EN VOYAGE N° 20 mai-juin 2013


 


Jeune Iranienne dans la maison Borujerdi à Kashan, en Iran 
 
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Tintine en Iran

 
Ambiance décontractée au café Azadegan, dans le bazar d'Ispahan

 
Pique-nique décontracté à la mosquée Emenzadeh, à Kashan,
pour fêter la mort de Fatima, la fille du Prophète

 


 
Quand Tintine a annoncé à sa famille, sa rédac-chef ou ses copines qu’elle partait seule effectuer plusieurs reportages en Iran, son projet a subi une foule de qualificatifs, le plus indulgent étant encore qu’elle était « complètement perchée ». Tous la voyaient déjà vouée aux gémonies de la police religieuse, arrêtée, expulsée dans le meilleur des cas. Et les copines de lui rappeler le sort des malheureuses épouses adultères condamnée par la sharia à être lapidées ou pendues, les voleurs aux mains coupées, les mariages temporaires et le port obligatoire du tchador. Même si on se souvient des pétitions ayant circulé dans le monde entier pour empêcher Sakineh, une femme prétendue adultère, d’être lapidée et qui ont abouti à sa grâce, d’autres abus insoutenables ont bien sûr eu lieu. Pourtant, une certaine ouverture d’esprit se manifeste depuis la mort de l’ayatollah Khomeiny.

Son successeur désigné, Ali Khamenei, le guide suprême nommé à vie par l’ensemble des quelques quatre-vingt ayatollahs reste le véritable chef d’Etat contrôlant police, armée, milices islamiques, police secrète, médias, fondations, mosquées et justice, même s’il y a un président élu au suffrage universel qui applique en fait sa politique et un Parlement sans grands pouvoirs. Le faqih, le Guide Suprême dont le portrait souriant est omni présent en Iran, passe pour un homme intègre, alors qu’on ne peut en dire autant de tous les autres Grands Ayatollahs et que la corruption décourage bien des Iraniens. Il souhaite donner une image plus rassurante de son pays et que la sharia cesse d’être appliquée dans toute sa rigueur comme en Arabie saoudite. Problème complexe qui ne fait certes pas l’unanimité parmi les chefs religieux. Autre problème, bien des Iraniens émettent de sérieux doutes quant à la fiabilité des élections.

 
Tintine et ses copines écolières au musée du palais de Golestan,
à Téhéran

 
Les Iraniennes adorent se faire photographier
avec une des trop rares touristes

 
Petite pose narguilé avec deux étudiants à Persépolis



 

Pourtant, l’allure des femmes commence à s’émanciper. On voit de plus en plus souvent, dans les grandes villes, des Iraniennes en jeans très moulants, un petit foulard porté tout en arrière d’un chignon oxygéné, affublées de tuniques de plus en plus courtes et perchées sur des sandales à talons vertigineux révélant des ongles peints de toutes les couleurs. Les plus riches arborent par malheur un petit nez refait, en trompette, et une bouche botoxée ressemblant aux becs de canards de quelques unes de nos principales stars.

Tintine, se contentant pour sa part de ses jeans habituels portés sous un T-shirt à manches longues pas trop décolleté, minuscule foulard noué sous le menton, a toujours été bien accueillie dans les mosquées – parfois drapée par des matrones indulgentes dans un long voile ayant toujours tendance à chavirer –, les fêtes, les mariages. La police des bonnes mœurs, représentée en général par un motard discret, se contente de passer voir si tout va bien et n’a même pas critiqué une fiancée n’arborant aucun voile. Les hommes et les femmes, installés séparément sur des chaises entourant la piste, peuvent danser à tour de rôle sur de la musique pop. En principe jamais ensemble. Les photos privées sont interdites.

Quant aux mariages temporaires, ce ne sont que des contrats à durée déterminée signés par des mollahs et permettant à deux adultes consentants, même si l’homme est marié, la femme devant être veuve ou divorcée, d’avoir des relations sexuelles dans des hôtels sans être passibles d’amendes ou même d’emprisonnement. Les supprimer serait une entrave de plus à une liberté sexuelle déjà bien restreinte. Même si les mariages ne sont plus en principe imposés et que les fiancés peuvent refuser une union qui n’aurait pas leur agrément, l’accord du père de la jeune fille est obligatoire, et sa virginité exigée.

Les écoles et lycées ne sont pas mixtes, les gamines sont voilées dans ces établissements mais elles suivent le même enseignement que les garçons. Plus tard, les universités deviennent mixtes, les sorties en groupes permises mais les flirts prohibés tant que les fiançailles n’ont pas été dûment enregistrées par les autorités religieuses. D’une manière générale, on voit rarement un couple main dans la main, encore moins s’embrasser en public.

En trois semaines de reportage, Tintine n’a rencontré qu’une seule Française, qui résidait chez une de ses amies iraniennes à Téhéran. Les raisons d’un tel embargo, d’une telle peur en France, alors que la culture française est très prisée d’un peuple qui se veut persan avant d’être iranien, qui a toujours prisé toute forme d’art et avant tout la poésie et qui aborde avec joie tout étranger paraissent incompréhensibles et profondément injustes.

Il n’y a aucun danger à voyager en Iran, le service des bus est parfait, les hôtels agréables et confortables, la population toujours accueillante – on peut facilement et en toute sécurité dormir chez l’habitant, les hôtes se mettant toujours en quatre pour vous faire plaisir. Quant au patrimoine culturel, partout valorisé et bien entretenu, il est innombrable et prend toutes les formes. On ne compte bien sûr plus les mosquées, souvent décorées de belles tuiles vernissées de bleu, très rarement fermées aux visiteurs, les caravansérails souvent transformés en hôtels de charme, les forteresses en pisée parfois vieilles de mille ans, les palais et les jardins de plaisance arrosés par les eaux descendant des  nombreux glaciers, les bazars aux voûtes de stalactites, à l’ambiance toujours amusante, les petits cafés où même les femmes fument le narguilé, les musées regorgeant d’objets d’art dus à une culture plusieurs fois millénaire, les ruines grandioses dont Persépolis est sans doute le fleuron…
 
La principale difficulté pour voyager en Iran consiste à obtenir un visa au Consulat, il faut une invitation officielle d'un membre d'une famille iranienne résidant en Iran, avec photocopie de sa carte d'identité iranienne. Demander à l'ami en question de vous réserver un hôtel pour la première nuit à Téhéran, ensuite l'hôtel vous indiquera une agence de voyage locale, le mieux étant bien sûr de s'entendre directement avec un chauffeur parlant anglais, les prix étant alors bien plus bas. 

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