Voyage dans le passé

Malte sur les pas des chevaliers de Saint Jean



En parcourant ce petit caillou aride aux maigres cultures de coton , de blé et de légumes de 320 km2, on est frappé par la magnificence de son architecture : profusion de splendides églises baroques, même dans les plus petits villages, fastueux palais mais surtout puissantes fortifications, autant d’oeuvres des chevaliers de Saint Jean arrivés là au XVIè siècle. Une longue et riche histoire...

Le pavement de la cathédrale Saint-Jean
est fait des dalles funéraires des chevaliers
Le port bien fortifié de La Valette

Du royaume chrétien de Jérusalem au supplice de Jacques de Molay

Quand Jérusalem tomba aux mains des Croisés lors de la Première Croisade, le 15 juillet 1099, les blessés étaient innombrables dans les rangs des combattants chrétiens. Les moines bénédictins ayant suivi les chevaliers dans leur périple édifièrent alors le premier hôpital catholique de Jérusalem, non loin du Saint-Sépulcre. Leur vocation hospitalière s’affirmant, leur abbé, le bienheureux Gérard dont on ne sait d’ailleurs pas grand-chose, fonda alors l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem vers 1113 et en devint le premier Grand Maître. Peu à peu, avec l’insécurité grandissante, ces moines suivant toujours la règle bénédictine devinrent à leur tour des combattants, des moines chevaliers chargés de la sécurité des pèlerins, sans perdre pour autant leur vocation hospitalière. Lors du Concile de Troyes réuni en 1129, le pape leur rendit hommage et précisa leur statut. Pour se différencier des autres bénédictins, ces moines chevaliers arborèrent alors sur leurs robes noires une croix à huit branches, connue maintenant comme la croix de Malte.
Si loin de leurs bases européennes, chevaliers et moines soldats devenaient très vulnérables, une fois l’élan de la croisade retombé et le petit royaume de Jérusalem bien exposé. A la fin du mois de juin 1187, le sultan musulman Saladin, régnant alors sur l’Egypte et la Syrie, assiégea Jérusalem. Les forces en présence étaient prodigieuses pour l’époque, 1500 chevaliers et plus de 16 000 fantassins du côté chrétien, sans doute le double côté musulman. Le siège fut long et meurtrier et Jérusalem tomba le 2 octobre 1187. Tous les chevaliers faits prisonniers furent exécutés. Chassés de Jérusalem, les chevaliers de Saint Jean qui parvinrent à s’échapper se regroupèrent à Acre et y fondèrent un nouvel hôpital.
La paix n’était pas revenue pour autant entre chrétiens et musulmans. L’assaut fut donné à Acre le 5 avril 1291 et les chevaliers de Saint Jean durent abandonner leur nouveau couvent-forteresse le 8 mai pour gagner l’île de Chypre, d’où ils continuèrent leur combat contre les musulmans, sur mer cette fois. En 1309, ils quittèrent Chypre pour s’installer dans l’île de Rhodes, plus facile à défendre.
En France, le roi Philippe le Bel, inquiet du pouvoir grandissant et des richesses d’un autre ordre guerrier, celui des Templiers, fit arrêter le vendredi 13 octobre 1307 tous les chevaliers du Temple présents sur le sol français et leur Grand Maître Jacques de Molay. Ce fut un procès ignoble et falsifié, les Templiers étant injustement accusés de tous les crimes, dont la sorcellerie et la bougrerie, c’est-à-dire l’homosexualité. Tous leurs biens furent bien sûr confisqués au profit de la couronne. Jacques de Molay et Geoffroy de Charney, commandeur de Normandie, furent brûlés vifs à Paris le 18 mars 1314 en continuant de clamer leur innocence après des aveux arrachés par la torture.
Rendus prudents par cet horrible exemple, les autres ordres chevaliers et les Hospitaliers de Saint-Jean se gardèrent de rentrer dans leurs pays et se retranchèrent dans leurs diverses forteresses.

