ECRIRE SOUS LES PALMES


En Guadeloupe, le domaine enchanté d’André et Simone Schwarz-Bart


André et Simone Schwarz-Bart
 

C’est, en Basse Terre, une jolie case blanche construite en bois, qui a été considérablement agrandie et remaniée. La maison initiale, composée d’un salon et d’une cuisine, plus deux chambres et une salle de bain à l’étage, s’est vue pourvue d’une vaste véranda servant de salle à manger et d’une terrasse abritant la piscine.

 
Simone dans leur chambre...

Où trône une grande affiche de leur fils Jacques


Un écrivain hanté par Dostoïevski


Appelé à l’origine Abraham Szwarcbart, André a tout de même un peu francisé son nom pour le rendre plus intelligible. Il est né à Metz en 1928, d’une famille modeste où l’on ne parle que le yiddish, son père Uszer étant originaire de Pologne centrale. C’est à l’école qu’il apprendra le français. Sa bourse de résistant lui permettant d’entreprendre des études à la Sorbonne, il découvre son maître en Dostoïevski en lisant Crime et Châtiment. Comme lui, l’immense écrivain russe se trouvait sans cesse déchiré entre la présence du mal et l’aspiration au bien. Cette lecture déterminera sa vocation d’écrivain et l’incitera à écrire ce poignant Dernier des Justes, qui lui vaudra le Prix Goncourt en 1959 et montre la dignité d’un peuple privé de sa terre, qui refuse pourtant de basculer dans la violence de ses bourreaux. « Je n’ai pas cherché, explique-t-il alors, mon héros parmi les révoltés du ghetto de Varsovie, ni parmi les résistants qui furent, eux aussi, la terrible exception. Je l’ai préféré désarmé de cœur, se gardant naïf devant le mal, et tels que furent nos lointains ascendants. Ce type de héros n’est pas spectaculaire. » Son Ernie Lévy, incapable de comprendre ce déferlement de haine à l’égard de son peuple, est tout simplement bouleversant.

On est bien sûr accueilli chez Simone par de belles créoles


Un salon gai et pimpant, au charme colonial

Les drôles de poupées chères à Simone semblent guetter le visiteur

Tandis qu'une collection de peintures naïves
évoque bien le charme des îles

C’est en 1956 qu’André rencontre Simone Brumant, une étudiante de Guadeloupe qu’il épousera cinq ans plus tard, tandis qu’il travaille à un vaste cycle romanesque, La mulâtresse solitude, dont le premier  de sept tomes sortira en 1967, sans rencontrer le prodigieux succès de son premier livre. Blessé par l’incompréhension du public, il décide alors de ne plus rien publier et de quitter l’Europe pour s’installer en Guadeloupe, dans la case familiale de Simone qu’il s’attache alors à agrandir et embellir.

Pour souligner son appartenance à la cause juive, il visite Israël en pleine guerre de Kippour, durant les mois de mai et juin 1967, avant de s’en retourner dans son domaine enchanté, publiant en dépit de ses résolutions, la même année avec Simone, un nouveau roman, Un plat de porc aux bananes vertes. Il s’éteint le 30 septembre 2006 à Pointe-à-Pitre et est, à sa demande, incinéré. Depuis lors, Simone n’habite plus leur superbe case, qui est demeurée telle qu’à la mort d’André. Elle la fait volontiers visiter et la loue pour des réceptions. Elle publiera en février prochain au Seuil un manuscrit inédit, écrit à quatre mains, Les Ephémères.

 

Un salon de poupées


Petite et vive, agitant drôlement son étrange tignasse blonde, Simone, même si elle ne veut plus y vivre depuis qu’elle est veuve, adore y recevoir ses hôtes et évoquer avec eux le souvenir d’André. On pénètre d’abord dans l’immense véranda transformée en salle de réception pouvant recevoir une bonne centaine de convives, surplombant terrasse et piscine. Tout est blanc, éclatant avec, au plafond, des poutres peintes en bleu ciel. Peu de portes, pour que toute la maison paraisse ouverte aux visiteurs, accueillante. Derrière l’escalier menant au premier étage, dont aucune pièce n’est close, s’étend le salon à l’ambiance chaude et coloniale, fauteuils et canapé gaîment recouverts de rose vif, colonie des poupées chères à Simone, installées sur le canapé pour y guetter le visiteur, collection de peintures naïves évoquant les Antilles aux murs.


Une salle de bain toute de blancheur

Pas de réception en Guadeloupe sans l'entraînante musique créole

Au premier étage se trouve la chambre du couple et le vaste lit cerné par les bibliothèques débordantes des ouvrages chers au couple, un bureau semblant encore attendre la visite de l’écrivain, des photos de famille les montrant avec leurs deux fils, Bernard et Jacques, saxophoniste de jazz, une chambre d’amis elle aussi encombrée par les livres, une élégante salle de bain toute blanche. C’est tout et c’est très beau. La végétation foisonnante de la Basse Terre, bananiers, fougères arborescentes, bougainvillées multicolores enserre de son étreinte moite la belle case blanche où semble encore errer la frêle silhouette d’André. C’est un endroit émouvant, hors du temps, fait pour célébrer une œuvre et un amour.


Et tout s'achève par des danses...

 

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