DALI A MONTMARTRE
Salvador Dali : le Surréalisme, c'est moi
Canapé lèvres de Mae West |
Excentrique,
provocateur, pantomime génial faisant de chacune de ses apparitions
un spectacle, Salvador Dali se devait de contredire aussi le mythe du
peintre famélique né dans une mansarde. Dans La vie secrète de
Salvador Dali, une autobiographie soigneusement maquillée par
ses soins, Dali prolonge la vie de son frère aîné jusqu’à l’âge
de sept ans et accuse ses parents de lui avoir donné le même
prénom. Dans la réalité, ce frère n’a vécu que vingt-deux mois
et Dali a aussi une sœur de quatre ans sa cadette, Anna Maria, qui
lui sert de modèle jusqu’à sa brouille avec sa famille.
Une enfance aisée
Il
est donc né le 11 mai 1904, à l’entresol du 20, rue Monturiol
(aujourd’hui le 6), dans une riche famille de notaire. Ses parents,
attentifs à satisfaire ses goûts, l’inscrivent dès l’âge de
six ans à l’Ecole de dessin de monsieur Nunez, un professeur que
Dali adore et qui lui conseille de bonne heure de tout abandonner
pour se consacrer à la peinture et qui sait convaincre ses parents.
Dès ses quatre ans, il passe en famille ses étés à Cadaqués,
dans une étable restaurée, trop petite pour y installer un atelier.
Son père lui loue plus tard un studio à la pointe de Pampà.
Inlassablement,
le peintre en couvre les murs de toiles figurant les petits ports du
coin et leurs barques multicolores, les villages perchés, les
oliviers couronnant « les fronts philosophiques des collines,
ridées par des crevasses », comme il se plaît à le dire. Il
peint aussi le Cap de Creus, dont « les falaises paranoïaques
sont les plus mortes du monde ».
Peu à
peu, Cadaqués devient un endroit à la mode attirant des
personnalités telles que Federico Garcia Lorca, Luis Bunuel ou Paul
Eluard, venu avec sa femme Gala et leur fille Cécile durant l’été
1929. Bunuel loge chez les Dali et propose au peintre de travailler
avec lui sur ses scénarii. Mais dès que Salvador aperçoit
Gala en maillot de bain sur la plage d’El Llaner, il en demeure
ébloui et ne pense plus qu’à elle, lui faisant bientôt une cour
éperdue qui effraie d’abord la jeune femme russe (elle a dix ans
de plus que lui, est mariée et mère de famille).
La
légende voudrait que l’idylle avec Gala soit à l’origine de la
brouille familiale, mais il n’en est rien. Dali, pressé de
retrouver sa muse à Paris, où elle est partie rejoindre son mari, y
organise une exposition dès novembre. Sur le tableau intitulé Le
sacré-cœur, Dali écrit cette phrase terrible : « Parfois,
je crache par PLAISIR sur le portrait de ma mère ».
Son
père l’apprend et ne lui pardonne pas, comme il le lui signifie
dans une lettre. Seule réponse de Dali : se tondre le crâne,
enterrer ses cheveux en grande cérémonie sur la même plage et se
représenter ainsi, un oursin sur la tête. Le notaire pousse loin la
vengeance, interdisant aux propriétaires de la région de louer ou
de vendre la moindre bicoque au fils indigne…
Vision de l'ange |
Refuge à Portlligat
Réfugié à Paris auprès de sa belle, Dali regrette sa Catalogne et ne pense plus qu’à la maisonnette de la baie de Portlligat où il a laissé son matériel de peinture. Crique à la rondeur parfaite fermée par l’île de Sa Farinera, rivage vierge seulement utilisé par quelques pêcheurs, Portlligat est le refuge auquel Dali aspire, pas trop loin pourtant de Cadaqués et de sa notoriété… Il contacte alors la propriétaire de la baraque, Lidia, pêcheuse illuminée que le notaire n’impressionne pas. Elle lui vend terrain et tanière qu’elle promet de rendre habitable, mais le décor reste spartiate. Pas de route, pas d’électricité, eau potable à pomper au puits, une pièce unique. Cette première maison est suivie d’une deuxième achetée deux ans plus tard, puis d’une autre, encore une autre. Jusqu’à sept maisons de pêcheurs juxtaposées pour former une unique villa au fur et à mesure de la venue du succès. « Je ne suis chez moi qu’ici, affirme Dali, partout ailleurs, je ne suis que de passage. » Dans son atelier, il travaille comme un forcené, au son des lectures que lui fait Gala…
Comme
le proclamait Dali : « Le mauvais goût est ce qu’il y a
de plus créatif. Le bon goût, qui est tout ce qui est français,
est stérile. »
Permanente représentation au Théâtre-Musée
Buste de femme rétrospectif |
C’est
en mai 1961 que Dali exprime au maire de Figueres son désir de faire
de l’ancien théâtre municipal de la ville incendié durant la
guerre civile un extraordinaire sanctuaire… dédié bien sûr à sa
propre gloire – on n’est jamais mieux servi que par soi-même !
