HIMALAYA
Les sentinelles du Bhoutan
Col de Dochola marqué de chorten |
Dzong ou forteresse-monastère de Punakha |
Palais d'Eté, maintenant un monastère |
Moinillons au Palais d'Eté |
Ce
petit royaume himalayen oublié, grand comme la Suisse, coincé entre Tibet et
Inde et peuplé de moins de 700 000 habitants, était habité de tribus
semi-nomades jusqu’au XVII è siècle, date à laquelle le pays s’organisa sous l’impulsion
d’un chef religieux venu du Tibet. Ce fut à cette période que s’édifièrent la
plupart des dzong, monastères
forteresses, ouvrages à la fois militaires, religieux et administratifs, les
sentinelles du Bhoutan.
La sérénité
de Paro
Dzong de Paro |
Monastère de Jam Lathang |
Festival de Bumthang |
A peine débarqué de l’avion, on est saisi par la
pureté de l’air de la vallée de Paro, à 2250 mètres d’altitude.
Pas un bruit, mais une immensité de champs dorés, le riz venant d’être coupé en
ce début de novembre. La rue unique est bordée de hautes maisons crépies de blanc,
aux élégantes ouvertures de bois sculpté. Les murs sont peints d’animaux
fantastiques ou de facétieux phallus, symboles bien sûr de fertilité. Les
hommes en gho et les femmes en kira déambulent le long des échoppes. Le
gho est une courte robe écossaise,
serrée à la taille par une ceinture tissée, qui s’arrête aux genoux et se porte
au-dessus de hautes chaussettes et de chaussures de ville, les bottes brodées
étant réservées aux diverses cérémonies. La kira
des femmes se compose d’une robe enroulée autour du corps, sans couture, ajustée
sous un court boléro.
Au centre de la ville s’élève un haut chorten ou stupa en sanscrit, en forme de cloche renversée, contenant relique
ou prière. Non loin s’élève le dzong
de Paro, à la fois forteresse aux temps incertains de luttes avec le Tibet
voisin, monastère, logis des moines et bâtiment administratif du district – il
y en a vingt-et-un au Bhoutan. Celui-ci, édifié au XVII è siècle comme ils le
sont presque tous, est d’une architecture tibétaine élégante et défensive, les
bâtiments religieux et civils s’organisant autour de multiples cours. Contre le
dzong s’élève la tour de guet,
aujourd’hui le plus beau musée du royaume retraçant son histoire religieuse et
celle de la royauté.
Festival de Bumthang |
Bistro de Trongsa |
Dzong de Trongsa |
Une heure de route en suivant l’étroite vallée bordée
de hautes montagnes boisées de pins, cyprès, banians et flamboyants mène à
Thimphu, principale ville de ce petit royaume protégé par l’Inde.
Une langue
écrite depuis 1960
Nonnes de Trongsa |
Lessive à Trongsa |
Marché à Trongsa |
Nonnes du Palais d'Hiver |
Moine ajustant sa robe |
On voit que Thimphu, forte de ses 40 000
habitants, est la capitale, deux rues parallèles encadrent la voie principale
la plus commerçante, la
Norzim Lam. C ’est la sortie des classes, les petits, en gho et kira de divers écossais, chahutent à qui mieux mieux. Au Bhoutan,
l’école est mixte, obligatoire et gratuite. Les cours se font en anglais. La
langue nationale, le dzongkha ou
« langue parlée dans les dzong »,
également enseignée dans les écoles, est aussi celle de l’administration. Elle
n’est écrite que depuis 1960 et n’a pas encore une orthographe très stable.
Non loin de Thimphu, au col de Dochola, à 3100 m , l’air est vif sous
le soleil. Les cols sont toujours marqués par un chorten et une profusion de drapeaux votifs de couleurs claquant au
vent. Celui-ci forme une colline à laquelle on accède par des escaliers,
coiffée de cent huit petits chorten
peints, un nombre sacré dans le bouddhisme tibétain. En arc de cercle se
profilent les sommets enneigés des Himalayas. Paysage grandiose, irréel, rendu
plus majestueux encore par l’hommage humain.
Les villages s’étant organisés à l’ombre des dzong, la meilleure façon de découvrir
le Bhoutan est d’aller de dzong en dzong, certains n’étant d’ailleurs desservis
par aucune route. Celui de Punakha est spectaculaire, surplombant un majestueux
cours d’eau. C’est là que réside le Je Khenpo, supérieur des Bonnets Rouges et
première autorité religieuse du royaume. Plusieurs fois détruit par les
incendie, puis par une crue de la rivière en 1994, toujours reconstruit à
l’identique, le dzong revit, immuable
et d’une poignante beauté.
