BALADE EN SARDAIGNE
La Sardaigne en mosaïque
Cagliari et sa Tour des Eléphants |
Sainte Marie, vers la crypte |
Les ruines romaines de Tharros |
Nhurage de Losa |
Des envahisseurs successifs
Rarement, île fut plus convoitée
que la Sardaigne. Peuplée dès 350 000 ans avant JC, sans doute par des
marins toscans, la Sardaigne, terre âpre et sèche, tira toujours ses ressources
de la mer, tout en devant se protéger des pilleurs venus des flots. Vers 1800
avant JC, durant l’âge de bronze, des villages fortifiés s’organisèrent autour
de puissants nuraghi, tours de pierre
faites de blocs cyclopéens, entourées de plusieurs enceintes, dont il existe
encore les vestiges d’une centaine d’entre eux dans l’île. Une vingtaine est
toujours bien conservée et peut comporter jusqu’à trois étages.
Entre les IX è et VII è siècles
avant JC, les Phéniciens établirent des comptoirs à tous les points
stratégiques des côtes, attirés surtout par les richesses des mines de plomb et
d’argent du sud-ouest de l’île. Lors de la troisième guerre punique entre Rome
et Carthage, au III è siècle avant JC, les Phéniciens, alliés de Carthage,
furent chassés de l’île que Rome annexa en 238 avant JC. Sa domination dura
jusqu’au début du V è siècle. Ensuite, Vandales, Byzantins et Arabes furent
successivement attirés par la position avantageuse de l’île, avant que Pise et
Gênes ne se la disputent. En 1323, 300 vaisseaux de guerre catalo-aragonais
débarquèrent sur la côte sud-ouest et commencèrent sa conquête, occupant el
pays jusqu’au tout début du XVIII è siècle et l’accablant d’impôts. La
Sardaigne passa alors à l’Autriche, puis à la Savoie sans pouvoir enrayer de
terribles famines. Des réformes au XIX è siècle n’empêchèrent pas misère et
banditisme et, en 1847, l’île fut régie par Turin sans devenir beaucoup plus
riche lors de l’unité italienne. Elle paya un lourd tribut humain pendant la
Première guerre mondiale. Mussolini tenta ensuite de la sortir de la pauvreté,
créant notamment l’exploitation minière du lignite. En 1948, la Sardaigne et
quatre autres régions italiennes se virent accordé leur propre parlement.
Encore aujourd’hui, elle jouit du statut de région autonome gouvernée par un
président, depuis juin 2004, Renato Soru, un milliardaire sarde ayant fait sa
fortune par Internet et s’attaquant enfin aux grands problèmes de l’île,
chômage, assainissement de l’administration et développement touristique, la
dotant de routes admirablement entretenues et d’une structure hôtelière de
qualité, même pour les chambres d’hôtes, très peu chères et toujours
rigoureusement propres.
Bosa, ses maisons multicolores dominées par une vieille forteresse |
Les escaliers vertigineux de Capo Caccia |
Castelsando et le château des Doria |
Le pari de l’Agha Khan
Dans les années soixante, Karim
Agha Khan et quelques uns de ses amis décidèrent d’investir en Sardaigne et d’y
créer un port capable d’accueillir les gros yachts des célébrités du moment.
Pour ce faire, ils achetèrent à des paysans désargentés huit mille hectares de
terre, dont dix kilomètres de littoral entre le Golfo de Cugnana et le Golfo d’Arzachena,
au nord-est de l’île, qu’ils baptisèrent la Costa Smeralda, la Côte Emeraude. A
Porto Cervo, capitale miniature de ce royaume de privilégiés, ils voulurent
exprimer la quintessence du style méditerranéen, chargeant leurs architectes
d’y créer le port idéal, avec des emprunts aussi bien au style du Maghreb qu’à
celui des villages grecs. Même si l’actuel Agha Khan n’en est plus
propriétaire, le jet set international continue de s’y presser et les yachts
les plus somptueux d’y mouiller.
