LE BOURDONNANT VIETNAM

Du Mékong à Saïgon

Coucher de soleil sur le Mékong

Toujours sur le Mékong à bord de notre bateau, nous ignorons avec superbe le passage de la douane, Kevin se chargeant des formalités pour l’ensemble des passagers avec son efficacité habituelle et toujours parfaitement zen. Et tout l’équipage de se transformer en pères Noël. Après un déjeuner passé à bord, la navigation reprend sur un fleuve plus fréquenté qu’auparavant. En particulier les barges chargées du sable du Mékong se font plus nombreuses, ainsi que les péniches porteuses de matériel divers, de construction pour la plupart. On devine déjà que le Vietnam est une ruche bourdonnante plus affairée que le paisible Cambodge. Pour le dîner du réveillon, plus soigné encore que d’habitude si possible, tout l’équipage s’est métamorphosé en pères Noël et les cuisiniers ont sculpté les fruits exotiques en déco de fête.


Insolite grignotage

Que c'est bon, le serpent frit !

L'équipage transformé en pères Noël

Le bourdonnement de Tan Chau

Nous débarquons le lendemain matin à Tan Chau, bourgade fluviale plus affairée également que ses rivales cambodgiennes. Nous visitons une ferme piscicole, une fabrique de nattes, puis de soie synthétique où les métiers sont mécaniques, les cannettes s’abattant toutes seules dans un fracas assourdissant. La promenade dans le village en rickshaw, version un peu plus moderne et confortable du tuk-tuk, donne bien sûr lieu à une compétition serrée entre les diverses équipes.


Gamins à Tan Chau

Déco de Noël taillée dans des fruits

Barque à Tan Chau


Sa Dec et les premiers émois de Marguerite Duras

L'Amant

Marguerite Duras en Indochine

Puis nous voguons vers Sa Dec, ville du delta assez prospère à l’époque coloniale, célèbre surtout par deux romans de Marguerite Duras « Un barrage contre le Pacifique » et « L’amant », étrange et poignante histoire d’une adolescente quasiment prostituée par sa famille ruinée. Roman d’amour pourtant, même si l’auteur ne prend conscience de cet amour perdu qu’une fois à bord du paquebot qui l’éloigne pour toujours de l’Indochine et la mène vers la France, la guerre, puis la notoriété. Bien sûr, Kevin a prévu dans la soirée une projection de l’émouvant film de Jean-Jacques Annaud, si censuré au Vietnam pour cause d’érotisme que le public local ne peut en voir que 25 mn. Le duo amoureux des deux protagonistes principaux est joué par le beau et élégant Tony Leung Ka-fai, qui incarne le riche Chinois, et par Jane March, adorable avec ses deux nattes dépassant à peine de son canotier, ses airs à la fois candides et trop avertis… Ce roman, une courte autobiographie déguisée, valut à Marguerite Duras le Prix Goncourt. En voici un extrait :
"Des années après la guerre, après les mariages, les enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa femme. Il lui avait téléphoné. C'est moi. Elle l'avait reconnu dès la voix. Il avait dit: je voulais seulement entendre votre voix. Elle avait dit: c'est moi, bonjour. Il était intimidé, il avait peur comme avant. Sa voix tremblait tout à coup. Et avec le tremblement, tout à coup, elle avait retrouvé l'accent de la Chine. Il savait qu'elle avait commencé à écrire des livres, il l'avait su par la mère qu'il avait revue à Saigon. Et aussi pour le petit frère, qu'il avait été triste pour elle. Et puis il n'avait plus su quoi lui dire. Et puis il le lui avait dit. Il lui avait dit que c'était comme avant, qu'il l'aimait encore, qu'il ne pourrait jamais cesser de l'aimer, qu'il l'aimerait jusqu'à sa mort."


La maison de l'Amant à Sa Dec

On peut encore voir à Sa Dec la maison de l’Amant dans laquelle la romancière n’est bien sûr jamais entrée, une riche demeure un peu décatie où l’on vous propose de passer la nuit pour 50E, même si j’en vois peu l’intérêt.


Marché de Sadec

Marché de Sa Dec


Gamin au marché

Les copains à Sa Dec

Temple caodaïste de Sa Dec

Entrée du temple

Intérieur digne de Disney Land

Cathédrale française de Sa Dec

A Sa Dec aussi, l’on visite, planté au bord de l’eau, un curieux édifice très kitch et tourmenté, tout doré sur tranche et peinturluré de teintes criardes, un temple caodaïste. Religion syncrétiste se proposant d’unifier bouddhisme, hindouisme et christianisme, le caodaïsme fut fondé en 1921 et officialisé en 1925 dans le Vietnam du Sud. Ngô Van Chiêu, un fonctionnaire vietnamien, prétendit être entré en contact avec un esprit nommé « AAA », les trois premières lettres de l’alphabet vietnamien, qui lui commanda de créer cette religion dans un but de paix et de conciliation universelles. Le caodaïsme compte aujourd’hui cinq millions d’adeptes, surtout au Vietnam. Si le but est méritoire, l’esprit en question ne m’a pas frappée par son bon goût…
Même au marché local, on dirait que les vendeurs ont perdu la nonchalance souriante des Khmers. Ca marchande sec !
Le Mékong Prestige vogue à présent entre deux bras du Mékong, au centre de la province de Vinh_Long dite aussi Dragon Majestueux. Va pour le dragon et sa majesté !