Le quartier de Vittoriosa
Et celui de Trois Cités

L’autorité du Grand Maître

Né de la Première Croisade, l’ordre militaire et hospitalier des chevaliers de Saint Jean accueillait des membres de la noblesse issus de tous les empires ou royaumes de la chrétienté. Pour en devenir membre, il fallait au moins prouver quatre quartiers de noblesse, c’est-à-dire être noble depuis quatre générations. Ordre souverain gouverné par un Grand Maître élu à vie par l’ensemble des chevaliers, l’ordre des chevaliers de Saint Jean était et est toujours considéré comme un véritable état. Le Grand Maître concentrait tous les pouvoirs dans ses mains : gardien de la stricte observance de la règle de saint Benoît, administrateur des immenses richesses de l’ordre, chaque chevalier léguant à sa mort ses biens à son ordre, maître du chapitre général qu’il convoquait et présidait en rendant la justice et enfin chef militaire de ses chevaliers. Sa réputation de piété et de bravoure attirant sans cesse de plus nombreux chevaliers, l’ordre comprenait environ quatre cents chevaliers durant par exemple la période de Rhodes.
L'Auberge de Castille
Chacun appartenant à une nationalité distincte et parlant une langue différente, même si le français fut longtemps leur langue officielle, ils furent regroupés par langue, habitant dans des Auberges regroupant tous les chevaliers d’un même pays ou, s’ils étaient trop nombreux, d’une même province et chargés de la défense militaire du territoire où se trouvait située leur Auberge.
Mais il ne faudrait pas croire que les chevaliers  hospitaliers de Saint Jean restèrent cantonnés à Rhodes. Au fur et à mesure de son pouvoir grandissant, l’ordre essaima ses commanderies un peu partout en Europe, toujours sous les ordres du Grand Maître qui, lui, résidait à Rhodes.
De leur base puissamment fortifiée de Rhodes, les chevaliers et leurs galères harcelaient sans cesse sur mer les puissants navire ottomans, si bien que le sultan Soliman décida d’en faire le siège et arriva devant l’île le 24 juin 1522. Après une héroïque résistance qui dura six mois et força l’admiration de Soliman, le Grand Maître Philippe de l’Isle Adam dut se rendre avec ses chevaliers. On lui accorda les honneurs de la guerre, la vie sauve pour lui et tous les siens, le droit d’emporter sur leurs galères toutes leurs richesses.

La petite ville forte de Victoria
Blue Lagoon, une rade féerique

L’arrivée à Malte et le Grand Siège

Après sept ans d’errance sans savoir où se fixer, les chevaliers de Saint Jean reçurent enfin des mains de l’empereur Charles Quint la libre jouissance de l’archipel maltais, composé de Malte, Gozo et Comino, contre la redevance symbolique d’un faucon maltais par an !
Lorsqu’ils parvinrent à Malte en 1530, les chevaliers furent dans l’ensemble bien accueillis par la population qui vivait dans la terreur des attaques de pirates, moins bien par la noblesse locale qui devina la fin de ses prérogatives. D’abord déçu par l’aridité de l’île, les chevaliers comprirent vite l’intérêt stratégique de la rade aux dix anses que présente aujourd’hui le port de la Valette et ses environs, où ils mouillèrent leurs galères, tout en organisant les fortifications de la capitale de Médine, à l’intérieur des terres. Ils s’occupèrent ensuite des défenses de cette rade naturelle, édifiant d’abord à l’emplacement d’un vieux fort l’actuel château Saint Ange, puis le puissant fort de Saint Elme à l’extrémité de la péninsule séparant les deux principales rades. Enfin, à Birgu prolongeant l’actuel quartier de Vittoriosa ils bâtirent un hôpital et un autre fort.

Vers le fort de Comino
 Soliman, bien que vieillissant, regretta amèrement d’avoir laissé la vie sauve aux chevaliers vaincus et lança deux attaques contre l’ordre en 1547 et 1551, ne réussissant à prendre que l’île de Gozo dont tous les habitants furent emmenés en esclavage. Le vieux sultan regroupa ses forces et lança quarante huit mille de ses meilleurs soldats contre Malte le 18 mai 1565. En face de lui, il n’y avait que huit mille hommes, 540 chevaliers, 4000 Maltais et des mercenaires.

L’héroïque Jean de la Valette

Le Grand Maître, Jean de la Valette, replia ses maigres troupes sur les places fortifiées de Médine et du nouveau port. Assiégé de toute part, le fort Saint Elme dut se rendre après une résistance acharnée de 31 jours. Résistant à toutes les attaques turques dans les autres place fortes, les chevaliers purent attendre l’arrivée des renforts venus de Sicile qui démoralisèrent les forces ottomanes et les forcèrent à reprendre la mer. En tenant le verrou de Malte, Jean de la Valette et ses chevaliers avaient sauvé toute la chrétienté et furent fêtés comme des héros. D’importantes aides financières arrivèrent de partout et Jean de la Valette put enfin réaliser son rêve : construire une belle cité qui porta son nom face au port si bien défendu. Le pape Pie IV lui envoya même son meilleur architecte militaire, Francesco Laparelli, qui traça les plans de la future ville, telle qu’on peut encore la voir aujourd’hui, avec ses rues bien droites, ses églises et ses superbes palais, ses Auberges destinées à abriter les chevaliers. Puis, six ans après le Grand Siège, la bataille maritime de Lépante à laquelle participèrent les chevaliers et leurs galères consomma la défaite ottomane.

Le fort de Comino, puissante machine de guerre
Avec la défaite ottomane, les chevaliers perdirent peu à peu leur mission guerrière et s’amollirent dans le luxe, si bien que lorsque Napoléon vint envahir Malte en 1798, le Grand Maître allemand, Ferdinand Von Hompesch, ne lui opposa aucune résistance. C’en était fait de la suprématie de l’ordre de saint Jean à Malte, mais cette présence de deux siècles et demi fit la beauté et la richesse de l’île. On doit aux chevaliers la plupart des monuments : la superbe co-cathédrale de Saint-Jean, le palais des Grands Maîtres devenu musée des armes, les hospices, les Auberges, forts et fortins, les innombrables églises et couvents de l’île.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

UN ARTICLE DE MON PERE

FEERIE A GIVERNY

Safari au Kenya