Comment visiter la Sardaigne
Un fort contraste oppose toujours
l’intérieur de l’île, parfois montagneux ou au contraire creusé d’étangs et de
lagunes longtemps infestés par la malaria, au littoral. Dans les terres, les
paysans vivent péniblement de maigres cultures et de leurs troupeaux de chèvres
et de moutons, mais bénéficient à présent des subventions européennes et la
plupart des villages ont été modernisés, perdant en pittoresque mais gagnant en
confort. Sur la côte au contraire, les heureux propriétaires ont fait des
affaires en or en lotissant leurs terrains. Pourtant, la Sardaigne a réussi à
ne pas trop gâcher son littoral en évitant le béton et les tours de la Costa
Brava par exemple, et en gardant de nombreuses zones sauvages, ce qui permet de
somptueuses découvertes de criques couleur turquoise, intactes et préservées.
A ârt le mois d’août où les
touristes italiens se ruent sur la Sardaigne, le reste de l’été permet de
voyager paisiblement et l’on trouve toujours à se loger chez l’habitant pour
très peu cher, à quelques kilomètres seulement du rivage. Des cars confortables
sillonnent l’île, mais le plus agréable est bien sûr de louer une voiture pour
en faire tranquillement le tour en dix jours à peine, sans oublier quelques
incursions vers l’intérieur du pays. Partout, forteresses et antiques tours de
guet attestent le passé agité de la Sardaigne.
La côte ouest de Cagliari à Alghero
Cagliari offre depuis des siècles
un mouillage confortable aux bateaux de tout tonnage dans une rade bien
abritée, bordée de lagunes où nichent les flamants roses. La vieille ville,
nommée « la marina », commence tout de suite sur le port et s’élève
jusqu’aux hauteurs d’Il Castello, remparts médiévaux de pierre blanche veillés
par deux grandes tours carrées et creuses, celle de l’Eléphant délimitant
l’ancien ghetto devenu le quartier de Santa Croce et celle de Saint-Pancrace,
devant le château neuf. A l’intérieur des murailles courent les ruelles
étroites de la cité médiévale avec l’université, la cathédrale à l’admirable
crypte toute en marbre, les musées et les palais pisans. Du Bastione San Remy,
la vue porte sur toute la ville et sur le nouveau château à la sobre façade
classique. Deux jours suffisent pour bien connaître la ville, ses petits cafés
et restaurants de fruits de mer, puis il est agréable de se baigner sur la
longue plage blonde d’Il Poetto et de pousser jusqu’au port de Plaisance de
Marina Piccola, bien sûr gardé par une vieille tour.
De Cagliari, on prend la route
d’Iglesias vers la côte ouest, en faisant un détour par la délicieuse chapelle
romane d’Uta, plantée en pleine campagne. Quelques vieilles rues à Iglesias, le
Dôme et l’église baroque de Sainte Claire d’Assises. De la tour du château très
endommagé de Salvaterra, on a une jolie vue sur la vieille ville. D’Iglesias à
Oristano, on longe les lagunes et les dunes molles de la Costa Verde, où l’on
peut se baigner sans voir personne. A oristano, la vieille ville et ses ruelles
animées se serrent autour du Dôme aux élégantes pierres ocrées, puis on
continue par une route montagneuse aux vues splendides jusqu’à Capo San Marco
pour voir les impressionnants vestiges de ce qui fut le puissant port phénicien
de Tharros. Le site est enchanteur, près d’une crique bordée d’une plage
accueillante, encore une belle tour de guet et les colonnes antiques dressées
contre le bleu de la mer.
Un peu au sud de Paulilatino
s’élève le fameux nuraghe de Losa,
sans doute le plus imposant de l’île. Des blocs cyclopéens de pierre forment
des clefs de voûte laissant filtrer la lumière. Des couloirs partant de la
pièce centrale mènent à deux tours latérales et un escalier s’élance vers les
étages. On se demande encore par quels moyens on put, à partir de 1800 avant
JC, amasser de tels blocs de défense et les agencer si savamment qu’après presque
quatre mille ans, ils tiennent encore.
Si l’on a la chance d’arriver en
fin de journée à la petite ville de Boasa construite sur les berges du Temo et
blottie aux pieds de son massif Castello Malapisna, le soleil dore ses maisons
bariolées et les eaux du fleuve. On peut dîner en terrasse, au bord de l’eau,
de savoureux antipasti sardes, multiples entrées de charcuterie, fromages et
crudités. Quelques kilomètres plus loin, à l’estuaire du Temo, a été construite
une harmonieuse marina moderne.