Caï Bé et son marché flottant


Fabrique de feuilles de riz à Caï Be

Dégustation de friandises à base de feuilles de riz

Gamine à la fabrique

Musique traditionnelle vietnamienne

la vie moderne vietnamienne à My Tho

Le lendemain matin, nous débarquons à Caï Be, situé à environ 140 km de Saïgon et célèbre pour son marché flottant. Dès l’aube, des centaines de fragiles embarcations regorgeant de produits locaux, fruits, légumes, mais aussi crevettes, coquillages et poissons de tout acabit, se pressent au fil de l’eau jusqu’à créer de véritables embouteillages, les vendeurs proposant leurs produits au bout de longues perches. Les petites lampes allumées à la proue des barques semblent cheminer seules sur l’eau. Nous cheminons à pied le long des berges du fleuve jusqu’à une fabrique de feuilles de riz et de bonbons à la noix de coco. La visite est bien sûr suivie d’une dégustation de ces friandises ressemblant assez à du pop corn.
Le soir venu, une surprise nous attend sur le Mékong Prestige, un spectacle de musique traditionnelle vietnamienne. Les instruments sont étonnants : dan kn’i à deux cordes taillé dans un bambou, qui se joue avec un archet, dan bau, sorte de cithare pratiquée de la main gauche tandis que la droite pince la corde, dan da ou lithophone pourvu de trois à quinze plaques, klongput à vent évoquant la flûte de pan. Les harmonies, inhabituelles et un peu aigres, sont pourtant mélodieuses.

Saïgon, riche de son passé colonial

Le marché chinois de Cholon

Le marché de Cholon

Monument à la gloire du communisme

Fabrique de laque

Le lendemain, la course de notre Mékong Prestige s’achève pour nous à My Tho, toujours au cœur du delta, et des bus nous mènent parmi les rizières jusqu’à Saïgon, reconvertie en Hô-Chi Minh-ville depuis sa prise par les communistes en 1975, même si tout le monde préfère lui garder le nom de sa rivière. Principale ville du pays avec sa population de plus de huit millions d’habitants et son vrai poumon économique, Saïgon est toujours riche de son centre historique semé de beaux monuments tels la cathédrale française, la poste gigantesque dessinée par Eiffel qui est devenue un lieu touristique mais fonctionne toujours, ses hôtels coloniaux gardant le souvenir d’Hemingway ou de Kessel, ses anciennes ambassades et ses marchés foisonnants, ses musées d’Histoire ou des Beaux Arts. 


L'immense poste conçue par Eiffel

L'intérieur de la poste

La cathédrale de Saïgon en 1880

En dehors de ce rectangle presque parfait, les buildings fleurissent un peu partout de façon anarchique, mêlés à des masures plus branlantes. Là aussi, les Chinois sont à l’œuvre. Partout sur le trottoir, les Vietnamiens, assis presque par terre, dévorent à toute heure du jour leurs fameux bo bun, soupes agrémentées de tout ce qui leur tombe sous la main, y compris, hélas, chats, chiens, rats, serpents ou même de malheureux crapauds dépecés vivants. Tout ce petit monde mange, boit, dort, se fait masser ou couper les cheveux en pleine rue mais gare à l’heure de l’entrée ou de la sortie des bureaux ! Alors une nuée mugissante de scooters de tout acabit sur lesquels il n’est pas rare de voir juchés quatre ou cinq personnes, y compris enfants ou bébés, ou un monceau de chargement indéterminé se rue à l’assaut des rues, des trottoirs, des passants. On ne peut que s’étonner que le bilan des accidents de la route n’excède pas les 9000 morts par an recensées cette année…
L'arche et le sapin aux monuments du Sofitel

Le marché central

Propagande communiste

A  Saïgon également, les décors de Noël sont aussi inventifs que surprenants. Celui du Sofitel exhibe un immense sapin portant en guise de cadeaux tous les plus beaux monuments du monde, sapin lui-même planté dans une véritable arche de Noé. Vraiment joli ! Et la nuit venue, toujours brutalement sous les tropiques, tous ces décors scintillent de mille feux… C’est la fin du voyage.
Saïgon temple bouddhiste
Saïgon temple hindouiste

Marchande de fleurs

Peinture du Musée des Beaux Arts
Carnet d'adresses :
. Atelier de soie : Minh Phuong Art Co,  40 Phung Khac Khoan St, Da Kao Ward, Dist. 1, Tél . : 848 38 24 77 38
.  Artisanat : Cuu Long Workshop, 93 A Zone 3 Caïbe Dist, Tien Giang Pro, Tél. : 8473 6283534 
. Fabrique de laque : Minh Phuong Art, 41 Phung Khac Khoan Street, Dust I, Tél. : 84 8 38 24 76 89
. Sofitel, 17 Le Duan Boulevard District 1, Tél . : 84 28 38 24 1555
. Restaurant : Home Finest, 252 Dien Bien Phu Str. Ward 7, Tél. :  84 28 3932 26 66.

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