LES DEUX CHYPRES
Chypre,
une île écartelée
Au bord de la mer, l'un des huit tombeaux de Paphos
Au bord de la mer, l'un des huit tombeaux de Paphos |
Les richesses naturelles de Chypre ont
toujours attiré les convoitises des pays voisins et son histoire fut
mouvementée, son nom grec de Kupros
signifiant cuivre. Outre ses gisements de cuivre, Chypre était aussi célèbre
pour ses épices et ses importantes plantations d’agrumes, fruits et légumes.
Pour ces raisons, elle fut tour à tour sous tutelle hellénique, romaine,
byzantine, franque, vénitienne, ottomane et enfin britannique…
Le
souvenir de Richard Cœur de Lion et Bérengère de Navarre
Notre bateau, La belle Adriatique,
aborde à Limassol, port devenu célèbre depuis que Richard Cœur de Lion, fils
d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt, dérouté par une tempête y
aborda avec sa flotte le 5 mai 1191. Là règne en tyran Isaac Doukas Comnène,
cousin du défunt empereur de Byzance Andronic Ier. Il veut faire valoir son
droit d’épave pour s’approprier la flotte de Richard, qui riposte en s’emparant
de Limassol. Comme Isaac refuse de traiter avec lui, Richard lance sa cavalerie
contre ses troupes, se rendant ainsi maître de l’île dès la fin mars 1191. Il
pille l’île, massacre ceux qui veulent résister et, ne sachant trop quoi en
faire, l’offre à l’ordre du Temple qui finit par la lui restituer. Il la vend
alors à Guy de Lusignan, chassé du royaume de Jérusalem par ses propres barons.
Richard a demandé en mariage Bérengère
de Navarre, qui a entre 26 et 28 ans lorsque son père accepte cette demande.
Ella arrive avec sa future belle-sœur Jeanne à Limassol et le mariage est
célébré le 12 mai 1191 en la chapelle Saint George. C’est l’évêque d’Evreux qui
couronne la nouvelle reine d’Angleterre. Enfin mariés, Bérengère et Richard
s’embarquent à nouveau et arrivent à Acre assiégée le 8 juin de la même année.
La ville est prise un mois plus tard et Bérengère s’y installe le temps de la
croisade. La troisième croisade.
Après toutes ces occupations
successives, Chypre obtient enfin son indépendance du Royaume-Uni le 16 août
1960, qui conserve cependant deux bases dans le sud et l’est de l’île. En dépit
de cette paix, les problèmes ne manquent pas. Les nationalistes grecs
voudraient la réunion avec la Grèce. Réunion dont la minorité turque, soit 18%
de la population, ne veut pas entendre parler, si bien que les affrontements
armés se multiplient et le gouvernement du président Makarios III peine à
maintenir un fragile équilibre entre les deux communautés.
C’est alors que le 15 juillet 1974, la
garde nationale dirigée par des officiers grecs acquis à la dictature des
colonels fait une tentative de coup d’Etat pour renverser Makarios. Le 20
juillet, la Turquie intervient militairement sous le prétexte de protéger ses
ressortissants et occupe le nord de l’île. Malgré la restauration de la
république chypriote, les Turcs refusent de se retirer et imposent la partition
de l’île, ce qui contraint à l’exode toute une partie de la population, tant
d’origine grecque que turque. Quand, le 13 février 1975, se met en place l’Etat
fédéré turc de Chypre, qui devient ensuite la République turque de Chypre du
nord, il n’est reconnu que par la Turquie. On en est toujours là aujourd’hui et
le nord de l’île compte à présent près de cent mille colons venus de Turquie.
Quant à Nicosie, la capitale, elle est traversée par la fameuse « ligne
verte » séparant les deux communautés. Quand les relations s’apaisent, on
peut passer sans problème du nord au sud, ce qui n’est plus le cas, aujourd’hui
que la Turquie revendique une bonne partie des eaux territoriales grecques…
Les tombeaux royaux de Paphos
Sur 32 hectares longeant la
mer, cette nécropole, classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980, se
compose de huit grands tombeaux et d’un tumulus. Datant du III è siècle av.
J.-C., ils ne furent sans doute pas conçus pour des rois mais pour de simples
notables. Leur conception rappelle celle d’une vraie maison. On y accède par un
escalier permettant de descendre dans la partie souterraine pourvue d’un atrium
à la galerie soutenue par des colonnes et desservant plusieurs chambres
funéraires ou de simples caissons creusés dans la roche pour les défunts de
moindre importance. Utilisés pendant des siècles, ces tombeaux n’ont été
abandonnés qu’après les terribles tremblements de terre du IV è siècle. Pillés,
la plupart de leurs objets précieux volés, ils ont été redécouverts à la fin du
XIX è siècle et ont fait alors l’objet de fouilles scientifiques.