Le dzong de Gasa, dans sa solitude hautaine
Pour accéder à celui de Gasa, il faut suivre les
gorges de la Punatsang chu, qui serpente parmi la forêt de plus en plus dense.
Partout jaillissent des cascades dans un éclat de rire blanc. La piste s’arrête
devant un éboulis de rochers dû à la dernière mousson et pas encore déblayé. On
ne peut donc arriver qu’en marchant à Gasa, accompagné de toute une caravane de
chevaux de bât portant vivres, boissons et tentes car il n’y a bien sûr aucun
endroit où se ravitailler en chemin. Les chevaux bhoutanais, rarement montés, ont
le pied sûr pour franchir les passes les plus abruptes ou de fragiles
« ponts de singe » surplombant des abîmes. Les cloches accrochées à
leur cou annoncent leur arrivée à une autre caravane, car se croiser sur ces
étroits sentiers est toute une affaire.
On monte en trois heures jusqu’au spectaculaire pont
de singe de Same Zam, qui enjambe, balancé par le pas des chevaux, les eaux
bouillonnantes de la Tsachomo chu, mugissant vingt mètres plus bas. Les bêtes trottent
allègrement dans un concert de clochettes. Suivant le guide, Sonam ou Chanceux,
rebaptisé Lucky, nous arrivons au camp après huit heures de marche pour dîner sous
la tente d’un savoureux carry concocté sur un réchaud de fortune.
Le roi et le Je Khenpo ou chef religieux |
Au matin, on aperçoit la masse imposante du dzong de Gasa, émergeant de la touffeur
de la forêt. Dans
la principale cour intérieure, des Layap, une ethnie d’origine tibétaine vivant
à la frontière nord du royaume, campent avant de se rendre à Thimphu. Ces
éleveurs semi-nomades sont vêtus de poils de yack tissés et coiffés d’un drôle
de chapeau de bambou tressé. Il faut encore six bonnes heures de route à
travers la forêt pour rejoindre la source chaude de Gasa Tsa chu, d’origine
volcanique, très prisée par les Bhoutanais, excellente pour les rhumatismes. C’est
un dimanche et l’on vient y pique-niquer en famille, shampouinant, étrillant
les gamins, lavant le linge de la semaine dans une atmosphère très conviviale.
L’eau est presque trop chaude et l’on peut y rester des heures, même à la nuit
tombée.
Bonnet Rouge dans le stade de Thimphu |
Des nuages s’amoncellent et s’effilochent par pans sur
les flancs de la
montagne. On se passe à la ronde, à la lueur des feux, de délicieux
momo, petits pains cuits à la vapeur,
fourrés de légumes et de viandes. A deux heures, la pluie se met à tambouriner
contre les toiles des tentes et les arbres se gorgent d’humidité.
Lever à sept heures le lendemain, sous une pluie
déprimante. La forêt s’est changée en marécage, les sentiers en patinoires. Bientôt,
on patauge dans la boue jusqu’aux mollets. A chaque pas, il faut arracher son
pied à l’étreinte visqueuse pour le replonger quelques centimètres plus loin dans
une autre fondrière. Sept heures avant de retrouver Tashi, le chauffeur, et la
voiture…
Festival
tantrique au dzong de Bumthang
Ce 29 octobre, dixième jour du mois selon le
calendrier lunaire, on célèbre au dzong
de Bumthang le festival du Tsechu. Les habitants ont revêtu leurs vêtements de
fête. Dans la cour centrale, la foule s’est assise dans une ambiance de
kermesse à même le sol. Des moines masqués, pieds nus, revêtus de somptueuses
robes de brocart virevoltant autour d’eux, jaillissent comme des diables de la
porte principale. Ils tournoient sur eux-mêmes en se déhanchant pour que leurs
longues manches traînantes effleurent le sol. On les dirait pris de transes.
Leurs masques à têtes de morts ou d’animaux, chiens, cerfs, corbeaux, yacks ou
chevaux leur donnent un aspect fantomatique. Leurs danses content l’assassinat
par un moine d’un roi hostile au bouddhisme, au IX è siècle, au Tibet, et la
conversion d’un chasseur aux croyances du Bouddha proclamant sacrée toute vie,
même la plus humble.
