ESCAPADE EXOTIQUE
Rishikesh, le paradis indien mise à
la mode
par les Beatles
Quand
le Gange devient divinité
Platon parlait déjà de cette étrange contrée, le long
d’un fleuve imploré comme une divinité, où les saints allaient nus. Aujourd’hui
encore, ces saints ascètes ou sâdhu cherchent dans la nudité une leçon
d’humilité leur permettant d’entrer en communication avec les dieux, avec
l’aide, il est vrai, du haschich et du yoga. Longtemps considéré comme un
secret jalousement gardé ne pouvant être enseigné que par un maître lui-même
initié, le yoga garda ses mystères avant de conquérir peu à peu l’occident
depuis le début du siècle. Suivant la procession rituelle annuelle des sâdhu,
partant à partir d’avril de la « Porte du Grand Fleuve », là où le
Gange quitte ses montagnes sacrées pour arroser la plaine, en l’occurrence la
bourgade d’Haridwar, dans l’Uttaranchal, les Beatles ont remonté avec eux le
fleuve saint vers ses présumées sources – une question encore posée. Deux
sanctuaires himalayens, Badrinath à l’est et Gangotri plus à l’ouest, se sont
durant des siècles disputés l’honneur d’abriter les « vraies »
sources. Disputes prenant parfois de redoutables proportions…
Statue géante de Shiva |
Sur les ghâts pour célébrer la Fête des Lumières |
Pour calmer les esprit, les géomètres ont décidé
qu’il n’y avait pas de source du Gange et qu’on fixerait désormais sa naissance
au petit village d’altitude de Rudaprayag, à la jonction de deux rivières,
l’Alaknanda pour le premier monastère, et la Baghirati pour le second. Les
bagarres ont cessé, ce qui n’empêche pas les pèlerins d’avoir chacun leur
préférence. A tout hasard, les anciens sanctuaires continuent d’être vénérés à
chaque affluent du Gange, qu’on appelle aussi la déesse Ganga.
La première étape de cette procession pouvant durer
des mois pour certains est le sanctuaire de Munda Devi, situé sur une colline
dominant Haridwar. Pourquoi Haridwar, simple petite ville des bords du
Gange ? La légende veut qu’à l’aube des temps, Garuda, la monture ailée de
Vishnou, ait dérobé aux dieux quelques gouttes du nectar d’immortalité pour
l’offrir aux hommes. L’une d’elles tomba sur Haridwar.
Pour les hindouistes, la sainte trinité ou Trimûrti
se compose en effet de Brahma le créateur, Vishnou le protecteur et Shiva,
destructeur et régénérateur, puisqu’ils croient à la réincarnation et que la
mort appelle la vie. Il y a encore leurs belles épouses, Sarasvati, Laksmi et
Parvati, mère de Ganesh, le dieu de la prospérité à tête d’éléphant, sans
oublier la sinistre Kali et sa guirlande de crânes, déesse de la mort, bien sûr.
Rishikesh, capitale mondiale du yoga
A une trentaine de kilomètres d’Haridwar, par des
sentiers ne cessant de grimper ou par une route sinueuse traversant de
magnifiques paysages de forêts sylvestres et de gorges de plus en plus
escarpées, on continue de remonter le fleuve saint jusqu’à 356 m d’altitude,
dans les contreforts de l’Himalaya. La jolie petite ville de Rishikesh l’enjambe
par deux passerelles. En quelques années, sous l’influence surtout de John
Lennon venu y découvrir la méditation transcendantale, c’est devenu la capitale
mondiale du yoga. Depuis lors, elle est hantée par une foule de baba
venus méditer sur cette impossible contradiction : comment concilier une
âme immortelle avec un corps périssable ? Les boutiques, les bistros mais
surtout les ashram et centres de yoga de tout poil y pullulent, les prix
frôlant souvent l’escroquerie pure et simple. Et chacun d’apprendre sous la
férule de prétendus maîtres comment ouvrir ses chakra ou centres vitaux
pour mieux faire circuler son énergie…
Deux pourtant sont intéressants. Le Shivanand Ashram
sur Laksman Jhula Rd (voir sivanandaonline.org) est un centre de méditation
fondé en 1936 par Swami Shivananda, le Sage de l’Himalaya prônant une autre
technique que celle, plus traditionnelle, du grand maître du yoga, Patanjali.
Le second, le Yoga Niketan Trust (même adresse, à 50m du premier, voir
yoganiketan.org) propose des cours d’une excellente qualité. Ce qui ne signifie
pas, bien sûr, qu’on ne puisse pratiquer le yoga ailleurs, mais le site, quand
on quitte le centre ville trop encombré, est en effet d’une grande beauté,
propice à la paix comme à la méditation.
La Fête des lumières
Les deux quartiers piétonniers de la ville, Laksman
Jhula et Swargashram, sont situés sur la rive gauche du Gange et tous deux reliés
par un pont à la rive droite. Là, on oublie le temps pour s’absorber dans la
beauté du paysage. Dans le premier, au pied de la passerelle qui permet une
belle vue sur les ghât, les marches sacrées permettant de s’immerger
sans danger dans le fleuve, s’élève l’imposant Trayambakeshwar Temple. En forme
de pyramide, il se gravit jusqu’au sommet dans le sens des aiguilles d’une
montre pour faire ses dévotions aux principales divinités du panthéon indien.
Chacun reçoit la lumière |
Distribution de la lumière |
Plus en aval, près du second pont, le Ram Jhula
Bridge, les nouveaux ghât de Parmath attirent une foule nombreuse dès la
tombée de la nuit. Ce jour-là, une famille aisée de Rishikesh célèbre le
premier anniversaire de la mort de l’aïeule. Et, comme d’habitude en Inde, tout
le monde, même les non hindouistes, est convié à unir ses prières à celles de
la famille dans une atmosphère plus festive que triste. Sur le haut des ghât
se tiennent les trois brahmanes venus célébrer « la fête des
lumières », commémoration de l’immolation par le feu de Sati à la mort de
son époux. La famille est assise autour d’un large brasier. Les brahmanes lui
distribuent pétales de fleurs, graines et goutte d’huile à jeter dans le feu,
puis ils allument trois candélabres en forme de trident, celui de Shiva, et
leurs petits aides distribuent contre des oboles des feuilles de bananier
plantées d’une bougie, que chacun va allumer aux candélabres. On danse et on
chante tous ensemble avant d’abandonner le fragile esquif au courant du Gange,
pour porter ses prières aux dieux et briser peut-être le cycle des
réincarnations. C’est ravissant de voir ce chapelet de lueurs tremblantes
cheminer dans la nuit…
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