Le Yémen, le royaume de la légendaire reine de Saba

 

Visite de la reine de Saba au roi Salomon par Piero della Francesca

Plusieurs textes saints, le Livre des rois, le Coran et même le Nouveau testament évoquent cette reine mythique dont le royaume se serait étendu à peu près sur le site de l’actuel Yémen.

 

 

Les amours de Salomon et de la reine de Saba

Aussi belle qu’intelligente et cultivée, la reine de Saba aurait entrepris avec toute une brillante caravane le voyage de sa capitale de Marib, à l’est de Sana’a, aux portes du désert, jusqu’à Jérusalem pour rencontrer le grand roi Salomon. Son rayonnement était parvenu jusqu’à elle, et elle voulait lui poser des énigmes afin de tester son intelligence et son savoir. Séduite par la splendeur de Jérusalem et du grand temple, par la culture brillante du roi, elle lui aurait offert de splendides présents. Après avoir réussi à résoudre toutes les énigmes, Salomon aurait succombé à ses charmes et ils auraient eu un fils dont la descendance se serait plus tard installée en Ethiopie et y aurait régné. Puis la reine s’en serait retournée dans son lointain royaume, mais les caravanes auraient ensuite continué à commercer entre Jérusalem et Marib. De Jérusalem se seraient transmises la croyance en un seul Dieu, Yavé et plus tard Allah, et la culture des savoureux agrumes qui avaient tant plu à la reine. Du Yémen venaient l’or, l’encens et la myrrhe – les présents mêmes que les rois mages, sans doute également originaires du Yémen, avaient apporté à l’enfant Jésus…

 


Sana'a capitale du Yémen unifié 

Vestiges de Marib, l'antique capitale de la reine de Saba

Souk dans la vieille ville de Sana'a

Femme dans le souk


Même s'il est actuellement fortement déconseillé de se rendre dans ce magnifique pays en proie aux pires désordres, profitez de cette visite virtuelle. Sana'a, cette antique cité de deux millions d’habitants s’étend dans une large cuvette bien irriguée, cernée par les hauts plateaux des djébels Nugum et Ayban. Partout dans la vieille ville encore en partie ceinte de remparts s’élèvent les maisons traditionnelles dont les murs sont réalisés en « qadad », enduit fait de gravillons, chaux cuite, cendres volcaniques et eau et parfaitement étanche. Les façades s’ornent de motifs stylisés en plâtre ou « goss » et les fenêtres sont garnies de vitraux multicolores. Le soir venu, toute la vieille ville semble illuminée comme une immense cathédrale. Tout en haut de chaque maison se situe le salon traditionnel ou « mafradge », jonché de divans et tables basses. Les plus belles maisons sont à présent aménagées en « funduks » ou hôtels. Le Golden Dar, à Harat Tahia, est aussi beau que bon marché, même si le confort y est assez rudimentaire. Dans son « mafradge », l’hôte savoure l’incomparable café yéménite à la cardamome.

Avant le règne de la reine de Saba, Sana’a, mot signifiant « la bien fortifiée, existait déjà sous le nom de Sem et aurait été fondée par le fils de Noé. La forteresse actuelle d’As Silha date du XII è siècle, mais le grand bâtisseur de la capitale fut l’imam Yahya Hmadi Aladin qui devint roi en 1919, agrandit la Grande mosquée et dota sa ville de beaux palais, écoles, hôpitaux et orphelinats avant d’être assassiné par des religieux extrémistes le 17 février 1948.

Famille dans le souk de Sana'a

Vieil homme dans le souk

femme sur le pas de sa porte dans la vieille ville


Dans les rues, des gamines vêtues de longues robes de soie en guenilles mais scintillantes de fils d’or ou d’argent jouent à la marelle. Des troupeaux de chèvres en liberté engloutissent ce qu’elles peuvent trouver et les rigoles d’eau sale dégagent une forte odeur. Il n’est pas rare qu’une ombre vêtue de noir vous prenne la main pour vous entraîner chez elle et vous régaler de « khobs ma assel », crèpes au miel, ou de « bint al-saan », feuilleté à la vanille et cardamome, arrosés de jus de mangue.

 

Le souk, âme de la vieille ville

Fillette sur le pas de sa porte à Manakhan

Femme cuisant son pain à Manakhan

Maison perchée à Mukella


Situé à côté de l’impressionnante porte Bab Al-Yémen, la seule subsistante, le souk contient une dizaine de marchés et plus de quinze cents échoppes rassemblant une quarantaine de corporations et des caravansérails aujourd’hui transformés en maisons mais qui servaient jadis aux caravanes. Le marché aux tissus propose somptueux voiles de soie du Pakistan et châles brodés du cachemire. Dans celui des « djambyas » se marchandent ces élégants poignards à lame recourbée à la gaine de soie brodée de versets du Coran. Chaque gamin reçoit la sienne pour ses douze ans. Se succèdent les étals de fleurs, légumes et de viandes qui se signalent par des essaims de mouches. Des Ethiopiennes à la peau sombre vendent les précieux myrrhes et encens qui avaient enivré le roi Salomon. De grandes bottes de feuilles d’un vert tendre sont partout l’enjeu d’âpres marchandages. C’est le « qat », la grande affaire au Yémen.

 

L’ « imam » vert du Yémen

Ces feuilles hallucinogènes que tous mâchent à longueur de journée forment dans la bouche une grosse boule de purée verte assez répugnante. On l’appelle ainsi car les Yéménites lui vouent un véritable culte. Il représente en effet 25% du PIB et 16% des emplois du pays, couvrant 140 000 hectares au détriment bien sûr des cultures indispensables à la survie des habitants. C’est âcre, pas très bon, salissant et euphorisant.