Les quatre villas de Paphos
Mosaïque de la maison de Dyonisos |
Autre mosaïque de la maison de Dyonisos |
Quatre luxueuses villas ont été
découvertes sur ce site : les maisons
de Dionysos, d’Aiôn, de Thésée et d’Orphée.
La première tient son nom du célèbre
dieu du vin représenté sur l’une de ses mosaïques. Cette luxueuse villa de 2000 m2 , construite à la
fin du II è siècle ap. J.-C. fut elle aussi détruite par les fameux
tremblements de terre du IV è siècle. Si ses mosaïques ont fortement subi
l’influence romaine, son plan est typique des bâtiments grecs, les pièces étant
disposées autour d’une cour centrale. Les principales mosaïques, d’un dessin
fin et habile, représentent des scènes de chasse ou des épisodes de la
mythologie. L’une d’elles figure une pauvre nymphe changée en monstre marin, le
fameux Scylla, par la colère de Circé, l’enchanteresse. On l’associe souvent à
Chrybde, tous deux hantant les deux extrémités du détroit de Messine.
La seconde villa, la maison d’Aiôn, n’a pas encore été
mise à jour en son entier. Seulement trois pièces ont été excavées. Plus
tardive que la précédente, elle fut bâtie au IV è siècle ap. J.-C. et porte le
nom du dieu Aiôn, que l’on peut considérer comme « la force de vie ».
La plus belle des mosaïques, datée de 318 ap. J.-C., celle de l’immense salle
de réception, est composée de cinq panneaux représentant l’enfance de Dionysos,
Leda et le cygne, le concours de beauté entre Cassiopée, la reine d’Ethiopie et
les Néréides, les nymphes de la mer, la condamnation à mort du satyre Marsyas
par Apollon, le triomphe de Dionysos et le dernier est composé de motifs
géométriques.
Mosaïque de la maison d'Aiôn |
Précieuse mosaïque circulaire de la maison d'Aiôn |
La troisième, la maison de Thésée, était la résidence du
gouverneur romain et se composait donc de toute une partie réservée aux
réceptions officielles. Construite au II siècle ap. J.-C., elle était très
vaste et ne comportait pas moins d’une centaine de pièces. Elle fut habitée
jusqu’au VII è siècle. L’une des plus belles mosaïques représentant Thésée
combattant le Minotaure est à l’origine de son nom. Une autre, très élégante
aussi, montre le bain d’Achille enfant.
La dernière, celle de Thésée, également fort luxueuse,
date de la fin du II è siècle ap. J.-C. La plus spectaculaire des mosaïques campe
Orphée, ce héros de la mythologie poète et musicien, charmant des animaux. Une
autre illustre l’un des travaux d’Hercule, lorsqu’il terrasse le lion de Némée.
Par la richesse de leurs couleurs, leur délicatesse, le
foisonnement des personnages, ces mosaïques de Paphos sont l’un des meilleurs
exemples de l’habitat antique grec de grand luxe.
Toute entourée d'eau, la romantique forteresse de Geroskipou |
Son port de pêche pittoresque |
Et les gros chaudrons de cuivre où se fabriques de savoureux loukoums |
A l’est de Paphos, pratiquement dans sa banlieue, se
trouve le pittoresque petit port de pêche de Geroskipou, son antique forteresse
franque et une fabrique de loukoums, ces sortes de pâtes de fruits orientales
très sucrées.
Larnaca et
l’église de saint Lazare
L'élégant minaret de la mosquée de Larnaca |
Des remparts de la forteresse, vue sur la plage |
Tombes ottomanes à l'intérieur de la forteresse |
Plus à l’est encore se situe la ville de Larnaca, port
ottoman important au XVI è siècle, lorsque l’île fut prise à la République de
Venise par le sultan de Constantinople. Une belle plage bordée de palmiers, des
hôtels de luxe et des restaurants de fruits de mer, une forteresse byzantine
abritant un petit musée et des tombes ottomanes, une synagogue et une mosquée
prouvent assez le brassage ethnique qui eut toujours cours à Chypre. Une belle
église byzantine, celle de saint Lazare, fut édifiée au IX è siècle, agrandie
au XIII è siècle. Elle contient le tombeau de Lazare, ressuscité par le Chris,
qui serait ensuite venu prêcher à Chypre et y serait devenu évêque. L’intérieur
de l’église est d’une grande richesse, avec une iconastase très ornementée, quantité
d’icônes et reliquaires et la place devant l’église toujours animée. Dans les
ruelles proches se tient un joli marché.
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