Le retour sur Thimphu, pluie et brouillard, a quelque
chose d’irréel…
Des
bannières brodées de plus de vingt mètre de haut
Dans les cours du dzong
de Thimphu ou forteresse de « l’auspicieuse religion », les moines
Bonnets Rouges, juchés sur les toits décorés de drapeaux jaunes, la couleur de
la royauté, soufflent dans leurs longues trompes recourbées. Les danseurs
s’élancent et tourbillonnent dans les cours ornées de gigantesques bannières de
plus de vingt mètres de haut retraçant la vie du Bouddha ou de Guru Rimpoché,
qui fit connaître le bouddhisme au Bhoutan dès le VIII è siècle.
Avant les danses rituelles commence un défilé
militaire, avec en tête la garde royale, splendide dans ses uniformes datant de
trois siècles. Le bataillon des femmes, en tenues léopard bleu et blanc, est très
remarqué.
Les moines
dansent pour invoquer les forces du bien
Le grand moment que tous attendent est cette
mystérieuse danse tantrique des Coiffes Noires ou shanag, identique à celle du dzong
de Bumthang, en plus grandiose, l’espace étant bien plus vaste dans le grand
stand. Les moines masqués de la tête de mort représentent des sages tantriques
aux pouvoirs occultes. Ils s’emparent de
l’aire de danse en en chassant les mauvais esprits par leurs tournoiements
basculés. Lorsque les danseurs frappent leurs tambours, ils proclament la
victoire du bouddhisme sur les forces obscures.
A présent, place aux jeux, ponctués de danses chantées,
joutes des « hommes forts », assauts de lutteurs en kimonos blancs, combats
à coups de sacs de son de deux adversaires accrochés à une barre au-dessus
d’une cuve emplie d’eau glacée. Dans une aire jouxtant le stade, s’exercent les
tireurs à l’arc, sport national bhoutanais. Les gradins se remplissent, on
acclame les meilleurs coups.
En
encadré :
Ce voyage a été organisé par Compagnie du Monde, 82, Bd Raspail, 75006 Paris, Tél. : 01 53
63 33 42, récemment implantée au Bhoutan et bénéficiant d’une équipe dynamique
basée à Thimphu. Il est obligatoire de faire appel à une agence de voyage et
l’on ne peut découvrir seul ce pays. On doit payer une taxe de 200 euros par
jour, mais tout est alors compris, hôtels, restaurants, guide, voiture et
chauffeur, trek. Votre agence vous obtiendra aussi votre visa, seuls 9000
visiteurs étant admis par an.
Comment y aller :
Une seule compagnie aérienne qui vient de fêter ses
vingt ans est autorisée au Bhoutan, la Druk Air Corporation
Ltd, drukair@druknet.bt. Liaison à
partir de Kathmandou, Bangkok, Delhi, Calcutta et Bombay, un seul aéroport,
Paro.
Argent :
La monnaie locale est le ngultrum ou Nu,
équivalent de la roupie indienne qui est aussi acceptée, soit un euro pour 60
Nu. Attention, il n’y a pas de billetterie et les cartes de crédit ne sont pas
acceptées, même dans les banques.
Bonnes
adresses :
. A Paro, l’hôtel Uma, de la chaîne Como , surplombe
le dzong parmi la pinède. Joli décor
floral de style bhoutanais, chambres ou villas, table délicieuse, piscine,
cours de yoga et massage. Réception chaleureuse par le gérant français. Site www.uma.como.bz. Le prix n’est bien sûr pas
compris dans les 200 euros quotidiens. Deux restaurants sont agréables dans la
rue principale, le Sonam Trophel et le Peljorling, spécialités de carry et
pommes de terre à la crème.
. A Thimphu, deux hôtels propres et confortables mais
sans grand caractère, le Taksang et le Peling. Le Druk Hotel et le Jomolhari,
bien plus luxueux, mais pour lesquels il faut payer un supplément, ont
d’excellents restaurants proposant poulets ou agneaux tandoori.
. A Bumthang, la Swiss Guest House
tenue par Fritz Maurer a des allures de chalet suisse. Il faut y déguster les
raclettes de Fritz et sa bière brassée au village, la Red Panda.
. A Trongsa, le Norling, situé en plein village, est
confortable et propose une bonne cuisine traditionnelle à base de soupe, trimomo, ou rissoles à la viande, shabale.
Que
rapporter
Les tissages surtout sont magnifiques. On en trouve
tout au long de la Norzim
Lam de Thimphu, mais chers. Les prétendues antiquités
viennent tout droit de Kathmandou et sont hors de prix. La boutique de l’Ecole
d’Art Traditionnel de Thimphu offre de belles thangka ou bannières peintes, à des prix abordables, ainsi que des
vêtements et sculptures.
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