CRISTINA MARQUES


Cristina Marquès n’est plus

Vernissage au Grand Palais en 2014
  

    En ce beau mois d’août 2022 si ensoleillé, trop peut-être diraient certains, ma chère amie Cristina Marquez n’est plus. Elle vient de nous quitter, emportée par un cancer généralisé foudroyant. Du moins n’aura-t-elle pas eu la douleur de se voir longtemps malade, diminuée, amoindrie. Lorsque j’avais rendez-vous avec elle pour l’un de ses vernissages, je pouvais la retrouver très vite, guidée par la flamme rousse de ses cheveux et son rire si chaleureux, si communicatif. Pour moi, que nos rencontres aient lieu à Nice où elle avait son atelier, ou à Paris où elle vivait, je l’ai toujours entendue rire. Cristina était en effet la joie de vivre incarnée. Et joie de créer. Avec un courage jamais démenti, une opiniâtreté sans faille, ce petite bout de femme s’attelait à forcer la matière à ses goûts sur ses machines si lourdes, à la façonner pour en faire jaillir ses étranges sculptures. Fleurs marines ou terrestres. Etoiles mystérieuses. Oiseaux aux folles parures. Cristina ne cessait jamais de créer, d’insuffler la beauté à la matière brute. Souvent, elle exposait avec une autre grande amie, le peintre Josy Moreau-Peter, la dernière fois, elles se partageaient une serre du jardin de Vincennes, Josy exposant sa série de paons, Cristina ses créatures ailées. Et Josy, qui m’apprit sa mort si soudaine, de me confier : «  Si le paradis existe, je suis sûre que Cristina s’y trouve et qu’elle s’y ait arrangé son atelier pour continuer ses merveilleuses sculptures ! »

   Voici le portrait que j’avais fait d’elle il y a quelques années.

 

Black Ice Monolith

 

Ses étranges sculptures

 

      Fluides fleurs marines étendant mollement leurs tentacules (univers de son père, qui était marin), cathédrales de verre, cubes hérissés de couleurs s’entremêlent parmi d’innombrables machines dans le vaste atelier de Cristina Marquès, blotti au fond d’une ruelle du vieux Nice. Petite et rousse, un sourire et une démarche de gavroche, Cristina évolue parmi barres de plexiglas, œuvres aériennes et machines aux noms barbares : scie à ruban, perceuse à colonne, tank meuleuse, tank polissage ou vaste four de 1m60 sur 1m80 dans lequel elle cuit ses sculptures.

Cracked Red Ice

 

       Depuis qu’elle était enfant, à Vallauris, elle rêvait de devenir sculpteur, mais sa famille trouva plus raisonnable de faire des études et de devenir secrétaire de direction dans le secteur bancaire. Cette passion, pourtant, ne la quitta pas. A quarante ans, toute raison balayée, elle s’inscrivit à l’école parisienne de MJM Graphique Design, à la République, et en sortit diplômée après deux ans d’études, ayant appris à maîtriser des matières aussi diverses que grillage, forex, un plastique opaque, ou polystyrène, puis elle commença à créer de petits objets en diverses matières qu’elle colorait, drôles de bracelets en forme de manchettes ou porte stylo aux lignes tourmentées. Ces créations lui valurent de remporter une médaille d’argent au concours Lépine, mais Cristina se cherchait encore. Ce fut alors qu’un visiteur, intéressé par son travail, lui conseilla d’aller trouver à Menton celui qu’il considérait comme le maître du plexi, un certain Nino Bavari.

- Toute intimidée, se souvient Cristina, je pris rendez-vous avec lui, poussai la porte de son atelier et lui présentai mes travaux. Il trouva intéressant le fait que je recherche dans le plexiglas des effets de bulles, ce qui est en général considéré comme un ratage, puis il détacha une clef de son trousseau. C’était celle de son atelier. Il m’invita à venir y travailler quand je voulais. C’est lui qui m’a tout appris et qui, à sa mort, me légua ces merveilleuses machines que je n’aurais jamais pu m’offrir. Restait à me trouver un atelier et je finis par dénicher ce réduit dans le vieux Nice.

Elle travaille en ce moment pour le jeune styliste Tarquin Benel, peaufinant les ailes de la Reine des abeilles et la vertigineuse collerette de la robe du Roi Soleil pour son prochain défilé de la Fashion Week, au Salon des Miroirs du passage Geoffroy, à Paris, qui se déroulera le 26 avril prochain. Elle y présentera aussi deux nouvelles sculptures, Black Eyes Monolith et Cracked Red Eyes, des barres verticales rouges et noires faisant un peu songer à cette mystérieuse Chaussée des Géants d’Irlande du Nord.

A force d’expériences, Cristina a acquis de nouvelles façons bien à elle d’obtenir bulles et empreintes semant le plexiglas de multiples aspérités ou technique du Pleats en hommage au couturier japonais Issey Miakey, si savant dans l’art du plissage.

Du 10 au 20 mars prochain, elle exposera à La Bouille, près de Rouen, une dizaine d’œuvres dont Pétales, Sombrero Galaxy en mémoire de David Bowies si inspiré par le cosmos, Estrella ou Milky Way, sa vision bien à elle de la Voie Lactée.

 

Vous pouvez retrouver les sculptures et l’atelier de Cristina Marquès sur son site wwww.cristinamarques.eu.

 

 

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