Alghero est surtout célèbre par
la visite qu’y fit Charles Quint en 1541 et l’on peut encore voir l’altière
maison l’ayant hébergé. Il reste de nombreux témoignages des remparts
médiévaux, tours et bastions contre lesquels viennent mourir les vagues. La
côte, découpée avec de nombreux à pics, est très belle jusqu’à Capo Caccia, où
un vertigineux escalier plonge vers les ondes.
De Sassari à la Costa Smeralda et la côte est
De l’ancienne ville universitaire
du XVI è siècle, il reste peu de vestiges, quelques maisons gothiques, quelques
vieux palais, des bouts de remparts. Le dôme gothique de Saint Nicolas fut
édifié au XV è siècle, mais sur la façade a été plaqué un décor baroque.
L’arrivée à Castelsardo, port de
la côte nord dominé par la puissante forteresse Doria, est un ravissement. Le
château et ses remparts, les maisons de teintes pastel du bourg, le port
prolongé par une jetée forment un ensemble parfait. Il faut monter par les
ruelles et pénétrer à l’intérieur de la forteresse dont plusieurs pièces ont
été restaurées et évoquent le souvenir d’une épouse Doria, la célèbre Eleora
d’Arborea, qui gouverna sagement, au XIV è siècle, l’une des principales
provinces sardes portant son nom et élabora un code de lois très en avance sur
son époque, la Carta de Logu. Des remparts, al vue embrasse toute la côte. En
contrebas du château, la cathédrale se signale par son sévère clocher noir.
Elle renferme les émouvantes œuvres du mystérieux Maestro du Castelsardo que
l’on n’a jamais pu identifier. Ce paradis en miniature imaginé par l’Agha Khan
et ses amis couvre donc un vaste territoire au nord e la côte est, la Côte
d’Emeraude et sa capitale de Porto Cervo. Tout autour de al baie s’élèvent de
somptueuses villas blanches et roses dont les yachts sont ancrés à Porto cervo.
Dès que l’on quitte cette enclave de luxe, on retrouve des paysages tout aussi
beaux et bien plus accessibles au commun des mortels.
C’est une succession de baies
paisibles et de ports de plaisance, de plages cachées dans la pinède, certaines
vierges de tout estivant : Golfo Aranci et l’immense roche lui faisant
face, Porto San Paulo et sa profusion de palmiers, Cala Gonone cernée par les
pics du Monte Tului et du Monte Bardia, délicieux port mis à la mode par les
dignitaires nazis dans les années trente, depuis la découverte par un pêcheur
d’une profonde grotte à présent aménagée, la Grotta del Blue Marino, à laquelle
on accède après une promenade en bateau.
Ensuite, la route délaisse un peu
la mer pour escalader les montagnes, d’où la vue porte loin sur les gorges de
Tortolli que l’on peut explorer à pied. Dans les villages de montagne tels que
Bauner, on peut avoir al chance de voir la jeunesse, filles et garçons, en
chemises blanches bien amidonnées et fleuries, monter sur de fringants poneys,
faire la course par les ruelles.
La côte sud et ses vestiges romains
Les lagunes s’étendent aussi à
l’ouest de Cagliari, toujours hantée par des colonies de flamants roses peu
farouches. Puis on parvient à Nora, ancienne cité romaine ayant succédé à une
colonie phénicienne. Le site occupe tout un cap s’avançant vers la mer, ombragé
de pins centenaires. Colonnes, mosaïques, théâtre bien conservé, fondations de
maisons, thermes et temples, tout prend un relief plus harmonieux contre le
bleu de la mer sillonnée de voiles blanches. La côte s’étant beaucoup érodée,
bien des vestiges sont maintenant sous l’eau et une plongée organisée par le
centre de la Laguna di Nora permet d’évoluer avec les poissons parmi colonnes
couchées et amphores. Du port de Portocuso où les pêcheurs usent de
spectaculaires filets rouges, un ferry peut vous mener à l’île de San Pietro,
d’origine volcanique, toujours habitée par une majorité de Génois.
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