EN ARUNACHAL

Au cœur des tribus de l’Arunachal

 
Entre Tibet, Bhoutan et Myanmar, les provinces
encore méconnue de l'Assam et de l'Arunachal 

Une région montagneuse couverte d'une jungle difficile à pénétrer



Comme les parcs nationaux sont  malheureusement déjà fermés en ce mois d’octobre en raison d’une forte mousson et n’ouvriront qu’à la mi-avril, nous devons modifier notre circuit et nous envoler directement pour Pasighat, au cœur des tribus de l’Arunachal Pradesh.

Le problème des parcs nationaux
Sachez tout de même qu’il existe cinq principaux parcs nationaux en Assam, Kaziranga, Dibru-Saikhowa, Majuli et Laokhowa Wildlife Sanctuary et quatre en Arunachal, le même Kaziranga, à cheval sur les deux provinces, Namdy Trapa, Namdapha et Moulang. Là sont préservés les très rares rhinocéros unicornes, quantités de félins, d’oiseaux, poissons et tortues, serpents. Si la protection de la faune est bien sûr une bonne chose en soi, le Wildlife Protection Act de 1972 n’a pas été appliqué comme il aurait fallu, loin s’en faut. Un million six cents mille Adivasis, l’une des principale tribu de la région, ont été par exemple expulsés de leurs terres ancestrales pour permettre la création de tous ces parcs, relogés certes, mais profondément perdus et déracinés… Aujourd’hui, le Forest Rights Act de 2006 tente de protéger aussi les quelques quatre millions d’habitants des forêts peuplant encore ces zones. Tâche difficile. Comme partout dans le monde, les parcs nationaux sont aussi la cible privilégiée de braconniers sans scrupule. Par exemple, entre 1980 et 2005, 567 rhinos ont été abattus dans ce parc  de Kaziranga pour leur précieuse corne censée être un puissant aphrodisiaque et valant jusqu’à 20 000E pièce, sans compter les peaux de félins, défenses d’éléphants, cervelles de singes…

Le bac de la rivière Siang

L'improbable bac de la rivière Siang

Embarquer !

Et vogue la galère !

Comme la plupart des villes-bidons-villes de ces provinces, Pasighat, sale, poussiéreuse, encombrée, misérable, ne donne qu’une envie : s’enfuir le plus vite possible. Sitôt l’agglomération de 25 000 habitants derrière soi, on longe la délicieuse rivière Siang, un affluent du Brahmapoutre et la jungle tropicale qui la borde. Passe une sorte de barque allongée sur l’eau sur laquelle s’entasse un improbable chaos de voitures, motos, ballot et caisses de toute sorte, population bien serrée. Kanak, notre chauffeur et ange gardien, nous apprend avec un grand sourire que nous allons voyager une heure sur ce rafiot moisi et ne semble pas du tout ému à l’idée de faire passer la voiture sur deux planches instables servant de débarcadère. Enfin, tout se passe bien et l’expérience s’avère plutôt amusante. Un homme improvise une mélopée que tous reprennent en frappant dans leurs mains. Comme aucun touriste occidental ou presque ne s’aventure dans ces contrées, chacun veut nous avoir en photo sur son téléphone portable. Et nous prenons la pose, moi et mes amies, Eléonore qui vit en Inde depuis quatre ans et a fondé à Jaïpur ses deux compagnies de voyages et Marie-Renée, sa mère, grande baroudeuse devant l’Eternel.

Les jolies paillotes du camp du River abord country

Ouf, la voiture n’est pas tombée dans la Siang et nous roulons quelques kilomètres dans une jungle de plus en plus dense au sein de laquelle se niche notre hôtel, le River Abord Country, sorte de camps formé de diverses paillottes, d’où la vue est ravissante sur la Siang et la forêt. Je marche sur un gros serpent brun qui s’enroule autour de ma jambe. Pas de problème, il n’est pas vénéneux. Le cuisinier  du camp est en vacances, pas de problèmes non plus, Kanak se met aux fourneaux et nous régale d’un succulent riz au dal et d’une bière de riz maison, qui ne seront pas les premiers du séjour – à force, le riz au dal, plus le dal au riz, ça lasse un peu…

Oyan, un village Adi qui n’a pas vu le temps passer


Gamine Adi au village d'Oyan

Le lendemain, nous partons pour le petit village Adi d’Oyan, à quelques kilomètres de piste de là, à travers une forêt très inextricable. Quelques cases en bambou qui n’ont pas vu le temps passer, des plantations de thé et de riz, de légumes, choux-fleurs, tomates, fougères dont on grignote les pousses (c’est plutôt amer), feuilles de moutardiers que je trouve pour ma part aussi acides que filandreuses, des animaux en liberté partout. Je ne vois là ni école ni dispensaire qui se situent dans un autre village, quelques kilomètres plus loin. Les Adis sont accueillants. Partout on nous propose d’entrer, on nous offre le thé à la cardamone à déguster sur la vaste véranda entourant chaque maison. Le confort est sommaire, la cuisine réduite à sa plus simple expression, mais le poste de télévision es toujours à l’honneur, car il y a au village l’électricité et l’eau, une simple fontaine sur une petite place centrale. Mis à part les inévitables ustensiles en plastique, tout est fait en bambou, maison, plancher, meubles, cuillères et récipients. Les murs sont en bambou tressé, le toit en palmes entrecroisées, le sol en fines lanières de bambou disposées sur deux couches, l'escalier est un simple tronc de bambou muni d'encoches, assez périlleux pour les non-initiés !

