est le seul éclairage utilisé. Dans le Balneion ou thermes, le bassin est pourvu d’une discrète vidange tandis que les robinets d’eau chaude et d’eau froide sont dissimulés sous des plaques de bronze ajourées. En revanche, porte-savon et porte-éponge sont inspirés de modèles que l’on peut voir au musée de Naples.
Des sièges à l'antique |
Le confort de la Grèce d'autrefois |
Et la somptuosité des mosaïques |
Pour l'art de la conversation |
On débouche ensuite sur le péristyle orné d’une
vasque et de lauriers roses, soutenu par douze colonnes en marbre de Carare.
Pour les fresques évidemment inspirées de dessins antiques, Théodore Reinach a
engagé les peintres décorateurs Jaulmes et Karbowsky qui ont enduit de poudres
de marbre du mortier frais et ont ensuite passé leurs compositions à
l’encaustique. Une scène représente la dispute à la lyre d’Apollon et d’Hermès,
une autre la mort de Talos, le retour d’Héphaïstos dans l’Olympe ou la légende
de Pélops.
Un mobilier exécuté par l’ébéniste Bettenfeld d’après les dessins de Pontremoli
La chambre d'hôte est spartiate Le balnéion pour se rafraîchir
La chambre de Fanny |
Sa chambre de bain si confortable |
choisirent les essences les plus rares, poirier, citronnier, mais aussi prunier d’Australie, bois de violette, noyer d’Amérique. Les sièges furent ensuite tressés de cuir et tous les meubles incrustés d’ivoire et d’ébène. La diversité du mobilier est grande, rien n’ayant été oublié pour assurer le confort des hôtes, portes épaisses et richement travaillées, coffres, bahuts, tables, guéridons, chaises et lits de repos, tabourets disséminés un peu partout. Là aussi, on n’a pas tenté d’imiter servilement mais de réaliser « à la manière de ». Il s’agissait de trouver un esprit plutôt que réaliser Pour une copie sans grâce. Dans la pièce la plus spectaculaire de la maison, la bibliothèque où Théodore travaillait debout à ses chères traductions - comme Balzac - , s’appuyant à de hauts pupitres, bahut et armoires sont en chêne à incrustations inspirés de modèles trouvés à Herculanum et les chaises montrent des courbes douces, à l’égyptienne. Orientée à l’est pour jouir de la meilleure lumière comme le prescrivaient les Anciens, cette pièce ornée de mosaïques étoilées reçoit la lumière par trois larges portes-fenêtres encadrées de rideaux de lin brodé. Elle donne directement sur la mer et la vue est exquise. Sur le mur sud, Reinach fit inscrire la devise de la villa : « C’est ici qu’en compagnie des orateurs, des savants et des poètes grecs, je me ménage une retraite paisible dans l’immortelle beauté. ». Le mobilier très clair se compose de tables massives aux pieds largement torsadés, d’une chaise-longue richement sculptée, réplique d’un meuble gréco-romain. Quant au vaste lustre central, c’est une copie de celui de Sainte-Sophie, à Constantinople. Les colonnes cannelées, peintes d’un beau vermillon, achèvent de réchauffer l’espace.
Des fresqyes délicates |
Des recoins charmants pour se reposer |
Et toujours la grâce des statues |
Dans la pièce voisine, le Trikinos, la salle à trois lits servant de salle à manger – on mangeait alors à demi couchés sur des lits de repos – , trônent trois tables et un lit de banquet, un peu plus haut que les tables, comme on le voit sur de nombreux vases antiques, ce qui permettait au maître de maison de présider le banquet. On mangeait dans de la vaisselle de grès peintes de motifs ocres et sépia, toujours à l’antique, et réalisée par les ateliers Lenoble. Il existe d’ailleurs toujours aujourd’hui un atelier de céramique à la villa Kérylos, où l’on apprend à restaurer les poteries.
Au premier étage, les chambres et les salles de bain
Après avoir passé le vestibule d’Hermès, ainsi nommé pour la statue qui en fait toute l’ornementation, on parvient dans les chambre, toujours conçues selon le même principe : mosaïques pour le sol, peintures à fresques sur les murs, meubles et lits à l’antique. Ceux-ci sont couverts de somptueuses étoffes et coussins brodés par la maison Ecochard tandis que les objets usuels des salles de bains ont été réalisés également par l’artisan Lenoble, qui a su respecter la pureté des lignes grecques. Dans la chambre de Mme Reinach, baptisée Ornitès pour les oiseaux peints à fresques qui en ornent les murs, si le lit n’est qu’une simple banquette de bois aux pieds contournés, rien n’a été ménagé pour dégager une impression de douce féminité : on retrouve la même chaise de repos que dans la bibliothèque et les chaises à l’égyptienne. Tandis que la chaise de repos est entièrement tendue de cuir, les autres sièges sont tressés, de cuir aussi.
La chambre du maître de maison, symétrique à celle
de sa femme et séparée d’elle par deux salles de bain et un petit salon, fut baptisée Erotès car les murs portent des
figurations d’Eros ailés, occupés à faire les vendanges, peints sur un fond
d’un beau rouge vermillon, assorti aux teintes des colonnes, les mêmes que
celles de la bibliothèque. Le lit de bois et de bronze fut copié lui aussi sur
un modèle existant au musée de Naples. Peut-être Théodore Reinach fut-il
influencé, pour réaliser son rêve grec, de la mode antique sévissant
alors ? N’oublions pas que l’impératrice Elisabeth d’Autriche elle-même
fit réaliser à Corfou en 1890 son Achilleion, devenu aujourd’hui un casino, une
construction assez pompeuse qui ne dégage pas le charme de la villa Kerylos...
Quant aux salles de bain séparant les deux chambres, elles exhibent des murs ornés de stucs réalisés par le sculpteur Paul-Jean-Baptiste Gasq qui s’était largement inspiré des Thermes de Rome. Les baignoires aux pieds griffus sont en marbre de Carrare et les robinets sont ornés de têtes de cygnes, de dauphins ou de fauves. Le petit salon ou Triptolème doit son nom à la mosaïque l’ornant, dont le motif central, emprunté à une coupe que l’on peut voir au Vatican, représente le héros sur son char. Les fresques des murs représentent des arbres pleureurs aux branches retombant avec délicatesse vers le sol.
A la mort de Théodore Reinach en 1928, ses héritiers
occupèrent quelque temps la villa avant de la céder en 1967, comme il l’avait
demandé, à l’Institut de France qui, pour respecter les voeux du grand
helléniste, en a fait davantage un lieu de vie qu’un musée en y ouvrant par
exemple cet atelier de céramique. Dans
Pour savoir plus :
Villa Kérylos, 06310 Beaulieu-sur-mer, à
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