Il lui faut dix ans pour convaincre la Direction des Beaux-Arts de
Madrid de financer le projet. Principale exigence de Madrid :
que Dali offre à sa ville des œuvres originales. La discussion est
ardue. Dali promet de peindre le plafond du Palais du Vent et les
travaux peuvent commencer en octobre 1973.
Toujours
aussi opposé à l’ordre français et à ses angles droits, Dali
charge l’architecte Emilio Pérez Pinero de couronner le bâtiment
d’une structure de verre et d’acier en forme de géode. On
introduit dans la fosse de l’orchestre une Cadillac pluvieuse
semblable à celle de Bonnie and Clyde, flanquée d’une opulente
statue offerte par Ernst Fuchs et surmontée par le bateau jaune de
Gala laissant s’égoutter l’eau de mer représentée par des
préservatifs. Sous la coupole, dans la partie autrefois réservée
aux acteurs, Dali installe ses principales toiles en trompe-l’œil,
un visage apparaissant entre motifs abstraits ou représentation de
pixels colorés. A noter qu’il n’a jamais donné de nom à aucune
de ses œuvres…
Pour
Dali, ce musée inauguré en grande pompe, à peine fini, le 28
septembre 1974, ne doit pas être figé mais demeurer un work in
process. Ce que prouve l’artiste en y adjoignant neuf ans plus
tard la maison voisine, la Casa Gorgot comprenant la Torre Galatea où
il habite parfois.
La légende du temps |
Déclamation de l’amour courtois au château de Pubol
C'est
dans le Bas Ampourdan, à l’ermitage des Anges, que Dali et Gala se
marient en grand secret le 8 août 1958. Curieux contraste pour ce
cabotin génial aimant tant la publicité.
Dix
ans plus tard, âgée alors de 74 ans et lasse du tapage escortant
toujours son grand homme, Gala lui fait part de son désir de se
retirer au calme dans cette région. Dali, enthousiaste, lui promet
un palais. Le journaliste Eric Sabater qui deviendra plus tard leur
secrétaire privé découvre en avion le lieu idéal : un petit
château du XIV è siècle en fort mauvais état, accolé à l’église
médiévale de San Pere de Pubol. Les propriétaires permettent au
couple de commencer les travaux avant même la signature de l’acte
d’achat.
A
l’opposé de la délirante villa de Portlligat, le château de
Gala, plus sobre et plus austère, reflète le caractère de sa
propriétaire. Dali, qui a comme toujours une idée à la minute, ne
peut se laisser complètement aller à ses fantaisies.
Pour
visiter Gala à Pubol, même Dali doit exhiber son carton
d’invitation.
Fin du couple et début du mythe
Ce
n’est pourtant pas à Pubol, mais à Portlligat que Gala s’éteint
le 10 juin 1982. Dali fait embaumer le corps et l’ensevelit dans sa
robe rouge signée Christian Dior, en la crypte de Pubol. Portlligat
lui rappelant de trop tristes souvenirs, il s’installe dans le
château de Gala, peignant presque dans l’obscurité, face au buste
de sa femme, ne se nourrissant que de sorbets à la menthe et
s’affaiblissant dangereusement, contemplant parfois les plus belles
robes de Gala, signées de Christian Dior, Elisabeth Arden ou Pierre
Cardin, élégants fantômes de sa muse continuant de parader au
grenier.
Après
avoir provoqué un incendie accidentel dans la chambre de Gala en
voulant sonner son infirmière, Dali est hospitalisé. Refusant de
revoir le château de Pubol, il s’installe ensuite à Figueres,
dans le dépendances de la Torre Galatea. C’est là qu’il meurt
le 23 janvier 1989. Il repose à présent dans son Théâtre-Musée
et la tombe qu’il a fait construire à Pubol, près de celle de
Gala, reste toujours vide…
Jusqu'au 3 janvier 2016, l'Espace Dali, 11, rue poulbot à Montmartre, Tél. : 01 42 64 40 10, expose avec Daum en partenariat 29 sculptures de Dali rassemblées par l'expert Beniamino Levi, ainsi que des oeuvres peu connues de Dali illustrateur.
Jusqu'au 3 janvier 2016, l'Espace Dali, 11, rue poulbot à Montmartre, Tél. : 01 42 64 40 10, expose avec Daum en partenariat 29 sculptures de Dali rassemblées par l'expert Beniamino Levi, ainsi que des oeuvres peu connues de Dali illustrateur.
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