Flânerie en Flandre

 

Détail de l'hôtel de ville d'Anvers

L'hôtel de ville d'Anvers

La cathédrale Notre-Dame

 

            De nos amis belges, nous connaissons surtout les savoureuses moules-frites et les blagues souvent trop décalées pour nos esprits latins. Cette flânerie en Flandre, organisée par les VMF (les Vieilles Maisons Françaises) de la Seine Maritime et spécialement par Sabine de Montfort et son bureau, surtout placée sous le signe de l’Art et centrée sur les œuvres de Rubens et des frères van Eyck, se situa bien sûr autour des villes d’Anvers pour le premier et de Gand pour les seconds.

 

             Anvers née de l'Escaut

La nef de la cathédrale

Le maître autel de marbre blanc et noir

La célèbre Descente de crois de Rubens

Les stalles du choeur


            Même si la ville n’est pas directement située sur la mer du Nord, l’embouchure de l’Escaut et un éventail de canaux et d’écluses lui permettent aujourd’hui, avec un transbordement de 271 millions de tonnes par an, d’être le deuxième port européen derrière Rotterdam et le quatorzième du monde. Bien sûr, son essor fut bien plus ancien. Convertie au christianisme dès le VII è siècle par les missionnaires saint Eloi, saint Amand et saint Willibrord, elle devint dès cette époque un centre de foi. Même si les Normands la ravagèrent, la ville put renaître et devint une escale appréciée pour le commerce européen et un centre cosmopolite. Prestigieuse pendant la Renaissance, elle se développa encore durant le XVII è siècle, Rubens devenant alors l’un des personnages le plus influent de la ville. Nombre d’églises et bien sûr la cathédrale exposent ses innombrables œuvres religieuses à la lumière si particulière. Son grand ami, l’imprimeur et humaniste Plantin Morenus, dont on peut visiter la demeure, y recevait quantité d’écrivains, chroniqueurs, musiciens et peintres. La ville abrite à présent, avec Londres et Amsterdam, les plus prestigieux diamantaires et la plus importante bourse de diamants au monde.

 

            La cathédrale et les plus célèbres Rubens

Un retable

Forêt de cierges devant un autel de la Vierge

L'un des superbes vitraux

Gisante d'Isabelle de Bourbon duchesse de Bourgogne


            Notre visite commence par la cathédrale Notre-Dame, le plus grand édifice gothique de Belgique. Deux siècles furent nécessaires à sa construction, mais la deuxième tour ne fut jamais achevée, faute de moyens. Elle comprend, outre la nef centrale, six chapelles latérales, vrais puits de clarté. Près de l’entrée une émouvante gisante en bois représente la très belle Isabelle de Bourbon, duchesse de Bourgogne, l’épouse de Charles le Téméraire, son cousin. Dans la croisée du transept nord se trouve « L’érection de la croix », dans celle du transept sud le célèbre triptyque de « La descente de croix » et dans l’une des chapelles « La résurrection du Christ », trois chefs d’œuvre de P.P. Rubens. Comme toujours chez Rubens, sa maîtrise des clairs obscurs lui permet de faire jaillir à la lumière le motif central du tableau, ici par exemple, dans « La descente de croix », le corps du Christ dans son suaire d’une blancheur lumineuse, quelques visages affligés, puis la large tache rouge du manteau de l’homme qui le soutient. Très curieuse est l’enfilade, de part et d’autre de la nef, de multiples confessionnaux, bien moins discrets que les nôtres ! Vitraux, orgue et chaire très ouvragée contribuent à la magnificence de l’édifice. Non loin de Notre-Dame, une sculpture de rue représentant un enfant endormi enfoui dans ses draps de pavés est un hommage à Nello et Patrasche, personnages de la romancière Maria Louise de La Ramée, dans son livre « A dog of Flanders », publié en 1872.

Détail de la chaire

Détail de la chaire

Autel dédié à la Vierge

Autre retable

L'enfant endormi, hommage aux personnages de ML de La Ramée


            Le vieux quartier qui se serre autour de la cathédrale, la Groenplaats, avec ses maisons anciennes aux pignons en escaliers, avec ses ruelles tortueuses, est un lieu de promenade agréable. On y flâne parmi les boutiques regorgeant de précieuses dentelles ou de nappes en lin, petits bistrots et restaurants donnant sur de pimpants jardins.