 

Des villages œuvres d’art

Bébé langé dans l'Hadramaout

Forteresse dans une oasis de l'Hadramaout

A Shibam, la Manhattan du désert


Vers Rawdha, ses vignes et ses plantations de « qat » en gradins, de hautes montagnes arides bordent al vallée de Sana’a. Le village contient la dernière demeure de l’imam Yahia, symbole de la résistance aux Anglais, abritant aujourd’hui les hôtes officiels du gouvernement. Plus au nord, le Wadi Dhar ou Palais du Rocher semblant planté là depuis une éternité fut en réalité construit en 1930 par le même imam. Une route difficile pique vers le sud et Al-Mukha, grand port mythique du Yémen à présent ensablé, fief des Ismaéliens pratiquant un Islam ésotérique et croyant à la venue prochaine du septième imam ou imam caché. De la légende d’Al-Mukha, il ne reste presque rien. On raconte qu’au XIV è siècle, le cheikh Omar Al-Shadili, ayant remarqué l’allant de ses dromadaires lorsqu’ils avaient mangé de curieuses petites graines, en fit alors absorber aux membres de sa confrérie pour les empêcher de s’endormir durant la prière. L’usage du café était né !

 

 

Le Wadi Hadramaout

Après le port bien moderne d’Al-Hodeidah, capitale de la tribu des Zaraniq, la bande côtière de la Mer Rouge et la plaine de la Tihma aux habitations d’inspiration africaine, on parvient à la ville de Zahib, classée patrimoine mondial de l’Unesco et d’une blancheur éclatante, comptant encore aujourd’hui cinquante-trois écoles coraniques et vingt-neuf mosquées dont la plus ancienne, l’Al-Ashaïr, date du VII è siècle.

Les ruines du port de Mokhah

Maison en terre de l'Al Arf 

Le pont vertigineux de Shaharah construit au XVI è


De Marib, capitale vers 950 ans av JC de la fastueuse reine de Saba aimée du roi Salomon, il ne reste que quelques colonnes émergeant du désert. C’est le départ de la piste de Seyoun que tiennent des Bédouins auxquels il faut payer un droit de passage pour éviter d’être retenu en otage. On traverse un désert assez laid, planté de rares épineux, puis c’est l’explosion de la végétation du wadi ou vallée. Celle de l’Hadramaout, longue de 165 km et parfois large de 15, est dominée par des plateaux. C’est la contrée des aromates vendus jadis à prix d’or par les caravanes, encens, myrrhe, cannelle, cinnamome et lédanon tiré de la barbe des boucs. A Tarim, ancienne capitale des rois Kinbdah, il y avait une mosquée par jour de l’année. Des femmes coupent le maïs parmi une forêt de feuilles vertes, leurx chapeaux noirs et coniques dépassant seuls de la végétation.

Shibam, appelée « la Manhattan du désert », se composent de maisons gratte-ciel hautes parfois de quinze étages, accolées les unes aux autres pour ne ménager que d’étroites ruelles toujours fraîches. Les fenêtres, décorées dans un style indien, sont entourées de vraies dentelles de bois.

 

Les plages immaculées du Golfe d’Aden

Des kilomètres de plages blondes sans personne, bordées d’une eau chaude et transparente abritent des ports enchanteurs tels Burum ou Bir Ali, avant de parvenir à ce port d’Aden construit dans la caldeira d’un ancien volcan, qui fut aussi la seconde patrie du poète Arthur Rimbaud. Dans l’élégant quartier de Crater s’élèvent toujours d’élégantes maisons coloniales.

 

Le Nord sauvage et dévasté

A partir d’Amran et Khamer, les funduks sont crasseux et infestés de puces, les maisons éventrées par les guérillas que ne cessent de se livrer les différentes tribus pour d’obscurs motifs de bornages ou d’héritages. Les maisons aux étroites meurtrières garnies de barreaux ressemblent à des prisons. De vertigineuses montagnes hautes de 3000 M encadrent des gorges arides. A Shaharah, on peut encore utiliser l’impressionnant pont franchissant un abîme, édifié au XVI è siècle par l’imam Sharaf Al-Din, qui s’était retranché dans cette région pour lancer ses commandos sur l’occupant ottoman. La bourgade comprend aussi vingt-trois citernes à ciel ouvert, sales et magnifiques. Après Fawa, qui comporte l’unique pompe à essence de la région, il n’y a plus de funduk, on dort chez l’habitant, roulé dans un tapis crasseux, mais accueilli d’une façon plus que cordiale.

 

Saada, la ville des armes

La capitale du Nord, longtemps indépendant et intégriste tandis que le sud était soviétique, Saada, autrefois grand carrefour des caravanes sur la route de La Mecque, n’échappe pas à l’atmosphère de désolation régnant sur cette partie du pays. Les maisons sont faites de boudins superposés, en terre séchée mêlée de paille. On peut y voir la porte Bab Al-Yémen, toujours le même nom, les boutiques des orfèvres juifs, la mosquée Al-Hadi datant du IX è siècle, mais le plus curieux est l’immense marché aux armes où viennent se ravitailler les trafiquants et mercenaires du monde entier. A perte de vue s’étendent chapelets de balles, fusils, pistolets de tous calibres et mitraillettes de toute origine… Ainsi va la vie dans « l’Arabie heureuse », berceau du peuple arabe.

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