VISITE


Le domaine enchanté de Marie-Antoinette

Marie-Antoinette par Elisabeth Vigée-Lebrun




Une visite du Versailles insolite et particulièrement du domaine privé de Marie-Antoinette avec une trentaine de membres d’Intemporelles et sous la conduite d’Alexandre Maral, conservateur de la statuaire à Versailles, révèle bien des petits secrets autrefois réservés au cercle très restreint des familiers de la reine. Intemporelles, UN TEMPS POUR ELLES, pôle de réflexion culturelle et sociétale, existe maintenant depuis six ans sous la présidence de Gisèle Dupré, ancien cadre supérieur dans le secteur bancaire, et organise nombre de visites et rencontres culturelles, signatures et conférences.
La symphonie d'ocres et de roses du Grand Trianon


Notre visite commence de façon insolite, en suivant Alexandre et son impressionnant trousseau de clefs, par le petit jardin privé de Louis XIV et de Mme de Maintenon, jardin autrefois protégé par un mur, sur lequel ouvraient leurs appartements du Grand Trianon. En cheminant parmi les bosquets, en franchissant un charmant pont en dos d’âne, on parvient dans un lieu peu connu du parc de Versailles, jouxtant l’ancienne ménagerie domestique où Louis XV adorait goûter les produits fermiers tout frais et offrir ses fameuses fraises à ses familiers. Ces collations champêtres avaient lieu dans le délicieux Pavillon Français au-delà duquel s’étendait le célèbre jardin botanique du roi. A son avènement en 1774, Louis XVI fit cadeau de ce coin du parc et de son fleuron, le Petit Trianon, ainsi que de ses nombreuses dépendances, à la reine Marie-Antoinette. Son premier soin fut d’offrir les différentes plantes du feu roi au Jardin des Plantes à Paris et de remodeler l’espace pour en faire un « jardin à l’anglaise » vallonné, offrant de jolies perspectives sur des statues, fontaines ou « fabriques », ces petits temples ou pavillons élevés au détour d’une allée pour parfaire une perspective.
Lieu de collation aimé de Louis XV, le Pavillon Français

surgi de son écrin de fleurs

ou d'eau

Dans ce lieu champêtre, il n'y avait à l'origine
pas de dorures

Un bâtiment de modeste apparence, à demi caché par une allée d’arbres taillés « à la reine » abrite la chapelle privée de la reine, oasis de paix et de blancheur de style néo-classique achevé de construire deux ans plus tôt. Dominant un autel simple et dépouillé trône un grand tableau de Vien représentant saint Louis et Marguerite de Provence, son épouse, rendant visite au grand saint Guillaume. Jouxte cette chapelle, un semblant de cloître aux simples piliers de bois derrière lequel on aperçoit le Petit Trianon, dans lequel nous pénétrons ensuite après un détour par le Pavillon Frais, en cours de restauration.
 
L'oasis de blancheur de la chapelle de la reine

Le Petit Trianon de Gabriel, la perfection du néo-classicisme

Pavillon de plaisance élevé par Gabriel entre 1762 et 1768, il fut d’abord le refuge très privé de Louis XV et de sa favorite, la marquise de Pompadour, à laquelle succéda la comtesse du Barry, avant qu’il ne devienne le séjour préféré de Marie-Antoinette qui fit ensuite édifier par Richard Mique le fameux « hameau » où elle aimait jouer à la fermière avec ses amis du cercle très fermé du « clan Polignac". Après avoir traversé la salle des gardes, on parvient devant l’élégant escalier d’honneur à la magnifique rampe forgée par Brochois. Dans les cuisines, en réalité de simples « réchauffoirs », on peut admirer tout le talent de Gabriel avec l’audacieux ajustement des pierres de ses « voûtes plates ».
 
L'escalier d'honneur à la superbe rampe de Brochois


Les cuisines ou plutôt "réchauffoirs"
et ses voûtes plates

Au premier étage se trouvent les principales pièces d’apparat de ce petit palais sans apparat : antichambre, grande et petite salles à manger, salon de compagnie aux exquises boiseries ciselées par Guibert et aux sièges signés de Jacob, le célèbre cabinet des glaces mouvantes où un système ingénieux permettait à la reine d’obturer ses fenêtres à sa guise, chambre de la reine tapissée de délicats tons d’ivoire, garde-robe et salle de bains réaménagées plus tardivement. L’entresol, aux pièces plus basses de plafond et donc très intimes, était réservé à la chambre de Mme Campan, première femme de chambre de la reine, à celle de sa première dame d’honneur, à sa bibliothèque personnelle même si Marie-Antoinette lisait fort peu. Au premier étage se situent les appartements du roi, soit trois pièces dont une magnifique chambre où Louis XVI ne dormit jamais, ne prisant guère la compagnie du « clan Polignac ». Le reste de l’étage, modifié plus tard, abrite les chambres de la reine Marie-Louise et de la duchesse d’Orléans dont le mari mourut tragiquement d’un accident de voiture porte Maillot – on peut d’ailleurs voir son beau gisant dans une petite chapelle dressée derrière le Palais du Congrès.
 
La grande salle à manger et ses curieux sièges
dits "étrusques" provenant de la
laiterie de Rambouillet


Une symphonie de roses pour ce salon de compagnie si raffiné

La chambre de la reine et ses tons d'ivoire très doux

Le théâtre de la reine, un décor de carton-pâte

La chambre du roi où Louis XVI ne dormit jamais,
car il appréciait peu le "clan Polignac"


 
Cette visite très privée se termine par le ravissant petit théâtre de la reine, édifié en deux ans à peine par Mique aussi, exubérant décor d’or et de bleu paraissant très fastueux de prime abord, mais en réalité tout de carton pâte, donc fort fragile et dans lequel on n’entre en principe pas. On sait que Marie-Antoinette adorait le théâtre et l’opéra et interprétait cinq ou six pièces par an, toujours avec les mêmes amis, le public étant la plupart du temps constitué par les domestiques conviés à venir applaudir cette royale troupe où Marie-Antoinette ne dédaignait pas de chanter, « royalement faux », prétendait Mme Campan avec quelque perfidie. Elle joua même le rôle de Rosine dans la pièce de Beaumarchais, « Le barbier de Séville », l’auteur assistant comme simple spectateur à l’interprétation de son œuvre ! Eclatait le 15 août 1785 la triste affaire du « collier de la reine », ce fameux collier de diamants soit disant commandé par le cardinal de Rohan sur ordre de la reine, en réalité parfaitement innocente dans cette affaire. Mais ce scandale acheva de donner aux Français l’image d’une reine aussi frivole que dépensière. Alors Marie-Antoinette cessa de monter des spectacles dans ce lieu délicieux qui fut longtemps délaissé.
 

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