            Veillant sur l’Escaut se dresse le curieux bâtiment de verre et de briques rouges du Musée Aan de Stroom ou MAS. Ce bâtiment, conçu comme un très vaste entrepôt, a été imaginé par le célèbre bureau d’architectes Neuteling Riedik Architecten, qui a remporté en 2000 le concours proposé par la ville. Toutes les salles du musée sont empilées comme des boîtes sur dix étages et le visiteur suit un chemin s’élevant en spirale vers les hauteurs, de grandes baies vitrées lui permettant une vue éblouissante sur la ville. Ce musée pionnier se veut un lieu d’échanges entre différents peuples et différentes cultures, un lieu de rencontres entre Anvers et le monde où toutes les expérimentations seraient possibles. Quelques chiffres donnent une idée de son importance : 5700 m2 de surface d’exposition, 650 000 visiteurs par an, 600 000 pièces de collection exposées en alternance.

Musée Aan de Stroom

Vue sur l'Escaut depuis le musée

Dans les rues d'Anvers

La paix du béguinage


            Une promenade dans les rues d’Anvers sillonnées de canaux et aux belles maisons de briques aux frontons en forme d’escaliers nous mène au havre de paix d’un petit béguinage aux maisons mitoyennes, également en briques roses, ceignant des jardins. Fondé au XIII è siècle, il comptait jusqu’à 150 béguines au XVIII è siècle, ces religieuses soumises à la vie conventuelle, mais sans avoir prononcer de vœux. Ce béguinage d’Anvers fut désacralisé à la suite de la Révolution française, puis en partie démoli au début du XIX è siècle, les maisons qui restaient devenant des logements.

 

            La maison des imprimeurs Plantin Moretus amis de Rubens

L'élégante maison des imprimeurs

Leur imposante bibliothèque

Un précieux cabinet

Une presse dans l'atelier


            Dans le même esprit, cette vaste demeure pourvue d’arches rappelant un cloître, ceint un frais jardin planté d’iris. On se croirait transporté 400 ans en arrière, lorsque Christophe Plantin et son gendre Jean Moretus firent de leur atelier une véritable imprimerie industrielle à l’échelle européenne. On peut encore voir les presses de l’époque, les caractères d’imprimerie et les plus belles réalisations des deux imprimeurs. Ce qui frappe surtout, dans cette demeure élégante et raffinée aux précieux cabinets servant à abriter des objets de collection, aux nombreux portraits de famille peints par leur grand ami Rubens, c’est de constater à quel point la vie de ses habitants côtoyait celle de leurs ouvriers, d’ailleurs logés dans de petites maisons proches, appartenant aux imprimeurs. Les deux compères étaient d’ailleurs des hommes instruits et cultivés, comme le témoigne leur bibliothèque bien garnie !

Danse de mariage paysan de Pter Brueghel le Jeune

La foire d'Anvers

Vierge à l'enfant de Van Eyck

Portrait de famille de Cornelis de Vos


            Avec ses colonnes toutes de blancheur le musée royal des Beaux-Arts d’Anvers abrita dès 1884 toute une collection de peintures, sculptures et dessins du XIV è au XX è siècle. Longtemps fermé pour rénovations, il ne rouvrit ses portes qu’en septembre 2022, offrant aux visiteurs une vision nouvelle de l’Art, mêlant les époques au gré d’un sujet. Le très célèbre tableau de Jean Fouquet, La madone aux anges rouges, par exemple est flanqué de deux toiles abstraites réalisées dans les mêmes tons rouges et bleus qui, à mon sens, ne sont pas d’un très heureux effet. Cette délicate madone au provoquant sein nu, dont le modèle fut la très belle Agnès Sorel, favorite du roi Charles VII, n’avait aucun besoin de cette compagnie… De même, une salle intitulé Horizons, présente plusieurs toiles figurant des sous-bois, où aucun horizon n’est visible… En dépit de cette présentation insolite, les collections de ce musée sont remarquables, des Bruegel, l’Ancien ou le Jeune, des Jan van Eyck, un triptyque de Rogier van der Weyden, Le Calvaire d’Antonio de Messine, un Rembrandt, 21 Rubens, un Portrait de famille de Corlelis de Vos, La belle et sanguinaire Judith de Jean Massys, Michelangelo Pistoletto, Magritte ou James Ensor pour les contemporains. Et tant d’autres encore… Et l’on a parfois la chance d’assister à un concert impromptu ou, du haut du majestueux escalier, à une sonate improvisée au piano… Toutes les magies se mêlent pour mieux nous envoûter !