Femme Adi en train de cuisiner à Oyan

Sur sa véranda

Sa maison nichée parmi les bananiers

Une plantation de thé de 900 hectares
Jeune fille au Donyi Polo tea garden

L’après-midi, après des momos frits dégustés dans une gargote et nous changeant un peu de notre ordinaire, nous partons pour la plantation de thé de Donyi Polo. Sur quelques neuf cents hectares de théiers admirablement alignés et gagnés sur la jungle travaillent quelques sept cents employés. L’ambiance me rappelle assez celle de Darjeeling, dans le Bengale-Occidental, et ses plantations s’étendant à l’infini. Ici on vend en gros dans le monde entier le célèbre Dité Cha, considéré comme l’un des meilleurs green roasted tea et surtout l’incomparable Mouling tea ou organic white peony que l’on s’arrache dans les meilleures boutiques de Paris. N’étant pas experte en la matière, loin s’en faut, je me récrie d’admiration comme il se doit. La dégustation de thé est intéressante. On doit d’abord humer le thé en vrac, puis le résidu de feuilles après infusion avant de  considérer la couleur puis de déguster le divin breuvage.

Une dégustation de thé dans les règles de l'art
La cueillette se fait toujours à la main sur ces centaines d'hectares

C’est bien connu, rien de si revigorant qu’une bonne dégustation de thé et nous voilà partis pour un rafting sur la Siang. Eléonore considère les remous de la rivière avec quelque dédain et précise qu’elle ne veut pas de « baby waves ». Piqué au vif, Kanak et son équipe nous précipitent au sein de remous que je trouve pour ma part parfaitement adultes et nous sortons de l’équipée passablement trempées, après avoir écoper comme des folles, le canot pneumatique n’étant guère étanche…

La fine équipe !

Along et le temple du soleil et de la lune des Galo


Toilette dans un torrent
Le roi des promeneurs

Eléonore sur un pont de singe enjambant la Syang

Quand la Siyang épouse le Syom 
Moi sur un pont de singe semblable à une
toile d'araignée

Nous suivons notre rivière Siang en direction d’Along, jusqu’à ce quelle ce gonfle des eaux d’un autre affluent du Brahmapoutre, la Syom. La route, plus piste que route, est superbe et difficile, ponctuée de rencontres amusantes, gamins rieurs se lavant dans un torrent glacé, éléphant et son cornac cheminant d’un pas majestueux de roi déchu. Comme ses rivales, Along est sale, poussiéreuse et délabrée. Bien plus plaisants, les villages aux alentours sont le fief des Apatani, encore au nombre de 25 000, l’une des tribus les plus nombreuse de la région. Ils seraient originaires des hauts plateaux septentrionaux.

Mini marché à Igo Kato

Jolie case à igo Kato

Prenant le frais

Alambic pour la fabrique de la bière
de riz ou poka

Marché de poissons à Along

Comme la plupart des tribus, les Galo sont animistes, de culte Donyi-Polo, c’est-à-dire pratiquant l’adoration du soleil et de la lune dans des temples fort inspirés des églises des missionnaires baptistes venus là dès le XIX è siècle. Un officiant et un récitant dirigent les chants sacrés des fidèles, entrecoupés de d’impressionnantes pantomimes, coupe-coupe dûment brandi vers les effigies mêlées du soleil et de la lune. Leurs maisons traditionnelles sont également faites de bambou, toujours sur pilotis, défiant parfois des abîmes à donner le vertige. On rencontre dans leurs villages des totems en forme de T nommés baboh, censés célébrer les astres. De bizarres compositions d’arbustes sur lesquelles sont plantés des œufs, les aiter, sont supposés éloigner les maladies de la case qu’ils protègent.
Sarongs de fête pour participer à une
cérémonie dans le temple du soleil
et de la lune d'Along
 

Ferveur des femmes

Les hommes occupent le côté droit du temple,
les membres les plus actifs portent une tunique bleue

Un officiant et un récitant dirigent chants et prières

La danse du sabre dédiée à la double effigie du soleil
et de la lune

Répétition de danses

Pour honorer le soleil et la lune
Vieille femme galo de corvée de bois

Traditionnel masque des chefs Galo en forme de bec d'oiseau

A Igo Kato, nous logeons dans une maison traditionnelle dont quelques chambres ont été aménagées pour les rares touristes indiens. Le confort est plus que sommaire, mais l’immense salle commune, bien sûr toute en bambou, avec un foyer sans trappe laissant la pièce passablement enfumée, les innombrables ustensiles pendus aux murs, la collection de cornes de mithuns et une petite cuisine attenante plus moderne mais pas trop, donne  un aperçu de la vie quotidienne chez les Galo. On prépare pour nous la vraie cuisine au bambou : les inévitables fougères et feuilles de moutardiers, du riz cru, du poulet coupé sont roulés dans une feuille de pan introduite dans un large bout de bambou directement mis à mijoter sur le feu pendant environ quarante minutes et l’on nous sert d’abord un aperçu du plat dans de minuscules bols, puis le plat lui-même dans de belles assiettes de métal martelé. Pas de doute, c’est toujours l’éternel riz au dal arrosé de bière de riz… Tout ça me paraît de moins en moins exotique et quelque peu répétitif, mais nous félicitons nos hôtes comme il se doit. Même accueil chaleureux et cordial dans les villages des alentours, Kabu ou Nomok, où les habitants semblent tout ébahis de notre présence.

Village Kabu de la tribu Galo

Enfants jouant à Kabu

Intérieur d'une maison toute en bambou à kabu

Bien sûr la télévision est reine !

Le chef du village Kito Nomuk a mis ses beaux
vêtements pour venir nous voir

Un baboh échargé d'oeufs pour éloigner la maladie
Toute la petite famille se repose sur la véranda




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