FÊTARDS OU ROUTARDS AU LAOS
Au Laos, Vang Vieng entre tradition et transgression
Vang Vieng, un petit village dans la jungle comme il y en a tant |
A la vie ponctuée par le rythme des temples |
Il y a quinze ans à peine, ce
paisible village de pêcheurs et d’agriculteurs récoltant riz et légumes
surtout, situé en pleine jungle à 150 km au nord de Vientiane, blotti le long de
la rive sud de la rivière Nam Song n’attirait personne. Ses monastères ne
justifiaient pas à eux seuls un tel détour, non plus que les minuscules
villages H’mongs des environs (une des ethnies minoritaires du Laos).
Le paradis des routards sportifs
Le marché de Vang Vieng |
Un village au bord de l'eau, dans un relief karstique |
Le spectaculaire paysage
karstique aux falaises creusées de nombreuses grottes, la beauté de la Nam Song
formant une île parfaite juste au nord du village, les roches propices à
l’escalade ont peu à peu incité les tours opérateurs lao à y développer la
pratique de sports nature. De petites agences se sont installées, proposant aux
visiteurs de louer kayak ou chambres à air pour descendre sportivement ou plus
passivement la rivière (tubing). Elles ont aussi organisé des treks et des
excursions de spéléologie pour explorer les innombrables grottes perçant les
roches dont certaines, connues depuis des siècles, étaient des lieux de
dévotion bouddhistes. Puis des voies équipées de cordes et crampons (les via
ferrata de chez nous) ont été mises en place – il y en a maintenant plus de 200
– et Vang Vieng est considéré comme le meilleur lieu d’escalade de toute l’Asie
du sud-est.
Départ pour le tubing |
Tubing dans une grotte |
Les fêtards remplacent les routards
Peu à peu, les premiers routards
à investir les lieux, incitant les habitants à développer guest houses et
petits restaurants, ont été imité par tous les fêtards parcourant le sud-est
asiatique. Plus que les grandes villes, souvent chères et très contrôlées,
telles que Bangkok, Phnom Pen ou même Vientiane, ce cadre idyllique en pleine
nature a prouvé qu’il se prêtait aussi à la fête. Et les Lao, tout d’abord
stupéfaits par les accoutrements et la descente des nouveaux arrivants, n’ont
pas tardé à y voir une nouvelle manne. Que leur importe finalement les
tatouages, percings, tags fluorescents, t-shirts provocateurs vantant par
exemple les bienfaits de l’héroïne, insolites coiffures ? Le tempérament
tolérant des Lao, leur immuable sourire et leur proverbiale gentillesse les
incitent à s’accommoder de tout.
Pour satisfaire les demandes de
ces nouveaux arrivants, ils ont installé en amont de l’île de Don Khang ou se
situent les boîtes de nuit (Rock Bar, Smile Bar ou Sunset Bar) de vastes
plates-formes équipées de bars, de tyroliennes et de toboggans géants, de
nattes pour prendre le soleil. Les fêtards ont inventé une nouvelle version de
la pétanque nationale : on remplace le cochonnet par des choppes de bière
que le lanceur assez adroit pour y placer sa balle sans rien renverser doit
aussitôt vider. Des haut-parleurs qui se font concurrence d’une plate-forme
l’autre diffusent une musique assourdissante qui s’apaise heureusement une fois
dépassé l’île de tous les plaisirs.
Ambiance en kayaks |
Signification du mot « happy » en lao
Les taggers sur les bars-passerelles |
Pour corser un peu ces rave
parties, les Lao ont inventé le concept de « happy ». Une crêpe, une
bière, un whisky « happy » sont corsés de bien des mélanges :
opium, marijuana, champignons hallucinogènes ou amphétamines (yaba). Et les Lao n’ont pas toujours la
main légère. Mieux vaut le savoir.
Si on veut éviter les excès
nocturnes, on peut tout de même goûter à l’ambiance de ces plates-formes sans
forcément consommer d’alcool ou de petits mélanges « happy ». De
toute façon, les tours qui vous amènent avec kayaks ou tubs sur le toit de
leurs véhicules s’arrêtent toujours à l’une ou l’autre des plates-formes.
L’accueil reste bon enfant pour tous. On vous offre un verre de bienvenue, on
vous tague de ravissants petits cœurs ou papillons fluos sur les parties que
laisse à découvert votre maillot et vous pouvez gratuitement et sans grand
danger vous exercer aux toboggans ou tyroliennes, pourvu que vous soyez resté
sobre.
Coucher de soleil sur Vang Vieng |
Ensuite, pourquoi ne pas se
restaurer « à la romaine », vautré sur de moelleux coussins, dans
l’un des restaurants-passerelles du village donnant sur la rivière et diffusant
non stop des épisodes des Simpson ou de Friends ? La nourriture est bonne
et bon marché. Seule contrainte imposée par les autorités du village, ne pas se
promener dans les trois rues existantes en bikini ou maillot. La police ferme
pudiquement les yeux sur les possibles excès des falang, les étrangers. Si de jolis bungalows pour touristes se sont
peu à peu construits le long de la Nam Song, le centre de Vang Vieng bourdonne
à présent du travail des excavatrices et autres bétonnières. Les Vietnamiens
construisent au beau milieu du village un énorme hôtel de béton qui n’a bien
sûr rien à faire là et la plupart des bars édifient partout de nouvelles
passerelles. A vouloir devenir trop rentable, Vang Vieng verrait-il bientôt le
déclin de ses beaux jours ?
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