 

Amusant siège du musée

Judith brandissant la tête d'Holopherne de Jan Massys

            Gand une ville d'eau

            Deuxième ville de Belgique après Anvers, située aux confluents de la Lys et de l’Escaut, Gand est aussi une ville portuaire. Elle fut au Moyen-Âge une puissante cité-Etat. C’est aujourd’hui un important centre universitaire et culturel. De l’époque médiévale subsiste l’impressionnant château des Comtes édifié au XII è siècle mais malheureusement assez restauré au XIX è et le Graslei ou quai aux Herbes, tout un alignement de vieilles maisons qui se dressent sur la rive droite de la Lys. Ville natale de Charles Quint et capitale du comté de Flandre, elle connut un formidable essor du XIV è au XVI è siècle, notamment pour ses filatures de draps. Aujourd’hui, son festival annuel du spectacle populaire attire chaque été près de deux millions de visiteurs. Le reste de l’année, théâtres, opéras et musées assurent à Gand une vie culturelle animée. Son port maritime, situé à l’intérieur des terres, est par son tonnage le troisième port du pays.


            Après le Hilton un peu vieillot et impersonnel où nous logions à Anvers, l’Hôtel de Flandre et sa dépendance, situés dans de vieilles maisons, a davantage de charme.

 

Bar de l'hôtel de Flandre

            L'agneau mystique, le chef d'oeuvre des frères Van Eyck

En route pour le pittoresque quartier de Patershol et la cathédrale Saint-Bavon qui contient le chef d’œuvre des frères Van Eyck, L’agneau mystique, l’une des œuvres d’art le plus souvent volée qui soit, pas moins de seize fois en six siècles. Aujourd’hui encore, le panneau des Juges intègres n’a pas été retrouvé et celui que l’on peut admirer n’est qu’une copie. L’un des bourgeois les plus fortunés de la ville, qui fut même premier échevin en 1433, Judocus Vyd, seigneur de Pamele, et son épouse Elisabeth Boluut furent les commanditaires et donateurs du précieux retable. Ils firent appel pour ce faire aux frères Van Eyck, Hubert qui le commença et Jan qui l’acheva après le décès de son frère en 1426. Quant à l’agneau placé au centre du retable, dont le sang est recueilli dans un calice d’or, il figure bien sûr l’Eucharistie.

L'agneau mystique, l'élément central du retable

L'ange de l'Annonciation sur le revers


Il y a tout un conditionnement avant de venir admirer le précieux retable qui subit une importante restauration de 2012 à 2024, une sorte de parcours initiatique dans la crypte avec effets visuels et commentaires… Puis on contemple le retable et même son revers dont l’une des principales scènes est l’Annonciation. L’équilibre de la composition, la grâce des personnages, le soin porté à la peinture de chaque volet – on distingue même les lettres du livre posé sur les genoux de saint Jean-Baptiste ! – sont prodigieux. Et la minutie de la restauration qui a ravivé les ors et les couleurs le fait chatoyer à l’infini.

Cette cathédrale de Saint-Bavon reprit le nom d’une ancienne abbaye bénédictine dont il ne reste à ce jour que la salle capitulaire. Elle fut en effet détruite en 1540 par Charles Quint, qui punit les Gantois de s’être rebellés contre lui. Il humilia les habitants de sa ville natale qui durent implorer son pardon, fit abattre plusieurs portes en plus de l’abbaye et plaça dans la cité une garnison espagnole…

Seule salle intacte de l'abbaye de Saint-Bavon

Le quai d'embarquement

Promenade sur la Lys

Les anciennes halles

Au gré de la Lys


Pour rejoindre l’embarcadère, nous traversons l’ancienne Maison-Dieu, sorte de petit hameau bucolique au sein de la ville où l’on peut prendre un verre et la curieuse rue des graffitis ou street art. Avant la tombée du jour, une promenade en bateau par les rivières et les canaux permet une jolie vue sur les quais toujours animés, les maisons médiévales et la formidable forteresse du château des Comtes.

