Propos d'écrivain

Mon passe-temps préféré :
Tuer un peu, beaucoup…


« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
Et j’en sais d’éternels qui sont de purs sanglots »,

écrivait Alfred de Musset dans sa Nuit de mai. En ce XIX è siècle, le spleen se portait avec une sublime décontraction, comme la redingote d’un dandy ou la célèbre cape d’un Barbey d’Aurevilly. Maintenant que l’on n’ose plus sangloter en public, que reste-t-il à l’écrivain de mauvais poil pour diverses et pertinentes raisons ? Mon chéri est à mille kilomètres de chez moi. Je viens de me coltiner pour la neuf centième fois avec ma meilleure amie. J’ai découvert avec ahurissement que la haine de mon pire ennemi est encore bien vivace, trente ans après notre premier heurt pour cause de haute trahison (de sa part à lui, bien sûr). Mon frigo est vide, ce qui n’est pas très nouveau chez moi. Il pleut à verse et je n’ai aucun courage pour sortir. Au secours, ma boîte ne contient que des factures ! Mon voisin fait sa crise chaque fois que je j’insère un CD dans mon lecteur.
Une seule solution, je me rue sur mon PC et transforme ce qui s’annonçait à première vue comme un paisible article de tourisme sur Singapour en un sanglant polar. Et je tue un peu, beaucoup. Comme j’y prends goût, qu’une noyade dans une piscine à débordement située au 57 è étage de la dernière marina en construction me met en verve, j’enchaîne et trucide à tours de clavier. Meurtre au Fort Rouge de Delhi, noyade dans le Gange, fusillade-traquenard sur les routes himalayennes, torture qui tourne mal. Ouh, je vais de mieux en mieux… Au troisième crime, je commence à me marrer. Au cinquième, je deviens hilare. Au sixième, convenablement dopée à l’hémoglobine, je me sens fort bien dans ma peau de serial killer. Après une bonne nuit blanche fortement teintée d’écarlate, je plane sur les sommets du crime et il ne me reste plus qu’à mettre en ordre cette explosion de rage sans l’aide de papy Freud et sans savoir comment l’annoncer à mon éditeur. Tout de même, tuer un peu, beaucoup sur l’ordi s’avère un fameux remède… Essayer, pour voir s’il ne vous naît pas une nouvelle vocation !

Mon premier meurtre : dans la piscine à débordement
 du 57 è étage du Marina Bay Sand
     

Commentaires

  1. Excellent! Ah comme j'aimerais avoir la verve romancière d'Isaure et ses dons d'écrivain, pour décharger mes humeurs grincheuses sur des héros créés pour les subir, à la grande joie de lecteurs assidus, qui se défouleraient eux-mêmes en me lisant !
    Brunoobis

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