SOUS LES MASQUES
Venise, le carnaval selon Antonia
Le carnaval de Venise, qui durera cette année du 30 janvier au 9
février, est un scintillement, quand toute la ville semble revivre
pour une semaine au temps des doges ou de Casanova. La plus belle
soirée est celle du Bal des Doges, une féerie signée Antonia
Sautter.
Un palais
en habit de lumière
Sur
le Grand Canal, le palais Pisani Moretta, propriété du comte
Maurizio Sammartini, a revêtu son habit de lumière pour ce
quinzième Bal du Doge, le plus couru de Venise. Les premières
gondoles arrivent, portant belles à paniers ou crinolines, petits
marquis de cour poudrés à frimas, gandin en gants jaunes. Cette
année, sur le thème du « jardin des délices », les
éclairages figurent un Eden enchanté, tandis que retentissent les
sanglots des premiers violons. Tous attendent bien sûr la reine du
bal, Antonia Sautter, qui paraît enfin, faisant bruisser sa large
robe de soie. Le bal peut commencer, par un menuet bien sûr, mené
par Antonia.
Ce
que l’on ne devine pas, à la voir souriant à tous, c’est qu’il
y a des nuits qu’Antonia ne dort pas, veillant au moindre détail
du décor, étudiant éclairages, menus, candélabres parant les
tables, mettant la dernière main aux costumes de ses hôtes. Ce bal,
célèbre pour son élégance, ne comptera jamais plus de quatre
cents invités, qui doivent être parrainés, même si la soirée est
payante et coûteuse, 800 euros, plus le costume, que l’on peut
louer chez Antonia pour un prix variant de 150 à 1000 euros,
certains préférant bien sûr les acheter.
Derniers préparatifs avant l'ouverture du carnaval |
Antonia dans son atelier imaginant de nouveaux costumese |
Antonia ouvrant le Bal du Doge |
Au
même moment, place Saint Marc, dans les rues voisines ou dans
d’autres palais, ils sont un millier à déambuler en costumes,
prenant la pose devant les photographes, en couples ou par groupes,
dégustant un chocolat au Café Florian, le plus vieux de la ville,
puisque sa création date de 1720.
La
fascination d’Antonia pour le carnaval remonte à son enfance. Avec
sa mère Italia, elle dessinait son futur costume, cherchait
l’inspiration dans les livres anciens, les gravures des bals de
jadis.
Casanova prenant la pose devant le Café Florian |
-
Pourtant, dit Antonia, je n’ai pas suivi d’école de graphisme ou
de stylisme et je dessine toujours comme une petite fille, épinglant
sur mes dessins les échantillons de tissus et de broderies, comme
Marie-Antoinette le faisait avec sa couturière Rose Bertin ! En
fait, j’ai suivi des études d’interprète et ai été engagée
par une compagnie américaine de mode, Hohenberg LTD. Quand ils ont
vu que j’avais le sens des couleurs, ils m’ont permis de
travailler avec les stylistes. C’est ainsi que tout a commencé.
Puis, à 26 ans, j’ai ouvert ici ma première boutique
d’accessoires. J’en ai à présent quatre ! L’histoire du
Bal du Doge est aussi survenue par hasard. Un client est un jour
entré dans ma boutique pour y acheter des masques. Nous avons
sympathisé. Il s’appelait Terry John et était le chef du groupe
Mounty Python. Il m’a expliqué que la BBC l’avait chargé
d’organiser une fête autour du personnage légendaire d’Enrico
Dandolo, le doge aveugle qui avait participé au financement de la
Première Croisade. J’ai affirmé être la grande spécialiste des
fêtes vénitiennes, ce qui était absolument faux.
A
cette fête filmée par la BBC, Antonia avait convié tous ses amis,
qu’elle avait elle-même costumés. Et ce fut le premier Bal du
Doge. L’idée était née, avec la réussite que l’on sait…
Une élégante du siècle dernier |
Même les boutiques sont en fête |
Pas grand mais s'amusant bien tout de même |
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Ce bal est à chaque fois une gageure, explique–t-elle. Je dois
chaque année me surpasser, surprendre mes invités, trouver d’autres
spectacles, de nouveaux jeux de lumières, des costumes plus
spectaculaires. C’est une soirée que j’offre à ma mère, morte
bien avant tout ça. Elle aurait été si heureuse de voir que je
reste fidèle à mes rêves d’enfant. En fait, je travaille dur
pour toutes ces fêtes que j’orchestre, mais surtout pour ce bal.
Le secret est que tout doit paraître simple, réalisé d’un coup
de baguette magique.
Antonia
Sautter, San Marco, Frezzeria 1286, Tél. : 39 041 5224426,
www.ilballodeldoge.com.
La Belle et la Bête |
Couple s'harmonisant parfaitement aux teintes des vieilles pierres |
Coquette à son miroir |
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