 

La rue des graffitis

La quiétude de l'ancienne Maison-Dieu

Le formidable château des Comtes

Trop restauré au XIX è siècle

De château en château

Le pont-levis du château d'Ooidonk

La belle façade donnant sur les douves

Une ancienne machine de guerre imposante

Un château tout de briques roses

Le charme du parc et de sa rivière


En Flandre-orientale, non loin du village de Sint Maria Leeme, le château fort d’Ooidonk dresse sa masse de briques roses au bord de ses douves. Nous sommes reçus par son actuel propriétaire, Henri t’Kint de Roodenbek. Le château appartient à sa famille depuis 1864. Si les fondations datent du XIII è siècle, la façade principale est d’époque Renaissance, mais celle donnant sur le parc fut malheureusement remaniée et pourvue d’arcades au XIX è. Trois siècles plus tôt, son propriétaire, Philippe de Montmorency, fut décapité à Bruxelles pour s’être révolté contre le duc d’Albe. Privé de défense, le château fut alors attaqué et partiellement détruit par les calvinistes gantois quelques années plus tard. Il fut racheté par un riche marchand d’Anvers, Martin della Faille, qui le restaura dans le goût de la Renaissance hispano-flamande. A l’intérieur, on peut voir une collection de précieux cabinets italiens ou flamands dans le grand salon, un élégant mobilier XVIII è dans d’autres salons, une chambre Empire, puis se promener dans le parc à la française.

Le grand salon du château et son propriétaire

Retour de chasse, tapisserie du grand salon

Le petit salon Louis XVI

Le salon en rotonde

Détail d'une chambre

La chapelle et son plafond étoilé


Dans un esprit fort différent, la Maison Beaucarne, dans la cour de laquelle nous déjeunerons, est une élégante demeure bourgeoise du XVIII è siècle d’une blancheur éclatante, située dans un parc laissé à l’état sauvage et demeurée dans la même famille depuis sa construction. Ses habitants ont la passion des collections et, en la visitant, on a l’impression qu’ils n’ont jamais rien jeté depuis qu’elle existe. Salons, salle à manger et chambres, tout évoque un véritable cabinet de curiosités où les poupées côtoient les coquillages, les verres anciens, les porcelaines dépareillées, les ustensiles les plus divers…

La maison Beaucarne datant du XVIII è siècle

Son salon dans son jus

Un bureau évoquant un cabinet de curiosités

La prochaine étape, le château de Ten Bieze à Beerlegem, harmonieuse bâtisse édifiée en 1730 en brique et pierre et blottie dans un parc de soixante hectares. Le château appartient à la famille d’Ursel et ne se visite pas, mais la propriétaire nous montre son « verger de glycines. Au bord d’un étang, ce n’est qu’on moutonnement de grappes odorantes bleues, violettes, roses ou blanches… Un spectacle de féérie.

De brique et de pierre grise le château de Berlegem

Un jardin de glycines

Le maître des glycines

Une somptueuse glycine rose


Notre flânerie flamande s’achève par un dîner de gala au célèbre Club Falligan, sis dans le bel hôtel Falligan datant du XVIII è siècle et demeuré dans son jus. Réservé à des événements culturels, il n’a bien sûr pour membres que des hommes !

 

Carnet d'adresses :

A Anvers :

Hôtel Hilton, Groenplaast 32, Tél. : + 323 204 12 12

Restaurant L’Amitié Vlaamsekaai 43 2000 Antwerpen

Restaurant t’Hofke Vlaaikensgang 6 2000 Antwerpen

Restaurant Fiskebar Marmixplaats 12 2000 Antwerpen

A Gand :

Hôtel de Flandre, Poel 1, 9000 Gent, Tél. : +329 266 06 00

Brasserie t’Klokhuys Corduvaniersstraat 65 9000 Gent

Restaurant t’Buikske Vol, Kranlei 17 9000 Gent

Château d’Ooidonk, Ooidonkdreef 9, 9800 Deinze Belgique, +32 9 282 26 38

Château de Beerlegem, Kasteeldreef 8, 9630 Zwalm Belgique

Club Falligan, Kouter 172, 9000 Gent.

 

 

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